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De l’eau sur la planète rouge : une chronique martienne

Les mystérieuses traces noires sur les pentes de Mars révèlent la présence d'eau. NASA/JPL-Caltech/UArizona

Je ne sais plus combien de fois l’eau a été « découverte » sur Mars. Mais la dernière annonce de la Nasa, d’il y a quelques jours, est importante. Elle indique l’existence de stries où ont coulé des saumures, ce qui pourrait être un signe d’eau salée qui perlerait à la surface de la planète rouge en été. Les scientifiques avaient déjà observé des traces sombres (comme le montre l’image ci-dessus) sur les pentes de la planète : elles résulteraient de suintements d’eau qui mouilleraient la poussière de surface. Ces sels dans les stries sont la meilleure preuve de la présence d’eau. Une découverte d’autant plus cruciale qu’elle soulève une perspective alléchante : Mars pourrait être un habitat viable pour la vie microbienne.

Évidemment, les chercheurs ont détecté des sels hydratés plutôt que de l’eau salée elle-même. Mais les résultats, publiés dans le journal Nature Geoscience n’en sont pas une étape dans la quête d’eau liquide présente sur la planète à l’heure actuelle. Approchons-nous du but ? Jetons un oeil sur ce que nous savons jusqu’à présent et voyons de quelle façon s’insère cette nouvelle découverte.

Glace contre eau liquide

Retour au XVIIIe siècle. L’astronome William Herschel suggère que les calottes polaires de Mars, détectables même avec un petit télescope, sont constitués de glace ou de neige. Mais il n’a pas de preuve. Il faudra attendre les années 1950, et les télescopes équipés de spectromètres capables d’analyser la lumière solaire réfléchie pour obtenir des données indiquant la présence de glace d’eau. Le premier vaisseau spatial envoyé vers Mars a cependant eu quelques difficultés à confirmer cela. En effet, la glace d’eau présente dans la plupart des endroits était couverte par une autre glace, composée, elle, de dioxyde de carbone.

Une vallée martienne dévoilée sur une image produite par la sonde Mariner 9 en 1972. NASA

Dans les années 1970, l’attention se porte vers un sujet beaucoup plus excitant : l’eau liquide sur Mars avec la découverte par la sonde orbitale Mariner 9 de canaux fluviaux anciens qui auraient été façonnés par de l’eau qui coule. Ces systèmes de canaux étaient évidemment très anciens (des milliards d’années). Ce qui signifie que, même s’ils prouvaient que coulait sur Mars de l’eau liquide dans les temps passés, cela n’avait aucune incidence sur la présence d’eau à l’heure actuelle.

Les « canaux » de Mars dessinés par Percival Lowell en 1896. Percival Lowell/wikipedia

Ravins et gouttelettes

Les choses deviennent encore plus intéressantes en 2000, avec une annonce forte. Les images à haute résolution de la caméra Mars Orbiter embarquée à bord de la sonde Mars Global Surveyor ont montré qu’il y avait des ravins de plusieurs mètres de profondeur, courant sur des centaines de mètres le long des pentes internes des cratères.

Les scientifiques ont suggéré qu’ils avaient été sculptés par l’eau qui se serait échappée de lieux de stockage souterrain. De telles formes géologiques, relativement petites et au dessin affûté sont forcement « jeunes ». Les ravines pouvaient être âgées de milliers d’années, mais les chercheurs ont pu repérer des changements chaque année dans quelques-unes d’entre elles : cela semblait suggérer qu’elles étaient toujours actives.

Des ravins à l’intérieur d’un cratère sur le site de Noachis Terra, 47 degrés au sud. NASA / JPL / Malin Space Science Systems

Alors, les ravins sont-ils vraiment une preuve de la présence d’eau liquide sur Mars ? C’est peut-être le cas pour certains d’entre eux, mais il y a d’autres explications, comme les traces d’avalanches de pierres sèches ou de plaques de dioxyde de carbone gelé dévalant les pentes. Par ailleurs, certains ravins sont repérables près du sommet des dunes de sable, un endroit où la présence de réservoir souterrain d’eau est très improbable.

En 2008, la sonde spatiale Phoenix a effectivement détecté de l’eau sur Mars. Quand ses instruments ont raclé le sol poussiéreux, ils ont ramassé de la glace d’eau à quelques centimètres de profondeur, et, beaucoup plus prometteur, des gouttelettes. Il a été suggéré que l’eau s’était condensée autour de grains de perchlorate de calcium transportés par le vent. Ce sel est un minéral qui peut piéger l’eau à partir de l’air, puis faire en sorte qu’elle se dissolve. En outre, alors que l’eau pure est susceptible, sur Mars, de geler à une température comprise entre -10 ° C et -80 ° C, l’eau contenant des sels dissous pourrait rester liquide.

Des gouttelettes, indiquées par une flèche, sur le pied de la sonde Phoenix lander. NASA/JPL-Caltech/University of Arizona/Max Planck Institute

De l’eau suintante ?

En 2011, un nouveau phénomène a été repéré sur les images haute résolution prises en orbite par la sonde Mars Reconnaissance Orbiter : la présence de stries sombres sur les pentes, qui apparaissent et disparaissent au gré des saisons (lesquelles durent environ deux fois plus longtemps que nos saisons sur Terre). Les scientifiques les ont baptisés les « lignes de pente récurrentes », RSL en anglais. Elles mesurent généralement entre 0,5 à 5 mètres de large, et pas plus de 100 mètres de long. Elles pourraient être la marque d’avalanches de poussière sèche, mais l’explication privilégiée a toujours été que l’eau suinte du sol et mouille suffisamment la surface pour l’assombrir, sans toutefois être d’un volume suffisant pour éroder un ravin. La dernière annonce de la Nasa va dans ce sens.

Vue en perspective des stries où de l’eau a coulé. NASA/JPL/University of Arizona

Ce qui est le plus remarquable dans la nouvelle découverte est qu’elle détermine, pour la première fois, la composition des stries. Les chercheurs ont utilisé pour cela un instrument de la famille des spectromètres appelé CRISM pour analyser la lumière réfléchie par la surface de ces formations. Ils ont ainsi pu montrer qu’elles contiennent des sels qui pourraient être du perchlorate de magnésium, du chlorate de magnésium et du perchlorate de sodium. Ces sels ont des propriétés antigel qui permettrait de maintenir liquide l’eau qui coule dans un environnement froid, et cela concorde avec ce que Phoenix avait suggéré en 2008.

Au moment où les mesures de la NASA ont été réalisées, il n’y avait aucun signe d’eau liquide. Les scientifiques vont sûrement continuer à chercher au même endroit dans l’espoir de trouver des indices qui indiqueraient la présence d’eau en place de ceux montrant les traces de sels résidus d’une eau tarie. Cependant, peu de gens peuvent contester que les sels ne sont pas le résultat d’une coulée d’eau.

La question cruciale reste celle de la relation entre l’eau liquide avec les perspectives de la vie sur Mars. Les chercheurs concluent habilement par un parallèle entre la planète rouge et le désert aride d’Atacama, au Chili : sur ce coin de Terre, la seule source d’eau des microbes qui y vivent est celle qu’il obtiennent à partir de sels dissous. Si cela peut arriver sur Terre, peut-être qu’il peut se passer la même chose sur Mars.

This article was originally published in English

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