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Macky Sall lors d'une visite au palais présidentiel français de l'Elysée, le 10 juin 2022 à Paris. Antoine Gyori/Corbis via Getty Images

Sénégal : la réputation de Macky Sall est ternie, mais l'ancien président a beaucoup fait, tant au Sénégal qu'à l'étranger

L'héritagede Macky Sall en tant que président du Sénégal depuis 2012 s'est complexifié davantage au cours de sa dernière année au pouvoir. Les multiples transgressions qui ont marqué cette période semblent avoir gravement entaché sa réputation.

Pendant quelques mois, il a donné l'impression à ses adversaires et à ses détracteurs qu'il nourrissait des ambitions de troisième mandat. Ce qui fréquent en politique présentement en l'Afrique de l'Ouest.

Le report des élections de trois semaines, décidé le 3 février 2024, a suscité une forte clameur populaire. Ses députés à l'Assemblée nationale ont ensuite voté à l'unanimité pour reporter l'élection et prolonger le mandat de M. Sall jusqu'en décembre.


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Le 6 mars, le Conseil constitutionnel du pays a statué que le report était inconstitutionnel et que les élections devraient se tenir avant le 2 avril, date d'expiration du mandat présidentiel de M. Sall.

En conséquence, M. Sall a fixé les élections sénégalaises au 24 mars. Avec cette décision, le danger d'une dérive autoritaire au Sénégal semble avoir été écarté.

Le moment est donc venu de procéder à une évaluation plus réfléchie de ses huit années de mandat.

J'ai été un observateur de la politique sénégalaise depuis la fin des années 1990, en m'occupant de la construction de la démocratie pour le Bureau régional pour l'Afrique de l'Agence américaine d'information (US Information Agency), en enseignant la politique africaine à des étudiants de troisième cycle à Paris et en commentant dans les médias l'évolution de la politique sénégalaise.

D'après ce que j'ai observé, je dirais que les mandats présidentiels de Sall ont connu certains succès économiques, nationaux et internationaux qui méritent d'être rappelés aujourd'hui, en cette période de doute.

À mon avis, l'héritage de Macky Sall a été préservé. Du moins, en apparence.


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Ce qu'il laisse derrière lui

Son héritage en tant que Président s'est traduit par de grands projets d'infrastructure, notamment des aéroports, un meilleur système ferroviaire et des parcs industriels.

Les aéroports sénégalais étaient dans un état déplorable lorsqu'il est entré en fonction. Le pays comptait 20 aéroports, mais seuls neuf d'entre eux avaient des pistes asphaltées. En mauvais état, ces aéroports n'attiraient pas les grands voyageurs d'affaires internationaux qui auraient pu créer des entreprises et embaucher la main-d'œuvre qualifiée du pays ou collaborer avec ses entrepreneurs novateurs.

L'aéroport international Blaise Diagne, qui porte le nom du premier Africain noir élu au Parlement français en 1914, a ouvert ses portes en décembre 2017. Le projet, lancé en 2007 par son prédécesseur, Abdoulaye Wade, a été achevé par M. Sall.

Situé à proximité de la capitale, Dakar, facile d'accès grâce à une autoroute moderne, cet aéroport a amélioré la mobilité des passagers et le transport de marchandises. La compagnie aérienne nationale, Air Sénégal, est basée dans cet aéroport. Elle dessert plus de 20 destinations dans 18 pays.

M. Sall a également construit le premier Train Express Régional du pays, une liaison ferroviaire qui relie Dakar à un nouveau parc industriel majeur (également construit sous le mandat de M. Sall) et bientôt à l'aéroport international Blaise Diagne.

M. Sall a également renforcé les platesformes aéroportuaires régionales du pays. Il a dirigé la reconstruction de cinq aéroports régionaux au Sénégal.

Le parc industriel de Diamniadio, situé à 30 km à l'est de Dakar, financé par des prêts de l'Eximbank China, a été achevé en 2023. Le parc est un projet industriel phare de la stratégie d'industrialisation de M. Sall pour le Sénégal.

Le nouveau parc est situé au cœur d'un réseau de zones économiques spéciales comprenant Diass, Bargny, Sendou et Ndayane. Des entreprises de divers secteurs, tels que l'industrie pharmaceutique, les appareils électroniques et le textile, ouvrent de nouveaux bureaux dans le parc, qui devrait fabriquer des produits de haute qualité répondant aux besoins locaux.

