Menu Close
La Chine est de plus en plus présente dans les échanges commerciaux des pays qui l’entourent. Shutterstock

Croissance chinoise : les chaînes de valeur dynamisent les voisins asiatiques

Avec sa réouverture post-Covid, la Chine connaît une période de reprise économique soutenue. Les dernières projections de croissance de l’Asian Development Bank Institute (ADBI) sont de 5 % pour 2023, 4,5 % pour 2024, après 3 % en 2022, 8,4 % en 2021 et 2,3 % en 2020. Dans son dernier rapport Asian Development Outlook publié en avril, le think tank asiatique indique que l’économie de l’empire du Milieu devrait entraîner avec elle la croissance régionale à travers la demande de biens et de services, autant qu’à travers les chaînes d’approvisionnement mondiales ou global value chains (GVCs). En Asie, 40 % des exportations (chiffre de 2015) sont liés à ces circuits. Cela fait de la région l’aire géographique la plus intégrée après l’Europe.

La mondialisation du commerce s’est traduite, depuis des décennies, par la fragmentation de la production des biens en différentes tâches, réalisées dans divers pays. Un pays va produire des biens intermédiaires qui seront ensuite utilisés par d’autres pays où ils seront améliorés ou assemblés pour aboutir au bien final. À chaque étape de la production, un pays apporte de la valeur au bien, jusqu’à ce qu’il soit mis à disposition des consommateurs.

Plusieurs données sont habituellement produites, notamment par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), pour mesurer l’implication d’un pays dans la chaîne de valeur mondiale d’un bien. La participation amont (backward) d’un pays aux GVCs mesure la part de la valeur ajoutée étrangère, soit des produits intermédiaires étrangers importés, dans les exportations du pays. Elle peut se décomposer selon l’origine géographique de la valeur ajoutée. La participation aval (forward), quant à elle, mesure la part de la valeur ajoutée locale dans les exportations d’un pays tiers.

Ce processus de production a beaucoup bénéficié aux pays émergents, notamment en Asie. Ils se sont spécialisés dans des tâches à forte intensité de main-d’œuvre depuis les années 1990, en parallèle de la signature d’accords de libre-échange dans la région. Ce que l’on observe est que tous les pays de notre échantillon voient leur participation amont avec la Chine augmenter depuis les années 2000, ce qui n’est pas sans conséquences pour l’avenir.

Chaînes de valeur, chaînes de transmission

Les pays asiatiques affichent la plus forte participation amont avec la Chine, aux côtés d’autres grands pays émergents comme l’Afrique du Sud ou le Mexique : la teneur en produits intermédiaires provenant de Chine est particulièrement élevée dans leurs exportations. Les pays asiatiques ont aussi une participation aval importante, tout comme l’Afrique du Sud et certains pays d’Amérique latine. La teneur en intrants de ces pays dans les exportations de la Chine est la plus forte parmi les pays de notre échantillon.

La plupart des pays émergents sont ainsi très intégrés aux chaînes de valeur avec la Chine. Pour les pays émergents d’Asie, cela s’apparente à des chaînes de valeur régionales. Cela implique une forme de dépendance.

Une étude récente des économistes Adrian Mendoza et James Villafuerta, toujours pour l’Asian Development Bank Institute, décrit leurs calculs des effets de report (spillovers en anglais) sur les dix pays membres de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (Asean) de chocs provenant de leurs principaux partenaires dans les GVCs. Ils observent que la sensibilité aux chocs américains a baissé durant la décennie 2000 quand celle touchant aux événements sur le marché chinois s’est accentuée. Un choc positif de 1 % sur la production chinoise avait un impact de 1,7 % sur celle de l’Asean en 2000, de 4,9 % en 2010 et de 6,3 % en 2020.

[Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde. Abonnez-vous aujourd’hui]

Une autre de leur analyse montre que le commerce de l’Asean lié aux GVCs a augmenté de 27,8 % en 2021. Cette forte hausse incombe pour les auteurs à la reprise de la croissance chinoise. La Chine est ainsi devenue la source de chocs positifs la plus importante pour ces pays, mettant alors en valeur le rôle des chaînes de valeur régionales plutôt que mondiales.

À l’inverse, sans pouvoir encore le quantifier sur les pays de l’Asean, les auteurs indiquent que la transmission du choc de la pandémie liée au coronavirus a été amplifiée pour les pays participants aux GVCs.

Les confinements sont intervenus dans les trois grandes zones au centre du système : l’Europe, l’Amérique du Nord et l’Asie avec une très forte intensité en Chine. Dans les pays durement touchés par le Covid-19, la baisse de la demande en bien final ou en intrants intermédiaires a affecté les producteurs locaux ainsi que leurs fournisseurs nationaux et étrangers. Cela a aussi augmenté le chômage et baissé les revenus et la croissance, générant en retour de nouvelles tensions sur les activités impliquées dans les GVCs. Les perturbations sur les transports, notamment maritimes, et leurs coûts, en ont exacerbé les premiers effets néfastes.

Comment la reprise peut-elle être durable ?

Dans un article paru au sein du même rapport, Mia Mikic, économiste spécialiste de la zone, propose un état des lieux des différents enjeux relatifs à la participation des pays émergents d’Asie dans le processus des chaînes de valeur pour garantir une implication durable, porteuse de croissance et de résilience.

Dans un contexte d’incertitude et de tensions commerciales, présent avant même la pandémie, elle considère que les pays doivent intensifier l’intégration régionale en Asie continentale, et plus largement encourager un régionalisme ouvert vers le Japon et les pays du Pacifique. Cela se ferait à travers des accords à l’image du Partenariat régional économique global (RCEP) qui unit quinze pays de la zone Asie-Pacifique.

Comme les découvertes techniques et scientifiques sont régulières et provoquent la montée en gamme des productions, par exemple dans l’électronique et l’automobile, secteurs dépendant des GVCs, l’avantage comparatif des pays émergents d’Asie sur des tâches à forte intensité de main-d’œuvre non qualifiée risque de diminuer. Les États et les entreprises doivent donc travailler à renouveler les compétences des travailleurs, à créer des emplois : dans l’Asean, plus d’un emploi sur quatre est lié aux GVCs. Cela passe aussi par la promotion de l’innovation.

Les investisseurs de long terme privilégiant de plus en plus les pays à croissance durable et verte, il sera aussi important que les entreprises des pays d’Asie « verdissent » ou « décarbonent » les chaînes de valeur pour répondre à ces attentes : par exemple, par la promotion du commerce de biens et de services respectueux de l’environnement, la numérisation des procédures de commerce et de transport ainsi que par l’augmentation des investissements dans les énergies renouvelables. Enfin, l’étude considère que les chaînes de valeur doivent être simplifiées et raccourcies, c’est-à-dire repensées pour intégrer moins de pays et des pays « environment-friendly ».

Want to write?

Write an article and join a growing community of more than 182,600 academics and researchers from 4,945 institutions.

Register now