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Forêts mondiales : cinq situations à suivre de près

Une exploitation de pulpe de bois à Sumatra (Indonésie). William Laurance, Author provided

L’année passée aura été charnière pour les forêts, avec de bonnes et de moins bonnes nouvelles. Les douze mois à venir seront tout aussi cruciaux avec, en particulier, cinq situations à suivre de près. Pour ceux qui souhaiteraient aller plus loin, je conseille la lecture de l’analyse de Rhett Butler.

1. La forte chute du prix des marchandises

Les répercussions du ralentissement de l’économie chinoise pourraient être fortes pour les zones forestières. La Chine a en effet tenu un rôle central – et agressif – dans l’exploitation des ressources minières, des énergies fossiles et du bois, tout particulièrement dans des pays en voie de développement à travers l’Asie pacifique, l’Amérique latine, l’Afrique et la Sibérie. Pékin a ainsi soutenu des projets de développement de routes et d’infrastructures dans des zones reculées et sauvages ; ces projets ont souvent ouvert une boîte de Pandore environnementale, causant de sérieux dommages aux écosystèmes forestiers et à la biodiversité en général.

Avec la chute des prix de nombreuses ressources naturelles, les forêts pourraient bénéficier cette année d’un répit. Les acteurs de la conservation pourraient se saisir de cette pause pour créer de nouvelles zones protégées et promouvoir la planification de l’usage des terres dans les espaces les plus fragiles sur le plan environnemental. L’Afrique, en proie à une fièvre minière et routière devrait à ce titre constituer une priorité.

Un champ pétrolifère au Congo. William Laurance

2. Une grande sécheresse signée El Niño

La dramatique sécheresse boostée par le phénomène El Niño n’est pas finie – loin de là. Les conditions météorologiques inhabituelles à l’œuvre dans le Pacifique continuent de l’alimenter. Ceci devrait conduire à de fortes périodes de sécheresse et à des incendies, notamment en Amérique centrale et du Sud et en Asie.

L’Indonésie a été tout particulièrement frappée, subissant d’impressionnants feux de forêts et de tourbières qui n’ont pas manqué de faire suffoquer une bonne partie de l’Asie du Sud-Est. Sur une base quotidienne, ces feux ont rejeté autant de CO2 que l’économie des États-Unis toute entière.

3. L’implosion de l’économie brésilienne

Si l’économie chinoise marque le pas, celle du Brésil, autrefois si prometteuse, semble être entrée dans un véritable âge de glace ; un retournement étonnant pour une nation si riche en terres et ressources naturelles.

Il est toutefois assez difficile de prédire les conséquences d’une telle situation pour les forêts tropicales, celle d’Amazonie et aussi la très endommagée forêt atlantique brésilienne, une zone de biodiversité qui a été dramatiquement entamée et fragmentée.

La monnaie brésilienne, le réal, ayant très fortement chuté, les marchandises destinées à l’export – le bois, le soja, le bétail, le pétrole et les minéraux – seront plus compétitives au niveau international, ce qui va dans le sens d’une exploitation accrue des forêts.

Abattage des arbres de mangrove en Amérique latine. William Laurance

D’autre part, les investisseurs brésiliens et étrangers auront certainement tendance à redoubler de prudence en cas de ralentissement économique. Les projets de nouvelles infrastructures ou d’exploitation des terres – à l’image des gigantesques barrages prévus sur l’Amazone – risquent de s’en trouver ralentis.

L’implosion de l’économie brésilienne pourrait tout aussi bien conduire à l’éviction politique de la présidente Dilma Rousseff qui s’est plutôt montrée favorable à la défense de l’environnement. Rousseff fit ainsi tout son possible pour contrer les tentatives d’assouplir le code forestier brésilien – un cadre légal crucial pour garantir la protection des zones forestières. Cette dernière décennie, les taux de déforestation en Amazonie ont chuté de plus de 75 %, mais les lobbies agricoles et industriels ont récemment remis en cause les contrôles gouvernementaux relatifs à l’usage des terres, ceux-là mêmes qui ont permis le recul de la déforestation.

