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Jeux vidéo : existe-t-il une LoL économie en France ?

Le Championnat du monde de League of Legends, en 2013, à Los Angeles. Wojtek Zając/Flickr, CC BY

Au niveau mondial, le marché des jeux vidéo dépasserait désormais celui de l’industrie du cinéma. Comme cette dernière, l’industrie du jeu vidéo développe une culture propre qui va au-delà de la simple sphère ludique.

En effet, si des orchestres philharmoniques ont joué la musique de Star Wars au siècle dernier, ils jouent aujourd’hui, à l’image du Münchner Rundfunkorchester, la musique composée pour des jeux vidéo.

Concerts, chaînes vidéo… l’industrie du jeu vidéo essaime

Cela signifie deux choses. En premier lieu, il existe une culture du jeu vidéo avec son public et donc son marché. En deuxième lieu, cette industrie du jeu vidéo essaime autour d’elle créant des emplois au-delà du jeu ; comme le montre ces concerts, mais aussi les chaînes YouTube qui fleurissent, les photographes dédiés à l’eSport, le besoin en matériel informatique et infrastructures réseau, les applications de support, le marketing événementiel, la presse spécialisée, etc.

Deux joueurs de Super Street Fighter IV en 2009, lors de la Coupe de France des jeux vidéo, qualifiant les équipes françaises pour l’Electronic Sports World Cup (ESWC). Dj ph/Flickr, CC BY-NC-SA

Ainsi, en novembre 2016, Canal+ déclinait le succès de son Canal Football Club au sport électronique (eSport), dans un format hebdomadaire court avec, en outre, une émission mensuelle d’une heure sur sa chaîne YouTube.

Comme son aîné, le Canal eSport Club (CeC) invite des joueurs ou des managers d’équipes, traite de sujets de fonds, montre les meilleures séquences de jeux de la semaine. En outre, le sponsor principal de cette émission est Betclic, l’une des principales plates-formes de paris en ligne. Betclic est sponsor dans le football, sera-ce bientôt une plate-forme de paris liés à l’eSport ?

La chaîne YouTube du CeC ne compte qu’une dizaine de milliers d’abonnés après 4 mois d’activité, mais c’est une tentative de récupération par les médias traditionnels de l’engouement pour le jeu vidéo.

LordVal, l’un des papes français du jeu vidéo mobile Clash of Clan, publie par exemple des vidéos qui montent jusqu’à 70 000 vues. Comme il s’agit d’une économie en partie fondée sur la gratuité, les recettes viennent de la publicité, donc du public.

De la culture sportive à la culture eSport

Le public, on le retrouve également lorsque l’eSport s’approprie les formes traditionnelles de la culture sportive. Les tournois sont en effet la vitrine de cette économie : depuis plusieurs années, de nouveaux types de tournois, diffusés en ligne mais également en public, sont apparus.

Les tournois publics créent une ambiance de grand événement qui ajoute au « buzz ». Il y a dix ans, les associations d’étudiants organisaient des tournois de football, aujourd’hui, elles organisent des tournois de League of Legends (LoL), avec, à la clé, 10 000 euros de prix pour les vainqueurs.

Les entreprises suivent les porteurs de projets et se battent pour avoir des contrats de sponsorisation exclusifs… sur le même modèle que les Jeux olympiques. Et, si c’est à une moindre échelle, la finale de l’équivalent des championnats du monde 2013 de LoL s’est déroulée… dans l’arène des équipes de basket de Los Angeles (Lakers et Clippers).

L’eSport investit donc littéralement le terrain du sport traditionnel. En outre, là où la finale de NBA a été vue par moins de 27 millions de téléspectateurs, la finale de LoL a été suivie par plus de 32 millions de spectateurs,.

En fait, les jeux vidéo ont généré leur propre écosystème, dynamique, innovant et jeune – car porté par les nouvelles générations. Pomf et Thud, deux commentateurs du célèbre jeu StarCraft II, se sont rapidement renouvelés au début des années 2010, en créant la chaîne O’Gaming.

Forts de leur succès, ils ont tout d’abord étudié plusieurs modèles économiques avant de se lancer dans un système de chaîne avec abonnement ; celle-ci est aujourd’hui la référence francophone pour ce jeu et rémunère toute une équipe.

La Corée du Sud, pays phare de l’eSport

Certains joueurs, quant à eux, diffusent en direct leur jeu (« streament ») sur des plates-formes comme Twitch, qui vit de cet écosystème. De nombreuses jeunes entreprises (« start-up ») profitent de la dynamique de l’écosystème du jeu vidéo pour lancer des produits comme l’application de messagerie instantanée Line, dont le succès est totalement interdépendant de celui du jeu Clash of Clan.

L’un des premiers pays a avoir connu ce type d’engouement pour le jeu vidéo est la Corée du Sud. L’ethnologue Chloé Paberz souligne que dans le pays, « certains pro-gamers (joueurs professionnels de jeu vidéo) font trépigner des grappes de lycéennes hystériques après les matches, tournent des spots publicitaires, et prennent la pose en survêtement en couverture de magazines spécialisés. Chaque Séoulien peut suivre au quotidien leur évolution dans les classements officiels en attrapant le journal des jeux vidéo qui côtoie les autres quotidiens gratuits distribués à l’entrée du métro. »

La France saura-t-elle profiter de cette économie émergente ?

Le public de LoL se déguise parfois en personnages du jeu. (ici Riven, par la Française Enzaeru). Julien Renard/Flickr, CC BY-NC-ND

En France, si l’on est encore loin de l’engouement coréen, cette économie se structure et elle génère de l’argent sur des modèles économiques comparables à ceux du sport traditionnel, mais aussi via de nouveaux modèles économiques, liés à l’économie numérique.

De grandes écuries et des sportifs de haut niveau investissent d’ailleurs leur argent dans des équipes de joueurs professionnels de jeux vidéo.

La France qui semble assez talentueuse et particulièrement performante pour les économies de l’expérience, comme le cinéma ou les arts en général, saura-t-elle profiter de cette économie émergente ?

Pour l’heure, malgré certaines réussites, l’équipe eSport du PSG dispose d’un camp d’entraînement à Berlin, et le grand espoir français de LoL, Steven Liv (Hans.Sama de son pseudonyme), s’est expatrié en Corée.

Ce qu’on pourrait appeler la « LoL économie » ne sera-t-elle qu’un lol pour le pays ?

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