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Le coton génétiquement modifié a profité à l’Inde

Moissonnage industriel d'un champ de coton Casadaphoto, CC BY-SA

Le coton, matière première agricole non alimentaire, est fort consommateur d’eau et de produits chimiques. En effet, sa production dépend de la vigueur de la plante et de l’intégrité du fruit : une capsule où se forment les graines qui sont récoltées avec leurs excroissances de fibres de cellulose.

Larves du ver du cotonnier Spodoptera litura. Amy Carmichael, Queensland University of Technology/Wikipedia, CC BY

De nombreux insectes se nourrissent du cotonnier mais les ravageurs les plus importants sont des lépidoptères comme le ver du cotonnier Spodoptera litura qui attaque les feuilles et les fruits et la noctuelle de la tomate Helicoverpa armigera ou le ver rose du cotonnier Pectinophora gossypiella dont les chenilles perforent les fruits.

Aussi, il y a une trentaine d’années, cette culture était la plus grosse consommatrice d’insecticides : 25 % de la production mondiale de matières actives alors que le cotonnier, avec 34 millions d’hectares (ha) en 1992-1993 n’occupait que 2,5 % environ des surfaces cultivées.

Insectes résistants, producteurs au bord du gouffre

Les applications de fortes doses d’insecticides hautement toxiques n’ont pas suffi à obtenir des récoltes correctes : de lourdes infestations d’insectes nuisibles ont fait baisser les rendements mondiaux. Des précipitations irrégulières ont aggravé le problème. Les conséquences ont été dramatiques, notamment en Inde : les cultivateurs de cotonnier extrêmement endettés des États d’Andra Pradesh et du Warangal sont victimes en 1997 et 1998, d’une vague tragique de suicides, respectivement 400 et 600 morts.

Les insecticides érodent la marge des producteurs, les ravageurs sont devenus résistants aux traitements, alors que leurs prédateurs naturels insectes continuent d’être éliminés, privant même les fermiers d’un certain niveau de contrôle biologique naturel. Alors que les cotonniers transgéniques Bt ne sont pas encore cultivés, certains anticipent déjà la campagne médiatique qui attribuera les suicides ultérieurs des paysans indiens à la culture des OGM, campagne menée en particulier par Vandana Shiva, opposante charismatique aux technologies.

Cotonniers transgéniques

La bactérie du sol Bacillus thuringiensis fut découverte au début du XXe siècle suite à des ravages qu’elle produisit dans des élevages de ver à soie au Japon. Il existe de nombreuses souches qui produisent différentes protéines (protéines Bt), toxiques spécifiquement pour des lépidoptères, d’autres pour des coléoptères, d’autres pour des diptères. Des préparations de spores obtenues par culture de ces bactéries et riches en protéines Bt sont commercialisées et utilisées en lutte biologique contre les chenilles depuis les années 1960.

La modification génétique du coton a consisté en l’insertion dans le génome des cotonniers des gènes responsables de la production des protéines Bt. Ils ont été cultivés en Inde pour la première fois en 2002, sur une surface réduite de 50 000 ha, alors que la surface totale dévolue à cette culture était de 8,4 millions d’ha. La culture des cotonniers Bt progressa très rapidement : 100 000 ha en 2003, 500 000 en 2004, 1,3 million en 2005, 3,8 millions en 2006, 6,5 millions en 2007…

En 2011-2012, 7,2 millions de fermiers cultivaient des cotonniers Bt sur 91 % de la surface totale de 12,2 millions d’ha. Le taux d’adoption était de 96 % en 2016. Les autres grands pays producteurs de coton ont également choisi le coton génétiquement modifié, avec 95 % des surfaces en Chine ; 97 % au Pakistan ; 93 % aux États-Unis en variétés Bt en 2016. La proportion mondiale dépasse les 60 %.

Plus d’OGM, moins de pesticides

L’introduction du cotonnier Bt a conduit à une progression simultanée de l’utilisation des variétés hybrides, elles-mêmes améliorées pour le rendement et dans lesquelles les gènes Bt furent introduits. Depuis 2002, 1 128 variétés hybrides de cotonnier Bt ont été développées par 49 compagnies privées, essentiellement indiennes. En conséquence la production nationale qui était de 1,6 Mt en 2002 sur 8,4 M ha avec un rendement moyen de 190 kg/ha, est passée à 4,9 Mt en 2009 sur 9,4 M ha et était de 5,7 Mt en 2016 sur 11,2 M ha soit un rendement moyen de 509 kg/ha, en deçà du rendement moyen mondial qui est de 715 kg/ha. L’huile de coton extraite des graines devient de ce fait une production relativement importante pour le pays, passant de 0,46 M tonnes en 2002 à 1,5 Mt en 2016, soit près de 20 % de la production oléagineuse nationale qui est de de 8 Mt, toutes espèces confondues.

Si les surfaces nationales ont augmenté, la surface exploitée par chaque agriculteur est restée faible : en 2009, 2,64 ha en moyenne pour Le Penjab, avec un rendement de 564 kg/ha et 0,52 ha pour le Tamil Nadu, avec un rendement de 780 kg/ha. La moyenne nationale est de 1,5 ha. Ces faibles surfaces individuelles expliquent que la production nationale repose sur près de 8 millions de fermiers.

Récolte manuelle du coton en Inde dans l'État d'Andhra Pradesh. Claude Renault/Wikimedia, CC BY

À mesure que les surfaces en cotonnier Bt ont progressé pour se généraliser, l’utilisation d’insecticides a suivi un chemin inverse : de 1,54 kg/ha en 2002, elle n’était plus que de 0,53 kg/ha en 2006, pour remonter depuis à 0,99 kg/ha en 2013 avec la recrudescence d'autres familles d'insectes comme les aleurodes, les cicadelles (jassid du coton) et les thrips, insensibles à la protéine Bt, et dans le même temps soumis à une moindre pression des insecticides. Certains pays, moins soumis aux attaques des insectes ravageurs, n’ont pas de raisons d’utiliser pour le moment des variétés de cotonnier Bt.

Bien que les cultures génétiquement modifiées aient fait l’objet d’un débat, l’introduction des variétés Bt en Inde, a contribué à faire évoluer les pratiques et les technologies, a permis de multiplier par plus de 3,5 la production entre 2002 et 2016. Importateur depuis 1998, le pays devient exportateur net à partir de 2005 et exporte 1,9 Mt en 2011. Selon les projections de la FAO les rendements devraient progresser de 1,6 % par an jusqu’en 2025 et la superficie consacrée à cette culture augmenter encore. L’Inde s’arroge désormais la plus grande part des gains attendus jusqu’en 2025 de la production mondiale de coton : alors en première place, elle devrait fournir à elle seule et avec 8,2 Mt, 30 % de cette production.

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