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La fabrique des filles et des garçons. Des cerveaux différents ? (1)

Topjur01/wikimedia, CC BY-SA

Nous les humains, femmes et hommes, avons tous des personnalités et des façons de penser différentes. Mais d’où viennent ces différences ? Sont-elles innées ou sont-elles acquises ? Quelle est la part de la biologie et quelle est celle de l’environnement social et culturel dans la construction de nos identités ? Pour comprendre comment se fabriquent les filles et les garçons, il faut aller chercher très tôt, dans les premières années de la vie. Les observations du développement des enfants apportent des informations précieuses sur la présence ou l’absence de différences entre les sexes, le moment où les différences émergent et ce qu’elles deviennent dans le temps. Dans ce premier article, adapté de mon ouvrage « Nos cerveaux, tous pareils, tous différents », nous aborderons la question des différences entre les cerveaux des filles et des garçons.

Dans la période prénatale, les données sur le développement du cerveau sont rares. Des observations menées sur des fœtus de 20 semaines (51 mâles et 51 femelles) ne montrent pas de différences entre les sexes dans la taille relative de l’hémisphère gauche et de l’hémisphère droit du cerveau. Quant à la circonférence de la tête, celle des fœtus mâles de 18 semaines est un peu supérieure à celle des femelles (la différence est de 2-4 %).

Volume du cerveau

À la naissance, les garçons sont en moyenne plus lourds et de plus grande taille que les filles. Le volume de leur cerveau est supérieur d’environ 10 % à celui des filles. Si l’on rapporte le volume du cerveau à la taille du corps, la différence entre les sexes s’estompe de 1 à 4 % mais reste significative. Quand on se penche sur la structure interne du cerveau, plusieurs études par IRMont montré des variations selon le sexe dans les volumes de la matière grise (où sont concentrés les corps cellulaires des neurones) et de la matière blanche (constituée des fibres nerveuses issues des corps cellulaires des neurones). Depuis la naissance jusqu’à l’âge adulte, les filles ont en moyenne un peu plus de matière grise et les garçons un peu plus de matière blanche.

Ces différences anatomiques ont donné lieu à toutes sortes de spéculations censées expliquer les différences d’aptitudes et de comportements entre les femmes et les hommes : capacité à faire plusieurs choses à la fois, orientation dans l’espace, aptitude au langage, etc. Or des études récentes remettent en question l’interprétation de ces différences anatomiques. Il s’avère en effet que celles-ci ne sont qu’apparentes. Elles disparaissent si l’on prend en compte la taille du cerveau en tant que telle.

Ainsi, quand on compare des cerveaux d’hommes et de femmes de même volume (ce qui concerne 15-20 % des cas dans la population), on ne voit plus de différences dans les volumes des régions cérébrales. En fait, plus un cerveau est gros, plus le rapport entre matière blanche et matière grise augmente. Ce développement accru des fibres nerveuses quand le volume cérébral augmente permettrait d’assurer une meilleure efficacité de la propagation de l’influx nerveux dans les régions distantes du cerveau.

Maturation cérébrale

On comprend dès lors que des études comparant les cerveaux des deux sexes sans prendre en compte la taille du cerveau puissent conduire à des conclusions erronées sur l’origine des différences de matières grise et blanche attribuées hâtivement à des facteurs hormonaux ou génétiques. Plusieurs travaux menés en particulier par l’équipe de Jay Giedd aux États-Unis ont analysé dans le temps les phases de développement du cerveau de l’enfance à l’adolescence. Jusqu’à l’âge de deux ans, le rythme de la croissance des différentes régions cérébrales est globalement identique pour les filles et les garçons. Des différences entre les sexes ont été observées à partir de cinq ans dans certaines zones du cerveau (striatum, pallidum, thalamus, cortex).

On ne sait pas déterminer l’origine des différences de maturation cérébrale chez les enfants, filles ou garçons. Pixabay

Actuellement, on ne dispose pas de données suffisantes pour corréler les différences de maturation cérébrale chez les enfants filles et garçons, avec des différences de développement moteur, sensoriel ou cognitif. De plus, il n’est pas possible de déterminer l’origine, innée ou acquise, de ces différences. En effet, le développement post-natal du cerveau est étroitement lié aux stimulations du milieu environnant et à l’histoire de l’enfant. De nombreuses études ont montré que dès les premières heures de la vie d’un bébé, les adultes se comportent différemment avec une fille ou un garçon dans les expressions affectives, les paroles, les contacts physiques, les jeux, etc. Ces différences de vécu de l’enfant peuvent influencer le rythme de croissance de certaines régions du cerveau qui est particulièrement malléable – « plastique » – chez les plus jeunes.

Influences familiales et sociales

Pour conclure sur ces différences cérébrales, si l’on dresse le bilan des recherches sur le développement postnatal des jeunes enfants, les différentiations entre les sexes observées à la naissance concernent la taille moyenne du cerveau, plus gros chez les bébés garçons, et l’activité motrice, légèrement plus importante chez les garçons. Les autres différences telles que l’expression verbale, plus marquée chez les filles, et les préférences pour les jouets, émergent entre six mois et un an. Pendant ces mêmes périodes, les enfants sont soumis aux influences familiales et sociales qui contribuent au câblage des réseaux de neurones du jeune cerveau en pleine croissance. Un travail important de recherche reste à mener sur les interactions mutuelles entre les facteurs de l’environnement et les processus biologiques de développement chez les jeunes enfants. Ces questions sont cruciales pour cerner l’origine des troubles du langage et du comportement tels que la dyslexie, l’hyperactivité ou l’autisme, qui affectent davantage les garçons que les filles.

Si la connaissance des liens entre sexe et cerveau progresse, que dire des hormones dont on dit qu’elles modèlent, pour une grande part, les comportements masculins et féminins ? C’est ce que nous verrons dans un deuxième article qui sera publié demain mercredi.

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