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Les hôpitaux de proximité souffrent d'un déficit d'attractivité tant auprès des patients que du personnel soignant. Shutterstock

S’allier, une carte pour les hôpitaux de proximité afin de restaurer leur attractivité

« On sait qu’il y a urgence », réaffirmait récemment Frédéric Valletoux, ministre délégué à la Santé dans les colonnes du Parisien, urgence notamment à lutter contre les déserts médicaux qui touchent 85 % du territoire français. « Parmi tous les problèmes que nous avons à résoudre, l’hôpital est en haut de la pile », affirmait quelques semaines auparavant le Premier ministre Gabriel Attal.

En moyenne, le taux d’hospitalisation en milieu rural est inférieur de 8 % à celui des zones urbaines, principalement en raison du déficit en hôpitaux de proximité. Les « hôpitaux de proximité » représentent pourtant un pilier essentiel pour assurer l’accessibilité et la qualité des services médicaux dans les régions éloignées des grands centres urbains.

Une procédure de labellisation a été mise en place par la loi d’Organisation et de transformation du système de santé du 24 juillet 2019. 276 établissements étaient ainsi recensés dans l’Hexagone et dans les départements et régions d’outre-mer fin 2022. S’ils assurent une présence médicale locale partout sur le territoire, ces établissements ont aussi pour objectif d’inciter les professionnels d’un territoire à coordonner leur réponse sanitaire et médico-sociale.

Toutefois, ces structures luttent pour maintenir leur attractivité auprès des médecins et des professionnels de santé. En raison de leur situation géographique, de leurs moyens limités et de leurs conditions de travail exigeantes, elles peinent à rivaliser avec les opportunités offertes dans les grands centres urbains. C’est un véritable cercle vicieux : le manque de personnel entraîne une diminution de la qualité des soins, ce qui à son tour rend l’établissement moins attractif pour les professionnels de santé… jusqu’à l’éventuelle fermeture de certains services.

Ce déficit d’attractivité affecte tout autant la santé et le bien-être des populations locales, que des soignants présents, soumis à des conditions de travail plus délicates. Nos travaux explorent une solution qui semble faire ses preuves : l’alliance stratégique entre établissements.

Des équipes reboostées

Une alliance stratégique désigne, de façon générale, une collaboration formelle entre deux entités autonomes qui s’engagent dans une relation à long terme. Leur but : réaliser des objectifs communs tout en maintenant leur indépendance organisationnelle. C’est souvent un moyen de faire face à des contraintes institutionnelles, de réduire l’incertitude, et de composer avec la concurrence. C’est aussi une façon d’obtenir des ressources stratégiques considérées comme rares, en compétences, équipements ou financements.

Alors que l’hôpital rural souffre aussi d’un déficit d’image, générant un manque de confiance de la population, l’alliance stratégique peut concourir à redorer ce blason terni. Elle peut par exemple conduire à la mise à disposition de professionnels entre les établissements, une coopération sur la gestion de lits, ou encore une organisation efficace des transferts de patients.

C’est ce que nous avons pu observer avec deux centres hospitaliers implantés dans des territoires faiblement dotés en médecins qui ont choisi de conclure un partenariat depuis juin 2019. Ils disposent aujourd’hui d’une direction commune qui a par ailleurs intégré plusieurs Ehpad dans son giron. L’alliance tombait à point nommé selon ce chirurgien qui débarquait alors :

« J’ai trouvé une situation catastrophique en arrivant. J’ai démarré de zéro, les infirmières n’étaient pas formées à la chirurgie orthopédique, le bloc n’était pas équipé… Mais j’ai été accueilli comme un héros, l’équipe était ultra-motivée, c’est ce qui m’a boosté »

Car si l’attractivité reste faible pour le personnel médical, les équipes en place ont à cœur de défendre les valeurs hospitalières. Un membre de la direction générale explique :

« Les gens sont attachés au mur, à leur service »

Certains membres du personnel retrouvent même des arguments en faveur de l’exercice en territoire rural, comme ce cadre de santé :

« Ce qui est bien dans un établissement périphérique, c’est la facilité un peu à tout : à la direction et aux professionnels. Les échanges sont faciles et on connaît tout le monde. »

Faire face à la concurrence

Si les équipes semblent convaincues, cela a été un long combat pour que la patientèle le devienne. Un membre de la direction constate :

« L’attractivité est problématique : il faut se battre pour remplir. Il y a une fuite des patients vers les chefs-lieux des départements limitrophes. »

Un cadre de santé ajoute :

« Le problème, c’est l’image de l’hôpital rural : il y a un manque de confiance de la population »

Il a fallu, pour y remédier, retrouver la confiance des médecins généralistes « qui ne voulaient pas envoyer leurs patients vers le centre hospitalier » comme en témoigne le chirurgien déjà cité. Les premiers bilans tirés par un médecin d’une nouvelle unité d’addictologie sont très satisfaisants :

« L’hospitalisation semble plutôt appréciée, bien perçue et bénéfique pour les patients. Notre travail c’est de dédramatiser les choses, de créer un climat de confiance. Pour le patient, mais aussi pour les familles qui le souhaitent. »

En définitive, nos travaux mettent en évidence que les hôpitaux « alliés » deviennent plus efficaces, assurent une continuité du parcours de soins et offrent une qualité de soins améliorée. L’alliance stratégique permet également d’attirer des médecins, de développer de nouveaux services et de rationaliser les coûts afin de faire face aux concurrents privés et au CHU qui attirent une part non négligeable de la patientèle.

Il semble aujourd’hui difficile voire impossible pour un hôpital d’adopter une stratégie purement individualiste, ne serait-ce qu’à cause des attentes de coordination du régulateur, qui encourage voire oblige les établissements à coopérer. Dans un contexte où les défis de santé sont donc de plus en plus complexes et interconnectés, l’alliance stratégique entre hôpitaux apparaît comme un outil indispensable pour garantir la pérennité et la qualité du service public de santé, partout en France.

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