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Images de science : Une sole moderne… il y a 40 millions d’années

Fossile de poisson plat conservé au Muséum national d’histoire naturelle. Bruno Chanet, Fourni par l'auteur

Cette image est celle d’un poisson fossile, Turahbuglossus cuvillieri, un des plus anciens poissons plats connus. Il a été découvert dans les carrières de Tourah, au sud-est du Caire en Égypte. Ces carrières sont également connues pour avoir fourni le calcaire, blanc et fin, des pyramides égyptiennes. En effet, celles-ci étaient ornées d’un parement externe calcaire. Celui-ci réfléchissait la lumière solaire et, selon les auteurs antiques, tels Strabon, donnait aux pyramides un aspect lumineux et à la pyramide de Khéops son nom Akouit « la Brillante ». Ce parement a été détruit lors d’un violent tremblement de terre en août 1303 et ses roches furent réutilisées pour reconstruire la ville du Caire.

Ces roches, et donc ce fossile, datent d’environ 40 millions d’années. Et c’est là que cela commence à poser quelques questions… Nous l’avons dit, il s’agit d’un des plus vieux poissons plats fossiles et ses caractéristiques de son squelette, notamment la disposition et l’organisation des nageoires, montrent qu’il est bigrement évolué. Par l’anatomie de son squelette, Turahbuglossus cuvillieri est proche des soles actuelles présentes dans l’océan indien.

Souvent, dans le registre fossile, on a des fossiles anciens et abondants montrant petit à petit l’acquisition progressive de caractères nouveaux, comme nous le montre l’évolution des premiers vertébrés. Et bien là, on a d’emblée, un poisson plat, Turahbuglossus cuvillieri, de type très récent et quasiment identique à une sole moderne !

À l’heure actuelle, on cherche encore des poissons plats fossiles datant d’avant 40 millions, alors qu’après cette date on a trouvé des poissons plats de type très moderne, similaires aux formes actuelles. Et ce sans aucun fossile « intermédiaire » annonçant les formes actuelles, à la différence de ce qu’on rencontre dans d’autres groupes. Dans les eaux qui nous entourent, les poissons plats sont regroupés dans le groupe des Pleuronectiformes, représentés par les carrelets, les turbots et les soles.

Combien de temps prend l’évolution des espèces ?

Cette particularité, cette apparition a priori soudaine, avait déjà été suggérée dès la découverte de ce fossile au début du XXe siècle, et confirmée par des études ultérieures à la fin de ce même siècle.

Elle s’expliquerait par une diversification très rapide du groupe des poissons plats, quelques millions d’années voire peut-être moins.

À l’échelle de l’évolution, c’est très rapide ! En comparaison, il a fallu quelques millions d’années pour donner l’espèce humaine actuelle et son histoire est jalonnée de découvertes fossiles. Là, le groupe des Pleuronectiformes apparaît d’un coup, il y a environ 40 millions d’années.

Des travaux récents et encore en cours portant sur l’ADN des poissons plats ainsi que sur leur évolution et leurs relations de parenté tendraient à confirmer ce scénario d’une diversification rapide du groupe.

Cet événement soudain est notable en ce qu’il éclaire d’un jour particulier notre connaissance de l’histoire d’un groupe de vertébrés, mais reste énigmatique en ce que les causes associées à sa rapidité restent à ce jour inconnues. Il est cependant remarquable de voir qu’un phénomène, une « diversification explosive », proposée il y a près d’un siècle sur la base de l’étude de fossiles est aujourd’hui confirmé par l’analyse comparée d’ADN de formes actuelles.

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