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La France, destination européenne préférée des banques chinoises

L’ICBC, l’une des banques chinoises aujourd’hui installées à Paris. Thomas Samson / AFP

Les entreprises chinoises ont considérablement augmenté leurs investissements en Europe au cours de ces dernières années, en particulier dans les domaines de la production et de la R&D, et à l’échelle continentale, selon Business France, la France est le premier pays d’accueil en nombre de projets d’investissement chinois, devant l’Allemagne et le Royaume-Uni.

Malgré le contexte incertain lié à la situation sanitaire qui pèse sur le commerce international, la Chine a ainsi réalisé 53 projets et crée 1 679 emplois en 2020 dans l’hexagone. L’Île-de-France et L’Auvergne-Rhône-Alpes sont les deux régions qui accueillent le plus de projets d’investissement. Actuellement, la Chine est le premier pays asiatique investisseur en France.

Les investissements directs étrangers (IDE) de la Chine et le mouvement d’internationalisation du renminbi (RMB, la devise chinoise) offrent des opportunités significatives pour des institutions bancaires chinoises à s’internationaliser.

Business France (2021)

D’un point de vue historique, le secteur financier chinois est fortement contrôlé par l’État depuis 1949. La stabilité de l’environnement politique et économique en Chine au cours de ces 40 dernières années a ainsi fourni les conditions nécessaires au développement du secteur bancaire. La croissance économique et l’accumulation du capital jouent un rôle important dans le développement des marchés financiers.

L’entrée de la Chine dans l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 2001 l’a poussée à mettre en place des réformes en vue d’améliorer la gouvernance bancaire et la restructuration de son système afin de mieux l’adapter au système financier international.

Le coup de pouce du Brexit

De son côté, la France offre un environnement attractif pour les banques chinoises qui souhaitent s’implanter en Europe pour s’intégrer dans le système mondial. En raison de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, certaines entreprises du secteur financier londonien ont décidé de délocaliser leur siège à Paris.

Des banques américaines (JP Morgan, Goldman Sachs, Citibank, Bank of America), anglaises (Barclays et Standard Chartered) ou d’autres nationalités comme National Australia Bank et l’Arab Banking Corporation ont créé et renforcé leurs équipes parisiennes afin de diminuer les impacts négatifs du Brexit sur leur secteur. Ce sont plus de 440 entreprises de services financiers du Royaume-Uni qui ont réagi au Brexit d’une manière ou d’une autre en délocalisant une partie de leurs activités, de leur personnel ou de leurs entités juridiques dans l’Union européenne.

La France apparaît dans ce contexte comme une destination favorable. Tous ces changements ont en effet permis d’accroître la place de Paris dans les domaines bancaires et financiers en Europe. Pour les banques chinoises, cet écosystème à proximité des plus grandes banques internationales favorise leur développement dans une perspective internationale et leur permet d’opérer à l’échelle mondiale.

De plus, la France s’est engagée de manière très positive au cours de ces 10 dernières années sur le sujet de l’internationalisation du RMB. Certaines banques françaises comme le Crédit agricole mettent en place des mécanismes qui permettent d’accompagner les entreprises françaises et européennes dans la réalisation de leurs transactions commerciales avec la Chine en RMB. La France est ainsi le premier centre offshore de RMB dans la zone euro.

Selon les chiffres publiés par l’ambassade de Chine en France en 2018, près de 50 % des transactions entre la France et la Chine sont payées en RMB. Le RMB est la quatrième monnaie la plus active pour les paiements mondiaux en valeur, avec une part de 2,70 %. après le dollar américain (40,51 %), l’euro (36,65 %) et la livre sterling (5,89 %). Actuellement, plus de 70 banques centrales ou autorités monétaires dans le monde incluent le RMB dans leurs réserves de change. Paris occupe aujourd’hui une place leader de la zone euro sur ce marché du RMB.

Selon l’Ambassade de Chine en France, près de 50 % des transactions entre les deux pays étaient payées en RMB en 2018. Pixabay

En offrant notamment un accompagnement dans les démarches administratives, la recherche des locaux et d’opportunités d’affaires, Paris a montré sa flexibilité et sa volonté par rapport à d’autres places financières européennes pour attirer les banques étrangères dont l’objectif est de consolider sa place de centre financier à l’Union européenne.

À ce jour, la Banque de Chine, la Banque des communications, la Banque d’exportation et d’importation de Chine, la Banque de construction de Chine et la Banque industrielle et commerciale de Chine (ICBC) sont installées à Paris. Ce sont de grandes banques commerciales d’État qui jouent un rôle essentiel dans le secteur financier chinois.

