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En Ile-de-France, la droite de justesse

Valérie Pécresse l'a emporté sur Claude Bartolone, le président socialiste de l'Assemblée nationale. Miguel Medina / AFP

Le premier tour des élections régionales dans la région capitale s’était soldé par un résultat incertain. Pas de vague bleue, mais la liste d’union de la droite et du centre arrivait en tête. Une gauche divisée, mais le total des voix obtenues par les trois listes du PS et de ses alliés, d’Europe Écologie les Verts (EELV) et du Front de Gauche était supérieur à celui de la droite unie. Et, enfin, un Front national en nette progression, mais très loin de ses résultats obtenus dans beaucoup de régions. En fin de compte, la droite l’a emporté de justesse – d’un point de pourcentage – mettant fin à 17 années de gestion de gauche de la région la plus nombreuse en population et la plus riche de l’hexagone.

Alternance attendue dans le cadre d’une élection intermédiaire à enjeu local ou profonde modification du paysage politique en Ile-de-France ? Le résultat émarge sans doute à ces deux logiques. Plusieurs facteurs ont rendu possible l’alternance : le net recul du PS et de ses alliés de second tour (-14,5 %) depuis les précédentes élections régionales de 2010, l’ampleur et l’acuité des divergences et des polémiques à gauche, les difficultés à départager les prétendants socialistes au leadership régional avant l’entrée en lice tardive de Claude Bartolone, mais aussi une certaine usure au terme de trois mandats, à l’issue desquels le rôle de la région, dans la perspective du Grand Paris, était resté flou.

Dans le même temps, l’union de la droite et du centre, autour de Valérie Pécresse, a présenté une alternative crédible pour une large partie de l’opinion, proposant à la fois la sanction d’un gouvernement impopulaire et un programme élaboré au cours d’une longue campagne de terrain par une ancienne ministre déjà candidate il y a cinq ans. Le paysage politique est très différent de celui 2010. Le Front national fait son retour dans des territoires de la région, en particulier en petite couronne, dans lesquels son influence avait fortement décru. L’affaissement du vote écologiste et l’éclatement du parti écologiste sont très nets. Enfin, ces élections ont été marquées par un certain recul de l’abstention, observé dans l’ensemble du pays.

Avant d’entrer dans le détail de ces constats, il faut d’abord relever, malgré l’exiguïté relative de la région, l’hétérogénéité assez importante des comportements politiques entre Paris, la petite couronne et la grande couronne ainsi qu’à l’intérieur de ces ensembles.

Une abstention élevée, mais en recul

Leitmotiv des commentaires sur toutes les élections récentes, la progression de l’abstention ne caractérise pas ces régionales. En recul de deux points au premier tour et de sept points au second par rapport à 2010, l’abstention reste malgré tout à un niveau très élevé : au premier tour, elle atteint la moitié des inscrits dans tous les départements de la région, à l’exception de Paris, atteignant jusqu’à 63 % en Seine-Saint-Denis. En revanche, elle régresse de huit à neuf points d’un dimanche sur l’autre dans tous ces départements. Ce mouvement de remobilisation électorale – plus important en réalité que ce chiffre, des votants du premier tour s’abstenant au second – explique en partie le résultat final, favorable à la droite.

En Ile-de-France, contrairement à d’autres régions, il ne s’agissait pas au premier chef de faire face à la montée du FN, qui n’était pas en mesure de conquérir l’exécutif régional, mais bien de soutenir le candidat de son camp. A cet égard, la comparaison des résultats d’un tour à l’autre est saisissante pour la gauche (tous courants confondus) et pour la droite déjà unie au centre, et à laquelle on peut adjoindre le mouvement souverainiste de Debout la France, moins marginal ici qu’ailleurs dans le pays. Quand la gauche progresse, c’est dans de faibles proportions : entre 0,5 % et 3 % selon les départements. La droite, elle, gagne entre 4 et 8 %, et profite ainsi d’une meilleure mobilisation de son camp.

