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Pour qu’une entreprise fasse bon usage du Design Thinking, elle doit tout d’abord faire preuve de bon sens en déterminant des objectifs clairs et des cibles précises. Shutterstock

Le design thinking est-il pour votre entreprise?

Le design thinking, c’est la recette du jour en matière d’innovation. C’est pour certains le chemin d’une transformation radicale de la pensée et la clef d’un changement révolutionnaire. Pour d’autres, ce n’est qu’un fouillis pour milléniaux qui recouvrent les murs d’autocollants tout en jouant au Nerf et au Lego. D’autres encore y voient une mode passagère ayant échoué.

Mode ou pas, le design thinking, qui consiste à résoudre des problèmes de façon créative, a été adopté par des gouvernements, des compagnies de technologie, des fabricants de produits de consommation et des organisations œuvrant dans le domaine de la santé et bien d’autres encore. Dans mon livre, Design Thinking at Work: How Innovative Organizations Are Embracing Design, j’ai interviewé des dirigeants de grandes organisations qui l’ont utilisé.

Je cherchais à comprendre pourquoi elles avaient adopté cette approche de l’innovation et quelle avait été leur expérience.

J’ai entendu le narratif habituel sur ses avantages - comment cette approche fluide et itérative (soit l'action de répéter un processus) leur avait donné de nouvelles perspectives et fait découvrir des opportunités cachées. Mais j’ai également entendu parler des obstacles réels qui nuisent à la réussite de cette approche.

Les organisations qui ont adopté le design thinking l’ont fait pour de multiples raisons, et pas seulement pour mieux innover. Certains programmes ont été implantés parce que de précédents projets avaient échoué. D’autres étaient issus de la frustration éprouvée par la haute direction face à une organisation lente et bureaucratique. D’autres encore cherchaient à améliorer leur service à la clientèle, à encourager l’esprit de collaboration, ou encore à attirer et retenir le talent. Et d’autres poursuivaient tous ces objectifs, et davantage encore.

Pour combler le fossé culturel

Dans le cas d’un grand hôpital, le contraste était flagrant entre l’équipe du design thinking et les autres membres de l’organisation.

Au sein de la culture scientifique professionnelle, leur tenue décontractée tranchait avec celle, plus conventionnelle, du personnel médical. Leur vocabulaire même était différent: pour un designer, le terme « expérimentation » voulait simplement dire qu’on essayait quelque chose, alors que pour un médecin, le même mot revêtait la mise en place d’un processus formel comprenant groupes de contrôle placebo et protocoles formels.

Ces différences illustrent un fossé culturel, lequel peut nuire à la capacité d’innover de l’équipe. Comme me l’a confié un designer en chef:

« Quand tu arrives à la clinique un lundi matin pour mener une expérience, le personnel ne veut même pas te parler, ils ne savent pas pourquoi tu es là, et ils ne vont pas réellement te faire confiance. »

Sous la pression de démontrer ce qu’elles savaient faire, les équipes de design se sont pliées en quatre afin de communiquer avec le reste de l’organisation et construire leur légitimité.

Dans bien des cas, cela voulait dire travailler sur des petits projets pour démontrer leur savoir. Cependant, ces changements graduels se sont vite avérés accablants. Selon le chef de projet d’une multinationale pharmaceutique:

« L’équipe d’innovation passait beaucoup de temps à courir à droite et à gauche dans l’entreprise. On passait plus de temps sur des questions de structure organisationnelle et de répartition des responsabilités plutôt que de faire la démonstration du potentiel de l’approche de design thinking. »

Certaines organisations ont résolu le problème en mettant en place des laboratoires indépendants à distance de leur quartier général. Mais il y a un risque à cela, celui de s’isoler de la maison mère, et, chez un gros détaillant, d’y avoir été perçu comme une une bande de « cowboys cinglés » et non comme des vecteurs d’innovation.

Certains projets n’ont jamais décollé

De nombreuses innovations au potentiel prometteur n’ont pas pu décoller du fait que certains départements à l’interne étaient soit peu coopératifs, ou incapables de les mettre en oeuvre.

D’une certaine façon, ce n’est pas surprenant. En général, les organisations ne sont pas programmées pour accepter les interrogations fondamentales soulevées par ceux qui pratiquent le design thinking. Pour un laboratoire gouvernemental danois, il a été essentiel de remettre en question la pensée organisationnelle:

« Dans quel cadre travaillons-nous? Quel est le niveau de compréhension du problème? D’où nous vient cette compréhension? Comment déduisons-nous que cette solution ou approche en apparence simple va fonctionner? »

Dans une culture organisationnelle où les employés sont constamment sous pression de résoudre des problèmes pour ensuite passer à autre chose, ce genre de questions sont perçues comme une distraction, voire une menace.

Comment le design thinking peut-il fonctionner?

Il est cependant possible pour une entreprise d’adopter avec succès le design thinking. Elles peuvent utiliser cette approche pour véhiculer un changement culturel et une collaboration créative au sein de l’entreprise, que ce soit pour une innovation de rupture ou une innovation incrémentielle. Il s'agit d'une sauvegarde dans laquelle des copies successives des données ne contiennent que la partie qui a été modifiée depuis la création de la copie de sauvegarde précédente.

Le design thinking n’est pas un remède miracle pour toutes les entreprises, mais sous certaines conditions, il peut créer beaucoup de valeur. Shutterstock

Mais il est peu probable qu’une entreprise puisse mener à bien tous ces objectifs à la fois. Il y a plusieurs manières d’implanter l’approche du design thinking - centralisée ou distribuée par exemple - et la direction à privilégier dans l’entreprise dépend de ses objectifs.

L’approche est-t-elle valable pour toute organisation?

Si la culture d’entreprise est entièrement centrée sur l’efficacité, le mariage peut s’avérer difficile. Les aspects brouillons et itératifs de design thinking pourrait désarçonner une organisation qui repose sur les aspects répétitifs d’un processus.

Il existe cependant des alternatives valables à une implantation à l’interne: beaucoup de consultants se servent du design thinking pour résoudre des problèmes, et beaucoup de firmes de design proposent d’excellentes solutions en innovation.

En passant, le gouvernement danois a fermé son laboratoire en 2018. Ses fondateurs voulaient bouleverser la bureaucratie, mais leur impact a été difficile à évaluer.

En fin de compte, ce projet a été remplacé par un projet centré sur la technologie numérique. Beaucoup, moi y compris, ont ressenti son abandon comme un choc. Car nous croyons au design thinking.

Il n’est ni un remède universel, pas plus qu’une mode passagère: dans de bonnes conditions, c’est un outil de grande valeur.

Mais pour que les entreprises s’en servent avec succès, elles doivent faire preuve de bon sens en exprimant clairement leurs objectifs et en opérant des choix réalistes. Ce concept n’est ni transformateur ni révolutionnaire. Malheureusement, le bon sens dans le monde des affaires n’est pas toujours si fréquent.

This article was originally published in English

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