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Régionales 2015 : l’enjeu des élections franciliennes

Paris sera le coeur du Grand Paris. Couscouschocolat/Flickr, CC BY-SA

Prévues à la fin de l’année 2015, les élections régionales se tiendront dans de nouvelles régions qui ont émergé au gré des fusions. Si celles-ci ne bouleversent pas totalement le paysage politique, elles ouvrent un nouveau chapitre marqué par la mise en place d’un axe institutionnel allant de la région aux métropoles et aux intercommunalités en remplacement à la traditionnelle hiérarchie française : État-département-commune.

Toutefois, l’avènement de cet axe dans l’organisation territoriale française n’est pas entièrement nouveau. Cela fait plusieurs décennies, en effet, que l’intercommunalité a vu le jour, à la faveur d’un consensus en progression constante. Même l’Île-de-France, très résistante au mouvement intercommunal, a passé le cap et a avalisé une organisation autour d’une immense métropole de 7 millions d’habitants, le « Grand Paris ». Celle-ci prendra place dès le 1er janvier 2016, moins d’un mois après les élections régionales.

Pourtant, tout comme lors des départementales du début de cette année, le processus de métropolisation francilien ne fait pas partie des programmes des différents candidats. Ce manquement est le résultat d’une immense incertitude sur l’issue de la métropolisation francilienne. Le rejet de la partie électorale de la loi NOTRe par le Conseil constitutionnel, en juin dernier, n’a fait qu’accroître le flou institutionnel qui entoure le Grand Paris. Sans visibilité, les élus préfèrent ne pas aborder la question pour éviter d’être désavoués par un énième retournement de situation.

Une élection peut en cacher une autre

Les élections régionales, qui focalisent l’attention, occultent totalement l’élection qui aura lieu, début 2016, pour la présidence de la métropole du Grand Paris (MGP). Pourtant, celle-ci est loin d’être anodine : la métropole aura comme principal concurrent le Conseil régional (CR) lui-même. Les deux structures auront des budgets similaires (4,2 milliards pour la MGP et 4,9 pour le CR). Mais la métropole comptera deux fois moins d’habitants que la région. Un nouveau conflit centre-périphérie va sûrement émerger autour de certaines compétences telles que le transport et le développement économique.

Métropole du Grand Paris. IAU

Aux côtés de la région et de la métropole, les Conseils généraux connaissent eux aussi des turbulences. Alors que les départements de la première couronne sont voués à disparaître d’ici 2021, ceux de seconde sortent renforcés par la réforme territoriale. Ils deviennent comme tous les départements l’échelon de solidarité territoriale de référence. Ce mouvement n’est pas seulement un remaniement des institutions : il s’agit de confirmer le cas particulier parisien – celle d’une région à deux vitesses entre la métropole et sa couronne.

Lorsque la métropole sera véritablement lancée, plusieurs phases vont directement affecter le Conseil régional. Tout d’abord, il faudra élire un président et un Conseil métropolitain dont la composition donnera le ton du dialogue avec l’échelon régional. Ce Conseil devra aussi statuer sur plusieurs points, notamment sur le transfert de certaines compétences et de la fiscalité. Comme pour les EPCI (Établissements publics de coopération intercommunale), le Conseil métropolitain aura le choix de voter ou pas un approfondissement de la coopération intercommunale.

La provincialisation de la grande couronne

L’enchevêtrement des échéances électorales et la transformation profonde du paysage francilien plongent les politiques dans une temporalité qui dépasse le cadre de la démocratie délibérative en renforçant la personnification des élections et l’impression d’indécidabilité de la politique.

D’un côté, une métropole fédérant plus d’une centaine de communes et représentant la moitié de la population francilienne, avec un statut particulier au sein de l’administration française ; de l’autre, quatre départements très différents, entourant la métropole, et unis par le Conseil régional – du moins, en théorie. Entre les deux, le fossé sera considérable en terme d’équipements, de développement économique, de rapport au pouvoir. On est en présence, en quelque sorte, d’un mouvement de provincialisation des départements de la seconde couronne.

Avant le lancement de la métropole, de nombreuses inquiétudes subsistent. Comment la région va-t-elle déployer sa politique entre ces deux territoires ? Quelle représentation de la métropole du Grand Paris au Syndicat des transports en commun d’IDF (STIF) ? Quelle solidarité entre la métropole et la seconde couronne ? Mais bien au-delà, c’est aussi le sort de plus d’une centaine de milliers d’agents territoriaux et administratifs qui posera problème ? Les fonctionnaires départementaux seront-ils transférés progressivement vers la métropole ? Et comment s’organiseront les transferts d’agents entre les communes, les territoires, les EPCI et la métropole sur les compétences concernées par la métropolisation ? Où sera donc situé le siège de la métropole au moment où la candidate des Républicains, Valérie Pécresse, préconise un transfert du siège du Conseil régional en proche banlieue ? Comment le Conseil de Paris va-t-il gérer son nouveau statut minoritaire au sein de la métropole ?

Autant de questions qui pourraient faire l’objet d’une série d’articles et de thèses entières. Mais le plus étonnant, c’est justement l’absence d’un débat public sur un sujet aussi important. In fine, il se pourrait bien que la décentralisation provoque le remplacement de la bureaucratie d’État par une technocratie d’élus.

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