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Iran, le retour

Le président iranien, Hassan Rouhani, à Rome, le 25 janvier 2016. Tiziana Fabi/AFP

Le retour de l’Iran sur la scène internationale symbolise l’aspiration d’une majorité de la population iranienne à une plus grande ouverture sur le monde. La Révolution islamique de 1978-1979 avait été un moment de repli sur soi du pays. Et après une première expérience d’ouverture limitée sous la présidence du réformateur Khatami (1997-2005), l’Iran semble à nouveau chercher une normalisation de sa place au sein de la « communauté internationale ».

Ce retour de l’Iran est-il, pour autant, le résultat d’un changement politique interne ou le fruit d’un nouveau contexte international marqué par l’émergence de Daech ? En d’autres termes, cet intérêt pour l’Iran en Occident peut s’expliquer à la fois par la nouvelle rhétorique diplomatique de Téhéran favorable au dialogue, mais aussi par le changement de perception en Occident vis-à-vis de l’Iran avec l’émergence d’un ennemi prioritaire, Daech.

Ainsi, la signature par l’Iran et le groupe des « 5+1 » du Plan d’action global conjoint à Vienne le 14 juillet 2015 vient-il contredire les analyses des néoconservateurs occidentaux qui plaçaient l’Iran dans « l’axe du mal ». Selon cette perspective prédominante pendant l’Administration Bush aux États-Unis (2000-2008) et en France sous la présidence Sarkozy (2007-2012), la République islamique d’Iran est alors définie comme un État « infréquentable » non pas en raison de la dimension idéologique de sa politique étrangère, mais de la nature même de cette idéologie. En effet, vu du monde occidental, le rejet de l’existence d’Israël ou la négation de l’holocauste par des dirigeants iraniens constituent des lignes rouges diplomatiques. Face à cette perception réductrice du régime iranien, les autorités de Téhéran développent un discours qui insiste sur la dimension islamique et de recherche de la justice par l’Iran sur la scène internationale.

Une première phase d’ajustement

Pour comprendre la politique étrangère iranienne depuis la Révolution, il s’agit de prendre en compte à la fois le processus d’idéologisation de la religion consécutif à la Révolution et le phénomène paradoxal d’étatisation du religieux avec l’émergence de la République islamique d’Iran. Si, pendant la première décennie révolutionnaire, l’État se construit autour d’un régime idéocratique, force est de constater que, dès la signature du cessez-le-feu qui met fin à la guerre Iran-Irak (1980-1988), on observe un rééquilibrage dans la politique étrangère iranienne entre la poursuite de principes idéologiques et la défense des intérêts de l’État.

Cela se traduit notamment par la marginalisation des plus radicaux et par la mise en œuvre du principe de discernement (maslahat) dans la prise de décision au sommet de l’État iranien. Cependant, ce rééquilibrage vers une mise en œuvre pragmatique des valeurs de la Révolution islamique ne signifie pas pour autant la disparition du référentiel idéologique. Certains analystes ont alors confondu « la phase d’ajustement » que traversait alors la République islamique avec un Thermidor signifiant la fin de la Révolution islamique. Mais cette analyse est clairement contredite par l’arrivée à la présidence d’Ahmadinejad en 2005.

Une normalisation encore fragile

En 2013, l’élection à la présidence d’Hassan Rouhani s’est construire autour d’un programme de développement économique et d’intégration de l’Iran dans la globalisation. Le défi auquel sont désormais confrontées les élites politiques de la République islamique est de concilier ouverture économique et maintien des spécificités du régime politique. Aussi, en raison de sa popularité en Iran, l’Accord de Vienne est-il une étape historique vers la réintégration de l’Iran au sein de la « communauté internationale ».

Néanmoins, le règlement diplomatique de la question nucléaire est une condition nécessaire, mais pas suffisante pour la normalisation de la position régionale de l’Iran. En ce sens, les élections parlementaires et pour l’Assemblée des experts de février 2016 seront un test pour le renforcement de la faction « modérée » du président Rouhani et pour sa capacité à imposer sa vision de la Révolution islamique à ses rivaux politiques.

De même, la mise en œuvre de coopérations économiques avec les entreprises européennes pourrait lui permettre de faire valoir sa vision plus inclusive et moins exclusiviste de la Révolution auprès d’une opinion publique favorable à la priorité donnée à l’économie dans la politique étrangère. Last but not least, la capacité du président Rouhani à créer des liens avec la diaspora iranienne sera également un signal de la sortie d’une idéologie révolutionnaire exclusiviste vers la réalisation d’un processus de réconciliation et d’unité nationale.

Clément Therme est l’auteur de l’ouvrage « Les relations entre Téhéran et Moscou depuis 1979 », 2015.

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