Les aéroports, les trains et les parcs industriels devraient, selon les partisans de M. Sall, contribuer réellement à la transformation du Sénégal, qui est passé du statut d'exportateur d'arachides postcolonial à celui de centre manufacturier de substitution aux importations.

À mon avis, ce que Sall laisse derrière lui est substantiel, surtout si on le compare au très controversé Monument de la Renaissance Africaine de son prédécesseur Abdoulaye Wade. Cette statue de bronze de 171 pieds de haut, située au sommet d'une colline surplombant Dakar et construite par une entreprise nord-coréenne, a peu ou pas du tout contribué à l'économie du pays.

M. Sall a également contribué à la réputation du Sénégal à l'étranger, en se positionnant comme un acteur respecté et influent sur la scène internationale. En tant que président de l'organe économique régional de la Cedeao en 2015-2016, il a fait de l'amélioration de l'intégration économique le point central de son mandat.

Il s'est également efforcé d'établir des relations plus étroites avec d'autres organisations internationales, notamment le G7, le G20 et l'Union africaine. Alors qu'il était président de l'UA de 2022 à 2023, il a fait du lobbying pour que l'Union africaine soit incluse dans le G20, se plaignant que l'Afrique du Sud soit le seul membre du continent à faire partie d'un forum économique international d'importance.

Dans son discours à l'Assemblée générale des Nations unies, il a défendu la cause du continent. Il n'y a aucune excuse, a-t-il dit, pour ne pas assurer une représentation cohérente de l'Afrique dans les principaux organes décisionnels du monde.

Il a souligné l'importance d'un financement accru de la part des pays développés pour les initiatives d'adaptation au climat dans les pays en développement, en particulier en Afrique.

La gestion par M. Sall de la crise COVID, qui a atteint le Sénégal en mars 2020, a été son premier grand test de leadership. Malgré ses ressources limitées, le Sénégal a surpassé de nombreux pays plus riches dans sa réponse à la pandémie de COVID, grâce au leadership de M. Sall.


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Contribution à la tradition démocratique du Sénégal

Son héritage important sera sa participation à la tradition démocratique du Sénégal.

Tout d'abord, il s'est attaqué aux ambitions dynastiques d'Abdoulaye Wade en désignant son fils Karim Wade comme héritier présomptif. Ensuite, il a respecté la limite de deux mandats présidentiels. Cela signifie qu'il passera bientôt le pouvoir à un successeur, maintenant ainsi une tradition unique et ininterrompue de transition du pouvoir dans l'une des démocraties les plus stables d'Afrique de l'Ouest.

Tout n'a pas été rose pour autant. Ces dernières années, la tentation du pouvoir a semblé submerger M. Sall. Il a commencé à donner des signes troublants de son désir de rester au pouvoir au-delà de son mandat constitutionnel.

Puis, après avoir tâté le terrain et constaté que l'opinion publique était fortement opposée à ce qu'il viole les limites qu'il avait lui-même imposées lorsqu'il était dans l'opposition à son prédécesseur, il a choisi de ne pas se présenter à l'élection. Il a plutôt soutenu la candidature de son Premier ministre de l'époque, Amadou Ba.

Mais cette décision a été suivie d'une série d'arrestations de ses opposants les plus virulents dont Ousmane Sonko très populaire sur les médais sociaux.

Plus de 350 manifestants ont été arrêtés lors des manifestations de mars 2021 et de juin 2023. Au moins 23 personnes sont mortes.

Puis il y a eu son décret présidentiel de dernière minute reportant l'élection qui était prévue pour le 25 février.

Ce décret a été suivi de manifestations pour la démocratie et d'une violente répression policière des manifestations dans les centres urbains, qui a entraîné la mort de civils.

Après les protestations, M. Sall a fait une autre volte-face extraordinaire. Il a annoncé qu'il respecterait la décision du Conseil constitutionnel, qui lui refusait le droit de prolonger son mandat présidentiel et exigeait que des élections soient organisées avant le 2 avril.

Ce faisant, il a préservé le système d'équilibre des pouvoirs au Sénégal. En outre, sa décision de libérer Sonko et ses autres opposants de prison et de les amnistier a préservé l'espace public pour une opposition démocratique et des libertés civiles.

L'héritage de Sall en tant que voix de l'Afrique pourrait lui offrir une promotion latérale de la présidence du Sénégal au siège d'une organisation internationale.

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