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La dégénérescence maculaire peut entraîner un flou ou ou une absence de vision au centre du champ visuel. Shutterstock

La dégénérescence maculaire est la première cause de cécité au pays. Comment la prévenir ?

Jacques était un retraité très actif, mais il ne l’est plus. Un matin de novembre, sa vie a complètement basculé. Lorsqu’il s’est levé, il ne voyait plus d’un œil. Paniqué, il est venu rapidement me consulter.

Lorsque je l'ai reçu dans mon bureau, il avait déjà eu un diagnostic de dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) quelques années auparavant et sa condition semblait stable. Or voilà qu’elle avait évolué vers la forme la plus sévère, soit la dégénérescence humide. Celle-ci se caractérise par le développement subit d’un réseau de nouveaux vaisseaux sanguins, qui suintent dans les couches profondes de la rétine, entraînant une perte rapide de la vision fonctionnelle de l’œil atteint.

Une référence urgente en ophtalmologie est faite dans ces cas, car la fenêtre d’opportunité pour le traitement est étroite. Le traitement le plus hâtif permet habituellement le meilleur pronostic. En conséquence, Jacques a été pris en charge dans les jours suivants.

L’ophtalmologiste lui a fait des injections intraoculaires de médicament, mais sa vision ne s’améliore que peu pour le moment. Jacques vit un deuil profond. Il est dépressif et son anxiété augmente. Il se sent inutile et en perte considérable d’autonomie.

La perte d’un œil est un événement traumatisant, quel que soit l’âge du patient. Si les effets psychologiques négatifs importants sont bien documentés pour les patients plus âgés, de récentes publications font également état des mêmes conséquences néfastes chez les populations plus jeunes.

Ainsi, le taux de dépression est six fois plus important chez les personnes ayant subi une perte considérable de la vision que dans la population en général (25 vs 4 %).

De l’espoir pour les patients

Que faire alors pour aider Jacques ? On ne peut pas lui promettre de rétablir pleinement sa vision. En effet, bien que les traitements par injections puissent être efficaces, il demeure que la dégénérescence de base ne s’estompera pas. La meilleure option pour accompagner Jacques est de le référer à un centre de réadaptation en déficience visuelle où des services de professionnels variés lui seront offerts.

Il y fera affaire avec des professionnels formés à la nature du handicap visuel et à ses répercussions sur la vie des personnes atteintes et de leur entourage. Comprendre la réalité de l’autre est déjà un premier pas, une première main tendue pour offrir l’aide nécessaire.

Évidemment, en premier lieu, l’aide psychologique dont il a besoin pourra être disponible. Ensuite, sa condition visuelle pourra être optimisée. Des optométristes spécialisés en basse vision ont l’expérience requise pour prescrire les aides optiques qui pourraient l’aider à retrouver un peu de sa fonction visuelle. Ainsi, des loupes, des appareils de visionnement et des lunettes spécialisées pourront lui être prescrits et fournis grâce à un programme gouvernemental conçu à cette fin.

Rapidement, des spécialistes en réadaptation en déficience visuelle (SRDV), formés à l’École d’optométrie de l’Université de Montréal (le seul endroit offrant ces programmes de maîtrise au Canada) interviendront pour l’aider à acquérir des nouvelles stratégies lui permettant de vaquer à ses activités quotidiennes. Des éducateurs spécialisés pourront l’aider à utiliser un ordinateur et des logiciels spécifiques. Lorsque requis, des spécialistes en orientation et en mobilité (SOM) enseignent aux personnes handicapées visuelles des méthodes afin de s’orienter et se déplacer en sécurité, que ce soit sur la rue ou dans des milieux moins connus.

La dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) peut entraîner un flou ou ou une absence de vision au centre du champ visuel. Shutterstock

Un travailleur social accompagnera la personne atteinte dans son cheminement en réadaptation et interviendra également auprès de la famille, sachant que les impacts d’un handicap visuel vont bien au-delà de la seule personne atteinte. En un mot, Jacques sera bien entouré et pourra retrouver un certain niveau d’autonomie dans sa vie, ce qui aura un impact positif sur son moral. Des groupes de soutien peuvent également l’aider dans ses démarches. Et si, grâce à des injections efficaces, l’acuité visuelle s’améliore, ce sera presque une partie gagnée !

