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Vestiges de supernovæ et rayonnement cosmique : le ciel gamma nous éclaire

Exemple du SNR RX J1713.7-3946 vu en rayons X (à gauche) et en rayons gamma du TeV (à droite). Les images sont à la même échelle. CEA-Clés, Author provided

Les rayons cosmiques, ou RC, sont des particules de haute énergie, principalement des protons et des noyaux, mais aussi quelques électrons, qui frappent la Terre de manière isotrope et continue. Depuis leur découverte en 1912, les sources astrophysiques qui en sont à l’origine restent difficiles à déterminer.

Étant chargés, ces RC sont déviés lors de leur propagation par les champs magnétiques interstellaires et intergalactiques. Le spectre en énergie des RC, qui s’étend d’une centaine de MeV à plus de 1020 eV, présente une légère inflexion à 1015 eV (PeV), énergie en dessous de laquelle les RC seraient accélérés au sein de notre galaxie. Les forts chocs associés à l’explosion très énergétique qui accompagne la mort d’étoiles massives (appelés restes de supernovæ ou SNR) sont de bons candidats pour accélérer des hadrons et ce jusqu’à des énergies du PeV.

L’énergie de ces explosions, combinée au taux de supernovæ dans la galaxie (2-3 par siècle), permettrait de maintenir le flux des RC si seulement environ 10 % de cette énergie était utilisée pour l’accélération. En outre, les modèles d’accélération diffusive par onde de choc prédisent des spectres en loi de puissance relativement compatibles avec les observations.

Pour valider cette hypothèse, nous étudions le rayonnement des particules accélérées au sein des SNR grâce aux observations en rayons X et en rayons gamma pour en sonder les propriétés (voir l’illustration d’ouverture de cet article).

Sondage du ciel

Dans le domaine du GeV, le télescope spatial LAT à bord du satellite Fermi a permis de réaliser un sondage de l’ensemble du ciel et de produire des catalogues de sources de photons gamma, en particulier un catalogue de SNR. À plus haute énergie, l’observatoire HESS a réalisé un relevé dans le domaine du TeV des régions les plus internes de notre galaxie. En plus de recenser les SNR connus, HESS a permis de révéler de nouveaux candidats et de conduire une étude de population en comparant les données au TeV et celles dans le domaine radio.

Le Fermi-LAT a permis d’identifier certains vestiges comme accélérateurs de hadrons, ce qui confirme que les SNR peuvent accélérer la composante principale du RC. Cependant, cette signature spectrale n’a pu être observée que dans des vestiges âgés (T > 10 000 ans) où la vitesse du choc a fortement diminué et l’énergie maximum atteinte par les particules ne permet pas d’expliquer le flux de RC aux plus hautes énergies (brisure dans le spectre autour de 10 GeV).

Les études conjointes GeV/TeV ont révélé deux principales catégories de vestiges émettant en rayons gamma. D’un côté, des SNR souvent jeunes (T < 5 000 ans) dont le spectre gamma est dominé par une émission de leptons et dont l’onde de choc évolue dans un milieu ambiant peu dense (n~0,1 cm-3) et de l’autre côté des vestiges en interaction avec un milieu dense (n > 1 cm-3) dont le spectre est dominé par un processus hadronique (comme W44 sur la figure ci-dessous).

Comparaison des distributions d’énergies spectrales en luminosité pour des SNR jeunes dont le spectre pique vers 10¹² eV et pour un SNR plus âgé dont l’émission pique autour de 10⁹ eV. Image extraite de Acero et coll., 2015. CEA-Clés, Author provided

Ainsi l’environnement dans lequel évolue le SNR joue un rôle aussi important sur son émission à haute énergie que l’âge de l’objet. Il y a donc une difficulté observationnelle à mesurer les propriétés des hadrons dans des restes jeunes car la faible densité du milieu résulte en un faible niveau d’émission gamma comparé au canal leptonique. HESS n’a par ailleurs pas permis de révéler de SNR « PeVatron » (accélérant des hadrons au PeV).

En conclusion nos observations montrent que pour l’instant les SNR, tout en restant d’excellents candidats, ne remplissent pas encore toutes les conditions pour être la source principale des RC galactiques. Les relevés de Fermi et HESS ont toutefois apporté une moisson de résultats importants, notamment en révélant d’autres types de sources qui pourraient contribuer au spectre du rayonnement cosmique. Par exemple, un PeVatron été identifié au centre galactique par HESS (potentiellement lié à l’activité du trou noir Sagittarus A*). L’accélération des RC pourrait également prendre place par effets collectifs au sein des régions de formation d’étoiles comme le cocon du Cygne.

La sensibilité de HESS ne l’a pas permis mais la prochaine génération d’instrument, incarnée par l’observatoire CTA, permettra de sonder la population de SNR dans l’ensemble de la Galaxie et ce jusqu’à des énergies permettant d’identifier de manière univoque les accélérateurs des RC. En outre, la détection de nouveaux SNR, la caractérisation de l’environnement des sources, cruciale pour modéliser l’émission de photons gamma, sera fortement accrue grâce au prochain satellite en rayons X, Athena.


Cet article est publié en partenariat avec le CEA, qui consacre le numéro 68 de son magazine Clefs à l’astrophysique.

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