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Solar Impulse a parcouru 40 000 kilomètres sans une seule goutte d’essence. Solar Impulse/Flickr, CC BY-NC-ND

La révolution initiée par Solar Impulse n’aura pas lieu dans le ciel

Après douze années de préparatifs et de tests, Solar Impulse a enfin bouclé son incroyable tour du monde le 26 juillet dernier. L’avion solaire, qui s’était envolé d’Abu Dhabi en mars 2015, a ainsi parcouru quelque 40 000 kilomètres en 17 étapes, et tout cela sans la moindre goutte de pétrole.

Solar Impulse n’est pas un avion comme les autres : s’il a l’envergure d’un Boeing 747, son poids n’excède pas celui d’une berline familiale. Ses immenses ailes réalisées à partir d’un matériau composite à base de fibres de carbone sont recouvertes par 17 000 cellules solaires ; ces dernières fournissent à ses quatre moteurs à hélice l’énergie nécessaire durant le jour et lui permettent d’alimenter quatre batteries au lithium pour les vols de nuit.

Le pilote Bertrand Piccard à propos de Solar Impulse (Public Sénat, 2015).

Un géant poids plume

Pour garantir une légèreté maximale, la cabine de pilotage présente un espace très restreint, tout juste suffisant pour un pilote et guère plus vaste que les sièges avant d’une voiture. C’est dans cette zone confinée – et pour cinq jours consécutifs maximum – qu’André Borschberg et Bertrand Piccard ont dû tout faire : piloter, manger, dormir (pour des sessions de 20 minutes, pas plus) et faire leur toilette.

En théorie, Solar Impulse pourrait voler sans s’arrêter des mois durant, mais l’étroitesse du cockpit impose un changement de pilote à chaque nouvelle étape. Parmi leurs nombreux exploits, André Borschberg et Bertrand Piccard ont réalisé le vol en solitaire le plus long de l’histoire – près de 118 heures – à bord d’un aéronef à aile fixe.

Aujourd’hui, quelques semaines après la fin de ce fabuleux voyage, que peut-on dire de l’apport de Solar Impulse ? Peut-on espérer voir un 747 recouvert de cellules solaires dans un futur proche ? Il semble que la réponse soit non.

Une aile immense et un cockpit de poche. Solar Impulse, CC BY-NC-ND

Les avions-X

Solar Impulse a en effet besoin de toutes ces cellules solaires et de quatre batteries (qui pèsent le quart de son poids total) rien que pour alimenter ses moteurs à hélice ; ces derniers possèdent une puissance de 70 chevaux, identique à celle d’une voiture familiale.

À titre de comparaison, les moteurs d’un Boeing 747 ont une puissance équivalente à celle de 1 000 voitures. La quantité de cellules solaires et plus encore le nombre de batteries nécessaires pour produire et stocker une telle énergie rendent ce projet d’avion impossible au regard de la technologie actuelle.

Si de gros avions solaires ne sont pas envisageables pour le moment, le domaine des engins électriques ou hybrides vient de connaître de nouveaux développements avec l’annonce récente par la NASA du projet X-57, un avion 100 % électrique. Charles Bolden, l’administrateur général de l’Agence spatiale américaine, a indiqué que cet engin serait le premier d’une série d’avions-X.

Le X-57 possédera 14 moteurs électriques : 12 petits qui seront fixés à l’aile et serviront pour les phases de décollage et d’atterrissage, et deux autres, plus importants, qui serviront à maintenir une vitesse de croisière de 280 km/heure.

Visualisation d’un X-57. L’avion de la NASA devrait réaliser son premier vol dans les années qui viennent. NASA

Cet engin devrait ainsi permettre de consommer cinq fois mois d’énergie qu’un avion de taille et de vitesse équivalentes. Sa conception devrait également voir une réduction très importante de la pollution et du bruit habituellement induits par le transport aérien.

Ces batteries qui vont tout changer

Si le X-57 n’est pas concerné par des vols commerciaux à grande échelle, la technologie développée dans le cadre de ce projet devrait permettre de mettre au point, dans un futur pas si éloigné, des avions électriques hybrides, et ce grâce aux progrès technologiques récemment enregistrés dans le domaine des batteries.

L’apport le plus visible de Solar Impulse devrait donc se faire dans le domaine de l’électricité domestique, sachant que n’importe quel avion ou voiture electrique sera « propre » si la source de son énergie l’est aussi. Solar Impulse aura en effet permis de mieux faire connaître les possibilités de l’énergie solaire, ce qui devrait amener les gens à envisager un usage plus conséquent de cette énergie.

Et l’annonce par Tesla du tout prochain lancement de sa batterie rechargeable Powerwall – qui se recharge en utilisant l’électricité produite par des panneaux solaires et fonctionne le soir ou quand la luminosité décline – pourrait bien changer radicalement notre usage personnel et commercial de l’électricité.

Elon Musk, le patron de Tesla, présentant la batterie Powerwall (Youtube, 2015).

L’esprit pionnier de Borschberg et Piccard influencera certainement les avions électriques ou la consommation d’énergie solaire à venir. Mais son influence la plus profonde réside peut-être dans la trace qu’il laissera dans l’esprit des jeunes gens. Le monde a en effet un besoin vital d’ingénieurs et de scientifiques, et un projet comme Solar Impulse montre à quel point la science et l’ingénierie peuvent être excitantes.

De la même manière que l’iPad et le Siri d’Apple constituent une survivance de l’héritage de Star Trek, les avions dans lesquels nous embarqueront dans 40 à 50 ans plongeront sans doute leurs racines dans des projets comme Solar Impulse.

This article was originally published in English

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