Ceci étant dit, Jacques a d’autres soucis concernant cette maladie. Il est en effet inquiet que ses enfants développent des atteintes similaires, notamment l’un de ses garçons, qui est une copie conforme, au plan génétique, de son père.

Plusieurs facteurs de risque

La dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) porte bien son nom : la prévalence augmente évidemment avec l’âge des patients. Près d’un million de Canadiens, et 300 000 personnes au Québec, souffrent de DMLA. De ce nombre, 10 à 15 % présentent la forme humide, comme Jacques. Il s’agit de la cause principale de cécité chez les personnes de plus de 65 ans.

Outre le vieillissement, les facteurs de risque associés au développement de la maladie sont les antécédents familiaux (Jacques a donc raison de s’inquiéter), l’origine ethnique (Caucasiens, Européens du Nord), le genre (les femmes sont plus touchées), les maladies athérosclérotiques et vasculaires, l’obésité et l’exposition au soleil (phototoxicité des cellules rétiniennes).

Le tabagisme joue également un rôle important. Ainsi, une consommation de 25 cigarettes par jour double le risque d’atteinte sévère. L’exposition à la fumée secondaire est tout aussi néfaste. En effet, les produits chimiques absorbés durant l’exposition à la fumée augmente de 1000 fois l’absorption des rayons néfastes du soleil par la rétine.

Pour le garçon de Jacques, le risque est donc bien présent et la voie est clairement tracée. Il ne peut modifier ses gènes, ne peut s’empêcher de vieillir, il ne peut changer son ethnie ou ses chromosomes. Par contre, il peut contrôler les facteurs modifiables, soit cesser de fumer, contrôler son poids et demeurer actif physiquement.


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L’alimentation peut jouer un rôle préventif ; réduire l’apport lipidique dans la diète et favoriser la prise d’oméga-3 en dosage suffisant (forme de triglycérides, à raison de 800 mg DHA/EPA par jour) s’avèrent importants. Par contre, l’ajout de vitamines formulées pour la santé oculaire n’est pas recommandé pour son garçon. Elles ne sont valables qu’au moment où la DMLA sèche atteint un stade intermédiaire, pas pour en prévenir l’apparition. Par contre, ce sera une des seules façons de réduire le risque de Jacques de voir son autre œil être atteint et perdre toute vision fonctionnelle.

Pour son garçon et lui, il est impératif de suivre les recommandations du médecin quant à la prise en charge des atteintes vasculaires (hypertension, cholestérol, diabète). Lorsque mal contrôlées, ces dernières contribuent à augmenter significativement le risque de DMLA humide.

Rappelons que la dégénérescence maculaire est d’abord et avant tout une atteinte vasculaire : les vaisseaux sanguins n’arrivent plus à bien nourrir les cellules de la rétine et n’évacuent plus efficacement leurs déchets métaboliques. Par conséquent, les cellules meurent. Cette apoptose génère un appel de nouveaux vaisseaux sanguins qui sont fragiles et qui, en se rompant, inondent la rétine de fluide.

Finalement, le père et le fils devront se protéger des rayons nocifs du soleil que ce soit sous forme de filtre transparent (UV400) dans leurs lunettes de correction habituelle ou en lunettes solaires de qualité, à porter à l’extérieur. Leurs professionnels de la vue sauront bien les conseiller à cet égard.

Le moral de Jacques n’est pas au beau fixe, mais je lui ai donné un peu d’espoir en des jours meilleurs. Il sait qu’il pourra compter sur une équipe de professionnels pour l’entourer et qu’il n’est plus seul dans son aventure. Il y a de l’espoir. Et l’espoir est la première condition qui nous permet de surmonter les impacts de n’importe quelle maladie.

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