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Recyclage de la ferraille : battre le fer tant qu’il est chaud

Les métaux se recyclent indéfiniment sans perdre de leurs propriétés. Pixabay, CC BY-NC

Alors que la réindustrialisation du pays s’affiche comme une priorité, la filière française du recyclage de la ferraille – touchée de plein fouet par la crise mondiale du prix des matières premières – peine à obtenir le soutien des responsables politiques. Or le recyclage de la ferraille constitue une industrie propre, écologique et durable.

La ferraille désigne les déchets d’acier broyé extraits d’épaves automobiles mises à la casse, d’appareils électroménagers, de boîtes métalliques… Un chiffre résume à lui seul l’importance du secteur : 60 % de la ferraille recyclée en France, sur les 13 millions de tonnes produites chaque année, est utilisée par les usines sidérurgiques de l’Hexagone.

Premier intérêt de ce recyclage : l’acier produit grâce à ces ferrailles consomme des quantités d’énergie très nettement inférieures à celles nécessaires à l’extraction des métaux (minerai de fer) dans les mines. Le traitement du minerai brut implique en effet l’utilisation de forts courants électriques pour séparer le métal de l’oxygène qu’il contient. En le recyclant, on permet donc la réalisation d’économies d’énergie.

L’extraction des métaux est en outre une opération qui nuit gravement à l’écosystème via, notamment, la déforestation et la pollution des sols.

Dans une récente tribune, Jean-Pierre Gaudin, président de la Federec (qui rassemble les entreprises de recyclage) pour le métal, rappelait ainsi que la production d’une tonne d’acier à base de ferraille recyclée réduit de 90 % les émissions de CO2 par rapport à celles émises par la filière du minerai de fer. Le recyclage d’une tonne de ferraille d’acier non contaminée permet ainsi de remplacer plus de 1 200 kg de minerai de fer, de 7 kg de charbon et de 51 kg de calcaire.

Les mille et une vies des métaux

Le recyclage de la ferraille démarre dans nos foyers. Après le tri effectué dans les poubelles ou en déchetterie, puis la collecte et le transport vers des centres de traitement spécifiques, les métaux sont à nouveau triés : les espèces ferreuses (attirées par les aimants, tels que l’acier et le fer) d’un côté, les espèces non ferreuses (le cuivre, les métaux précieux, l’aluminium…) de l’autre.

Un second tri permet ensuite de sélectionner avec une plus grande précision les métaux. Broyés, laminés et nettoyés, ceux-ci sont ensuite fondus dans des fours à 1 600 °C, avant d’être transformés en matière première sous forme de bobines de barres ou de fils, qui seront utilisés dans la création de nouveaux produits finis.

Il faut souligner que tous les métaux sont recyclables indéfiniment, quasiment à 100 % et sans perdre de leurs propriétés.

Considérés autrefois comme une contrainte dont il fallait minimiser l’impact, les déchets représentent aujourd’hui une ressource économique et stratégique. Réduire la production de déchets et augmenter les taux de recyclage permet de privilégier le maintien et le développement d’activités économiques locales par rapport à l’importation des matières premières. Cette question de l’emploi devrait avoir de l’écho auprès des pouvoirs publics qui, aujourd’hui, s’intéressent de trop loin à la filière ferraille.

Une industrie à défendre

Dans un contexte difficile où les sidérurgistes européens font face à une concurrence féroce de la Chine et la Russie, la filière du recyclage de la ferraille doit trouver de nouvelles façons de réutiliser certains métaux. Cela implique de mettre l’accent sur la recherche et le développement avec l’aide des pouvoirs publics.

Pour soutenir la filière, la Federec a interpellé en février dernier les responsables politiques français et les instances européennes. Jean-Philippe Carpentier, son président, a ainsi exhorté le gouvernement à instaurer des mesures d’accompagnement, une sortie facilitée du statut de déchets, jugé trop contraignant, et la création d’une taxe carbone qui limiterait l’usage du minerai de fer dans les hauts fourneaux.

En tant que second plus important producteur d’acier après la Chine, l’Europe a en effet tout intérêt à se mobiliser pour préserver ses 11 % de parts de marché et inverser la courbe des 85 000 emplois perdus chaque année dans la sidérurgie depuis 2008.

Ce soutien des pouvoirs publics permettrait d’accompagner l’inévitable transition énergétique qui représente pour les entreprises du recyclage une source d’opportunités. Cette transition concernera aussi bien le gisement, en nature et en volume, que les méthodes et les process inhérents au métier de recycleur et autorisera, sans aucun doute, de nouvelles stratégies créatrices de valeur pour les entreprises de la filière.

Mais cette nouvelle économie, ce « nouveau monde » dont parle Corinne Lepage dans sa préface du Livre blanc du recyclage à l’horizon 2030, ne pourra se faire sans l’appui des pouvoirs publics. Les politiques, en impulsant une vision stratégique à long terme, se doivent d’accompagner durablement l’industrie de la ferraille.

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