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Comment mieux préparer l'écosystème de santé aux menaces sanitaires ?

La modélisation prospective d'un ensemble de paramètres, données de santé et extrinsèques, apparait comme une piste prometteuse pour anticiper les risques. Pixinio, CC BY-SA

Comme nous l'avions souligné dans un précédent article, les industries du médicament sont naturellement aux avant-postes de l'innovation scientifique et des traitements de l'urgence, davantage que de la veille à long terme. En témoigne encore le temps très court, moins d'un an, qui se sera écoulé entre la découverte des premiers cas d'une maladie inconnue à Wuhan et le lancement de la campagne vaccinale à grande échelle du Royaume-Uni.

En effet, l'ampleur et la complexité des phénomènes prospectifs – au-delà de leurs composantes scientifiques et logistiques – nécessitent de mutualiser veille et anticipation en croisant expertises et talents, et l'exercice ne peut être confié aux seuls laboratoires dont les contraintes et les exigences limitent naturellement des lectures intégratives et systémiques.

Compte tenu des sommes requises en recherche (plus encore en développement clinique), de la nécessité de mobiliser des moyens, notamment humains, et face à la difficulté d'appréciation de phénomènes multifactoriels comme ceux des menaces pandémiques, le principe même de la prospective, exercice difficile et incertain, met notamment en exergue l'indispensable soutien des acteurs publics dans un effort à l'interface de plusieurs disciplines, mobilisant de nombreux savoir-faire.

Le défi du changement climatique

Il est donc finalement peu surprenant que la veille requise autour d'aspects macro-sociétaux soit l'apanage d'organismes publics, nationaux voire supranationaux, de fondations ou de think tanks indépendants du secteur industriel (Organisation Mondiale de la Santé, Biomedical Advanced Research and Development Authority, Gates Foundation, One Health Initiative, etc.).

À analyser, par exemple, les processus et les facteurs d'influence du changement climatique sur la santé humaine, on peut se rendre compte que ce tableau d'ensemble sort assez largement du cadre strict de réponses en termes d'innovations thérapeutiques et concerne, à de très nombreux égards, les politiques territoriales, agricoles, environnementales et sanitaires, les décisions géopolitiques et la coopération internationale – apanage des dirigeants, des acteurs de santé publique, des associations, des ONGs bien davantage que des acteurs privés.

Nejm.org

C'est sans doute la lettre et l'esprit qui anime la récente mise en place du campus PariSanté, inauguré en grande pompe en décembre dernier. PariSanté Campus s'est donné les moyens de devenir un incubateur d'innovation, de recherche et de formation en santé numérique, grâce à la convergence de nombreux acteurs selon une dynamique d'écosystème, au croisement de nombreuses compétences : croisements bénéfiques entre acteurs publics et privés, acteurs du numérique et du soin, entrepreneurs et chercheurs…

Vecteur de synergies et d'interdisciplinarité, PariSanté Campus se propose de donner matière à un fertile terreau d'innovations tout autant que de référentiels pour le système de santé de demain.

Comme le promeut avec justesse et humour, le professeur Antoine Tesnière, son directeur général, la «sérendipité de la machine à café» permet, par la rencontre et l'échange informels, l'étincelle nécessaire à l'intelligence collective et une grammaire renouvelée de la prospective et de l'innovation.

Combinatoire de données

Accroître les solidarités entre secteurs et la multidisciplinarité des équipes fait partie des défis à relever, à notre sens, pour mieux préparer les industriels de santé aux nouvelles menaces. Pour cela, elles pourront également trouver un atout précieux dans la donnée.

La combinaison de modèles prédictifs, l'analyse de données statistiques associant conditions climatiques, sanitaires et transmission des maladies sur un plan régional, voire mondial, devrait ainsi faire l'objet d'attentions de plus en plus poussées et donner lieu à la mise en place d'outils de suivi et d'anticipation indispensables à l'analyse de futurs scénarii des maladies infectieuses à mesure que les conditions climatiques se modifient.

Inauguration PariSanté Campus (PariSanté Campus, décembre 2021).

Comme nous avions pu le montrer dans un récent article, gouvernants, acteurs de santé publique, personnel médical et hospitalier tireraient profit de la modélisation fine et prospective d'un ensemble de paramètres, résultat d'une combinatoire de données de santé et de données extrinsèques plus générales, souvent issues des sciences sociales, dont il leur revient d'organiser l'architecture d'ensemble et de favoriser les échanges.

Il pourrait notamment s'agir de mettre à disposition les données de veille et d'anticipation des crises sanitaires au service des progrès thérapeutiques. Si les causes de la rapidité du développement de vaccins par des opérateurs privés sont multiples, on ne peut qu'être impressionné par l'incroyable systématique de la collecte et du traitement de données rendues possibles grâce à la puissance, nouvellement apprise, du big data et de l'intelligence artificielle en santé.

Ingénierie génomique, essais cliniques, plates-formes de production, optimisation logistique, instruments de pilotage et de suivi des campagnes de vaccination, détection précoce des risques de contamination, éducation thérapeutique des populations constituent autant de moyens, de méthodes, de métriques qui se nourrissent, depuis l'origine de la pandémie, de la collecte et de l'analyse de données massives.

Mais il convient aussi, dans le respect des règles de confidentialité requises, que les acteurs publics donnent davantage de liberté d'accès à des industriels à l'initiative de l'innovation thérapeutique, lorsque l'analyse de signaux faibles ou l'étude des scénarii futurs le réclament.

Il est, à ce titre, symptomatique et rassurant que PariSanté Campus – dont il a été question plus haut – compte le Health Data Hub, plate-forme nationale des données de santé, parmi ses cinq partenaires fondateurs.

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