4. Les nouveaux engagements zéro déforestation

Une bonne nouvelle concerne les engagements pris par de grandes firmes multinationales – productrices ou consommatrices d’huile de palme, de pulpe de bois, de soja et d’autres marchandises – pour lutter contre la déforestation. Les pressions d’ONG environnementales et de consommateurs concernés par la préservation des forêts furent ici tout à fait déterminantes.

Si cela a constitué globalement une réelle avancée, l’Indonésie et la Malaisie – deux pays qui produisent à eux seuls 85 % de l’huile de palme mondiale – semblent toutefois farouchement déterminées à démanteler ces accords zéro déforestation.

La biodiversité d’Asie du Sud-Est est l’une des plus riches de la planète. (c) Rhett Butler/Mongabay.com

Le problème reste donc entier : l’Indonésie et la Malaisie veulent pouvoir continuer à déforester de larges zones pour y produire de l’huile de palme et de la pulpe de bois, ce que les accords zéro déforestation mettent à mal. L’Indonésie prévoit ainsi d’abattre 14 millions d’hectares de forêts sur son territoire d’ici à 2020. Il s’agit là d’un enjeu de tout premier plan : si les grandes compagnies commencent à amender ces accords zéro déforestation, il faudra que les défenseurs de la cause environnementale s’y opposent et le fasse savoir.

5. La mise en œuvre de l’Accord de Paris

J’ai pu assister lors de la récente COP21 de Paris à deux avancées majeures pour les forêts. Il fut question, premièrement, de l’adoption d’un accord formel pour mettre en œuvre l’initiative REDD (« reducing emissions from deforestation and forest degradation »).

Cela signifie, du moins en théorie, que des fonds internationaux devraient commencer à alimenter les projets de conservation des forêts : ralentir la déforestation, encourager la régénération des zones forestières et promouvoir une exploitation plus durable – tout cela allant dans le sens d’une réduction des émissions de CO2 pour tenter de limiter le changement climatique.

Au Suriname (Amérique du Sud), un chercheur d’or exploite illégalement une parcelle. William Laurance

Cette initiative représente bien sûr véritable avancée, mais il faut désormais passer aux choses concrètes. Des nations riches comme les États-Unis, le Japon et l’Australie devront ainsi revoir à la hausse leur aide financière en faveur des projets REDD, tout spécialement dans les zones tropicales.

Deuxièmement, les différentes Parties de la COP se sont accordées sur la nécessaire limitation du réchauffement climatique à 2 °C d’ici à la fin du siècle – en tâchant même de le limiter à 1,5 °C. C’est un accord est aussi exceptionnel qu’extrêmement ambitieux. Or le temps n’est plus à l’autosatisfaction et l’Accord de Paris ne pourra être efficace que si les nations réduisent de manière drastique leurs émissions de gaz à effet de serre et préservent leurs forêts.

Les forêts, essentielles pour nous tous

La conservation des forêts est cruciale à la bonne santé de la planète. En les protégeant, on préserve la biodiversité, permettant ainsi aux écosystèmes d’être mieux adaptés au changement climatique. Les vastes étendues de forêts capturent les précipitations et offrent aux espèces un refuge pour s’abriter durant les vagues de chaleur, les incendies, les tempêtes et autres phénomènes extrêmes.

Protéger et régénérer les forêts pourraient également avoir un impact énorme sur le climat, car les forêts contribuent à refroidir la surface de la Terre, tout en émettant des milliards de tonnes de vapeur d’eau qui provoquent une grande part des précipitations.

Dans la forêt amazonienne. William Laurance

Surtout, les zones forestières peuvent rapidement absorber et stocker une grande quantité de carbone. Il a été récemment estimé qu’un effort concerté pour stopper la déforestation et régénérer les forêts dans des zones tropicales dégradées pourrait nous permettre d’atteindre la moitié de notre objectif mondial en termes de réduction des émissions de carbone dans les cinquante prochaines années.

En 2016, il nous faudra donc garder présent à l’esprit que ces écosystèmes forestiers en péril nous sont vitaux.

This article was originally published in English

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