L’implantation de ces banques en France a notamment pour but d’intégrer le système bancaire mondial tout en leur permettant à la fois d’améliorer leur gouvernance et de restructurer leur système. En outre, les banques chinoises veulent également apporter des services financiers aux entreprises françaises (en particulier pour le CAC 40) dans le cadre de leurs échanges commerciaux et des opérations sur les marchés financiers entre la France et la Chine tout en utilisant leurs connaissances sur ces deux marchés.

Leur présence en France leur permet également de s’inspirer de l’expérience des banques françaises en Afrique, car la Chine est prête à jouer un rôle plus actif sur les marchés financiers africains. Enfin, cette implantation leur permet d’améliorer la position internationale du RMB et de mieux accompagner les entreprises chinoises dans leur processus d’internationalisation en Europe et en particulier en France.

Méconnues du grand public

En comparaison avec les autres secteurs, les banques ne sont pas des entreprises comme les autres. En Chine tout comme dans de nombreux pays, les banques représentent une industrie non librement concurrentielle avec un certain degré de monopole, ce qui affecte inévitablement le fonctionnement du mécanisme de marché.

Le faible niveau de divulgation d’informations par les banques (d’un point de vue relatif, en comparaison avec d’autres industries), principalement pour des raisons de sécurité ou de protection de la confidentialité des informations financières des clients, crée une asymétrie dans l’accès du public à l’information et rend difficile tout jugement précis sur les risques et les performances des institutions financières.

En France, les banques chinoises sont méconnues par le grand public. La confiance et la réputation n’étant pas encore bien établies, cela ne permet pas par exemple de développer l’épargne personnelle. Pour l’instant, leur clientèle sont de grandes entreprises situées en France qui ont des opérations commerciales avec la Chine pour des projets de financement, tels que le financement d’acquisitions, l’export, l’introduction en bourse de Hongkong, la gestion de trésorerie en RMB et ses investissements, les opérations de change et de taux, le cash management en Chine ou en lien avec la Chine.

Pour bâtir une confiance et augmenter leur réputation sur le marché française, les banques chinoises ont établi une série des mesures. La Banque industrielle et commerciale de Chine (ICBC) organise régulièrement des séminaires en France afin de rencontrer les entreprises locales et leur fournir des services de conseil. Elle a également mis en place une plate-forme sur les marchés de capitaux de dette pour aider les entreprises françaises à bien préparer leurs opérations dans ce domaine.

De plus, des activités sur des opportunités d’investissement en Chine sont organisées pour créer un lien avec les entreprises françaises. Pendant la crise sanitaire, plusieurs des banques chinoises ont adopté une stratégie responsable avec des actions solidaires pour répondre aux besoins du public français. ICBC a par exemple fourni aux étudiants des masques de protection et fait don de 40 000 masques respiratoires N95 au CHU de la Pitié-Salpêtrière à Paris pour les aider à lutter contre la pandémie de Covid-19. En mars 2021, la Banque de Chine a fait un don de 1,11 million de fournitures médicales au ministère français de la Santé pour soutenir le personnel médical dans la lutte contre l’épidémie.

Outre les grandes entreprises, les banques chinoises ont pour projet de développement à long terme qui consistera à aider les PME françaises à faire face à la crise sanitaire en leur offrant des opportunités commerciales et un soutien pour résoudre les problèmes de croissance économique. Cependant, en raison de leur concentration sur les opérations en Chine et leur manque d’expérience internationale, ces banques souffrent d’une grave pénurie de talents dans le domaine de la gestion bancaire internationale, en particulier sur les postes clés en gestion de succursales à l’étranger.

Aujourd’hui, il est possible de trouver des équipes qui parlent le français, l’anglais et le chinois dans les banques chinoises en France. Toutefois, il leur manque encore des managers qui ont une perspective internationale, de fortes capacités de coordination et de communication interpersonnelle afin d’éviter les risques juridiques et les conflits liés aux différences interculturelles. La politique de ressources humaines des banques chinoises évolue avec le temps, constituer des équipes locales de management en travaillant avec les cadres locaux est devenue une stratégie à moyen terme.

Enfin, le secteur bancaire chinois est confronté à de nombreux obstacles et à des challenges dans le processus d’internationalisation. Comme pour de nombreuses entreprises chinoises, s’intégrer au marché international et faire face à la concurrence mondiale constituent une stratégie de développement à long terme. L’objectif des banques chinoises est de fournir des services financiers complets à des clients du monde entier.

Quant à l’internationalisation, elle leur permet de tirer des enseignements grâce à l’expérience acquise, de renforcer la gestion des risques, de se comparer à leurs concurrents internationaux, de restructurer leur mécanisme de gestion des affaires et d’améliorer leur capacité à lutter contre le blanchiment d’argent dans un environnement concurrentiel.


Stéphane Monsallier, CEO, System-in-Motion (Chine), a participé à la rédaction de cet article.

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