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Les entreprises sont de plus en plus nombreuses à dévoiler leur performance en matière d'environnement. Mais entre ce qu'elles font et ce qu'elles disent qu'elles font, il y a plusieurs nuances… Shutterstock

50 nuances de vert : les entreprises sont-elles aussi écolos qu'elles le prétendent?

Les entreprises sont de plus en plus nombreuses à dévoiler leur performance en matière d'environnement et à promouvoir leurs bons comportements écologiques. Il faut cependant demeurer sceptique, car entre ce qu'elles font et ce qu'elles disent qu'elles font, il y a plusieurs nuances…

De plus en plus d’investisseurs institutionnels ou individuels sont préoccupés par la performance environnementale des entreprises, en raison notamment de ses effets sur les changements climatiques et ultimement sur leur performance financière. De la même manière, les attentes des citoyens envers les entreprises quant à la qualité de leur gestion environnementale deviennent de plus en plus élevées car leur santé et leur qualité de vie en dépendent.

Dans ces conditions, comment lire et interpréter l’information environnementale que les entreprises nous communiquent? Doit-on être cynique ou confiant? Cherchent-elles à nous berner ou dévoilent-elles honnêtement leur empreinte environnementale et les efforts concrets qu’elles accomplissent pour diminuer celle-ci?

En compagnie du professeur Hani Tadros, un ancien étudiant de doctorat de l'école de gestion John-Molson de l'Université Concordia et qui enseigne maintenant aux États-Unis, nous avons tenté de répondre à cette question en considérant les écarts dans les pratiques de divulgation environnementale et la performance environnementale d’un échantillon de 78 grandes sociétés américaines depuis 1997.

Globalement, nos résultats montrent que la réalité est plus nuancée qu'il n'y paraît. Si un scepticisme de bon aloi est de mise, il y a de la tension car quantité et qualité ne vont pas nécessairement de pair lorsqu'il s'agit de divulgation. De nombreuses entreprises sont parfaitement conscientes des préoccupations environnementales croissantes du public, y compris des investisseurs et des consommateurs de leurs produits. En réponse, ces entreprises sont littéralement en train de revoir leur modèle d’affaires et communiquent ainsi leurs actions de manière transparente.

L'écart entre le geste et la parole

Essentiellement, nous avons séparé les entreprises analysées en deux groupes selon leur niveau de performance environnementale, à savoir le taux de pollution relativement aux normes et réglementations en vigueur (ces données sont disponibles publiquement sur les sites gouvernementaux tels que le Toxic Release Inventory américain ou d'ONG telles que CDP (Carbon Disclosure Project). Par la suite, nous avons examiné toute la documentation publiée par ces entreprises relativement à leur gestion environnementale (rapports annuels, rapports de développement durable, états financiers).

En général, les entreprises les plus performantes en matière de respect de l'environnement, c’est-à-dire celles dont les pratiques vont au-delà des normes exigées, fournissent davantage d'informations. Elles ont de bons résultats et souhaitent transmettre ce message à leurs différentes parties prenantes. Par contre, les entreprises peu performantes vont plutôt essayer de gérer les perceptions tout en restant vagues dans leur divulgation, afin de conserver leur légitimité aux yeux des investisseurs et de la population.

Les entreprises peu performantes tentent de gérer les perceptions tout en restant vagues dans leur divulgation, afin de conserver leur légitimité aux yeux des investisseurs et de la population. Shutterstock

Certaines entreprises fournissent des informations utiles, alors que d'autres fournissent des informations qui le sont moins. Une information est jugée valable si elle est objective, vérifiable et donc, le plus souvent quantitative.

Par exemple, la déclaration suivante : « Nous avons investi 5 millions de dollars dans l’installation de filtres purificateurs d’air dans notre usine » serait considérée comme une information utile. Une information sera jugée moins utile ou carrément inutile quand elle est générique, vague et peu ou pas du tout détaillée, comme : « Nous nous préoccupons de l’environnement dans nos actions de tous les jours ».

Certes il est plus facile pour une entreprise performante de divulguer des informations concrètes, car elle peut se permettre d'afficher de bons résultats. Toutefois, ces entreprises ont aussi une stratégie environnementale cohérente, ce qui rend leur discours plus crédible.

De plus, cette divulgation permet à l'entreprise d’établir une relation de confiance avec les différentes parties prenantes et de générer un capital de sympathie qui rapportera des dividendes à long terme, notamment une meilleure capacité à rebondir en situation de crise. Quant aux entreprises peu performantes, la poursuite d’une stratégie de divulgation vague, voire vaseuse, risque de miner leur crédibilité à long terme et de nuire au maintient de leur légitimité, ce qu’elles recherchent ultimement.

Chercher la bonne information

Les parties prenantes sont de plus en plus attentives aux questions environnementales. Les entreprises sont donc incitées à faire preuve de diligence en ce qui concerne leur performance à cet égard. Elles en font la pierre angulaire de leur gouvernance et de leur culture d'entreprise.

En d’autres termes, une plus grande transparence en matière d’environnement traduit fort probablement un modèle de gouvernance plus ouvert également. Si cette transparence peut paraître coûteuse à court terme, l’impact à long terme d'agir de bonne foi est plus que bénéfique.

Ainsi, la communication d'une entreprise sur sa performance environnementale en révèle beaucoup plus que l'on peut penser. Le citoyen ou l'investisseur doit toutefois utiliser la bonne grille de lecture et rechercher l’information la plus tangible et vérifiable.

Les entreprises qui se livrent à des pratiques de divulgation conçues pour dissimuler, nier ou mentir au sujet de mauvaises performances environnementales, risquent de subir des conséquences graves à long terme. Car de nos jours, rien ne peut être gardé éternellement secret…

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