Où sont passés les écologistes ?

Pendant que se concluait à Paris la COP21, Europe Écologie les Verts enregistrait au premier tour une réduction de moitié de son score de 2010, certes à l’époque très élevé (16,5 %). Avec 8 % des suffrages exprimés, mais de meilleurs résultats à Paris, les Verts n’avaient d’autre solution que de fusionner leur liste avec celle du PS. De son côté, celle-ci, qui avait déjà intégré dès le premier tour plusieurs transfuges emmenés par Jean-Vincent Placé, ne pouvait se passer de leur apport. Comme avec le Front de gauche, les négociations ont été rapidement et aisément conduites sur la base d’une représentation au prorata des résultats du premier tour.

Mais ni le revers électoral des Verts, ni les ralliements individuels n’ont eu pour effet d’améliorer la performance socialiste. Claude Bartolone a recueilli à l’issue du premier tour le même résultat que l’ancien président de la région, Jean-Paul Huchon. Le Front de gauche, conduit comme en 2010 par le secrétaire national du PCF, Pierre Laurent, a de son côté opéré un surplace presque parfait avec 6,6 % des voix. Ainsi, sous la réserve d’une analyse précise des transferts de voix, toujours nécessaire et décisive, c’est bien l’affaissement du vote écologiste en 2015 qui met en scène, de manière saisissante, les difficultés de la gauche.

Celle-ci devance certes la droite à Paris et pour la première fois dans 13 arrondissements sur 20 : aux bastions de l’Est et du Nord-Est s’ajoutent de plus nombreux arrondissements centraux. Elle est aussi en tête en Seine-Saint-Denis et dans le Val de Marne. Et se situe à quasi-égalité dans l’Essonne (31 voix de retard sur la droite) et (guère plus) dans le Val d’Oise. En revanche, la liste Pécresse s’impose sans difficulté dans les arrondissements et les départements de l’ouest parisien, recueillant dans ces derniers plus de 50 % des voix malgré une triangulaire.

Les résultats en demi-teinte du Front national

Bien qu’il s’agisse de ses plus mauvaises performances de toutes les régions continentales, le FN a doublé au premier tour (18,4 %) ses résultats de 2010 en Ile-de-France. Il a pu se maintenir au second, où il a cédé quatre points d’un dimanche à l’autre, mais fait élire ses candidats au sein d’un conseil régional dont il était absent jusqu’ici. Seule la comparaison avec les régions où il était arrivé en tête au premier tour et où il maintient globalement son score au second limite l’appréciation en termes de succès.

Ses résultats varient très fortement entre, d’une part, le cœur de l’agglomération parisienne, qui lui est défavorable, et, d’autre part, des villes populaires de la proche banlieue. Le FN est marginalisé aussi bien dans les arrondissements de l’ouest (5 % au deuxième tour dans le 16èe) que dans ceux de l’est (5 % dans le 11e éprouvé par les attentats d’il y a un mois). En proche banlieue, il opère une sorte de retour après une longue éclipse : à Tremblay-en-France avec 28,6 % des voic, à Sevran avec 22,9 %, à Livry-Gargan avec 29,7 % au premier tour. Dans les départements périphériques, où le FN dispose d’une implantation plus constante, il a obtenu des scores très élevés au premier tour : 30,9 % en Seine-et-Marne, 25 % dans le Val d’Oise. En clair, plus on s’éloigne du centre de l’agglomération, plus ses résultats progressent, en vertu d’une logique à la fois spatiale et sociale observée de longue date.

Le sort de la région a été longtemps incertain dimanche soir. Fait remarquable, les estimations pour l’Ile-de-France ont tardé à être livrées aux téléspectateurs. Au final, l’issue du scrutin dans la capitale pèse dans l’appréciation générale du bilan de ces élections, rendant plus favorable le bilan de la droite lors de cette élection intermédiaire. Mais elle a également mis en relief la résistance d’une gauche promise, il y a peu, à des revers plus graves.

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