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L’Anthropocène et l’échelle des temps géologiques

Globe au paléozoïque. Museum of the Rockies, Bozeman, Montana. Tim Evanson/Flickr, CC BY-SA

La géologie est une discipline dans laquelle le temps joue un rôle fondamental. Il en est une colonne vertébrale. Comme, de plus, il couvre une durée de plus de 4 milliards d’années, il est nécessaire de le découper en tranches. Ces tranches sont plus ou moins épaisses (ères, périodes, époques…) et toutes servent à établir des corrélations entre des terrains parfois éloignés.

Depuis que la vie s’est répandue en abondance sur Terre, il y a 550 millions d’années, les ères, les systèmes et les étages sont distingués sur la base de leur contenu en fossiles, et généralement séparés par une grande crise du monde vivant.

Ainsi l’ère paléozoïque est séparée de l’ère mésozoïque par la plus grande crise que le monde vivant ait connu (96 % des espèces sont alors éradiquées) et certains organismes emblématiques disparaissent à jamais telles les trilobites, ou certains groupes du microfossiles comme les Fusulines…

Trilobites Selenopeltis buchii, fossiles provenant du Maroc. Kevin Walsh/Wikimedia, CC BY

L’ère mésozoïque est aussi séparée de l’ère cénozoïque par une autre grande crise biologique majeure qui voit la disparition de dinosaures non-aviens, des ammonites… Toutes ces crises du monde vivant sont associées à de profonds bouleversements de l’environnement (variation du niveau des mers de 100 à 200 m, changement du contenu de l’atmosphère en CO2 et SO2, refroidissement ou réchauffement…). Les subdivisions plus fines de l’échelle des temps (étages) sont basées sur des principes identiques, mais généralement de moindre importance.

Subdivisions

L’établissement des différentes subdivisions et leur définition répondent donc à des méthodes et normes très précises. Elles sont gérées par des commissions de l’IUGS (International Union of Geological Sciences), dont l’un des objectifs est d’établir des standards afin que la communauté mondiale utilise des mots qui ont la même acception partout.

Les subdivisions de l’échelle des temps géologiques font partie de ces standards. La proposition de chaque nouvelle subdivision est instruite par un groupe de travail, qui la soumet à une sous-commission, puis à une commission et enfin au comité exécutif avant d’être ratifiée et finalement introduite dans l’échelle des temps.

Procédure suivie pour modifier un nom ou un âge ou pour introduire/supprimer une subdivision, à parti d’un groupe de travail. Pour la question de l’Anthropocène, le chemin devrait être : du Groupe de travail (existant), soumission à la sous-commission du Quaternaire (non effectuée), commission de stratigraphie, etc. IUGS, Author provided

La procédure est longue, et suivie avec la même rigueur que celle utilisée par les États pour modifier une Loi.

Prenons l’exemple du Quaternaire. Cette subdivision de l’échelle des temps, proposée en 1829 par Jules Desnoyers, a mis quelques décennies à s’imposer (le géologue britannique Lyell par exemple ne l’a jamais accepté). En 1982, après une décennie de discussion entre spécialistes, la sous-commission du Quaternaire décide de poser officiellement le problème de sa limite inférieure lors d’un congrès à Moscou. En 1995, l’américain William Berggren propose l’abandon du terme. Cela a été effectué en 2004 : il ne figure plus sur l’échelle internationale des temps géologiques du Congrès géologique international à Florence.

Quatre ans plus tard, le sujet est néanmoins repris et le mot Quaternaire est ré-introduit dans l’échelle internationale des temps, mais en tant que système cette fois, non plus en tant qu’ère. Il figure de nouveau sur l’échelle lors du congrès géologique suivant, à Oslo, en 2008. Néanmoins son cas n’est pas encore fixé car alors la limite inférieure reste sujette de débats, et sa limite n’est pas fixée, soit à 2,588 millions d’années, soit à 1,806 millions d’années, selon que l’étage Gélasien en fasse partie ou non. La décision finale sera prise en 2009 (Gibbard et Head, 2009). Entre 1982 et 2009, 27 ans auront été nécessaires pour que la communauté se mette d’accord sur ce standard international.

Un dossier respectant des critères précis peut donc être présenté à la commission ad hoc. Parmi les critères, certains sont géologiques (continuité sédimentaire, taux de sédimentation, etc.), d’autres sont bio-stratigraphiques (forte modification de la faune pendant une durée importante pour des fossiles abondants et diversifiés…), d’autres encore sont physico-chimiques (isotopiques, magnétiques…). Mais surtout, il faut des critères à la fois globaux et synchrones. Le synchronisme est capital car le repère sert, d’abord, à dater. Nous étudierons cette question dans un deuxième article, à paraître demain.

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