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Le guide de régulation de la « guerre spatiale », un outil indispensable pour la sécurité mondiale

En cas de guerre spatiale, bon nombre des infrastructures dont nous profitons seraient menacées. Marc Ward/Shutterstock

Évoquer la menace d’une « guerre spatiale » fait immanquablement penser à de la science-fiction, mais c’est pourtant un sujet des plus sérieux. Une telle guerre aurait en effet des effets dévastateurs aussi bien pour l’ensemble des habitants de la planète Terre que pour l’exploration spatiale.

Aujourd’hui, il existe bien des lois destinées à l’éventualité d’une guerre spatiale, mais on ne sait pas, concrètement, comment celles-ci pourraient s’appliquer.

C’est pourquoi, avec nos collègues du monde entier – des experts australiens, canadiens, américains, russes et chinois – nous menons un programme de recherche sur plusieurs années, afin de rédiger un guide sur l’application de la loi en cas d’intervention militaire dans l’espace.

Ce guide de droit international, applicable à l’usage militaire de l’espace extra-atmosphérique en cas de tensions ou d’hostilités (MILAMOS), est un manuel qui aidera à renforcer la transparence et la confiance entre les puissances spatiales.

En principe, il devrait réduire le risque qu’une guerre dans l’espace se produise, ou, si jamais elle se produisait, réduire son impact sur les infrastructures spatiales dont nous sommes tous devenus très dépendants.

Les satellites dont nous dépendons

Nous utilisons les signaux GPS pour de nombreuses activités, notamment la navigation, la communication, la banque, l’agriculture, les voyages et Internet. On estime que 6 à 7 % du PIB des pays occidentaux dépend aujourd’hui de la navigation par satellite.

Les satellites de télécommunication permettent certes de diffuser les programmes de télévision, mais ils sont utiles à de nombreux autres réseaux terrestres. Dans les régions reculées du monde, ils sont parfois le seul moyen de communication disponible.

Dans un avenir proche, les satellites de télécommunications pourraient bien fournir au monde entier un accès Internet à haut débit. Ils nous permettent aussi d’obtenir des prévisions météorologiques et d’améliorer la production agricole. Ils nous aident à organiser les secours en cas de catastrophe, à trouver et exploiter les ressources naturelles, à surveiller l’état de l’environnement et ont encore bien d’autres applications.

Il faut s’attendre à une guerre spatiale

Dans le monde militaire aussi, les satellites sont devenus incontournables. En juin de cette année, la secrétaire américaine des Forces aériennes Heather Wilson a déclaré qu’une guerre spatiale était une éventualité à prendre en compte, ajoutant que les États-Unis investissaient massivement dans le maintien de leur suprématie militaire dans l’espace. Elle a déclaré :

« Nous devons nous attendre à ce que toute guerre s’étende dans l’espace à l’avenir ; il nous faut changer notre façon de penser et nous préparer à cette éventualité. »

La première guerre du Golfe, en 1991, a souvent été qualifiée de première guerre spatiale, même si elle n’a pas réellement eu lieu dans l’espace. Mais au cours de ce conflit, les États-Unis et les forces de la coalition se sont beaucoup appuyés sur la technologie GPS et sur d’autres technologies satellitaires contre l’armée de Saddam Hussein. Depuis lors, les ressources spatiales se sont encore développées, offrant de nouvelles capacités aux forces terrestres, navales et aériennes.

Compte tenu de l’usage dual (militaire et civil) de nombreux satellites, un conflit armé dans l’espace pourrait se révéler catastrophique dans le monde actuel.

Traité sur l’usage des armes dans l’espace

Il n’existe que cinq traités mondiaux qui soient spécifiques à l’espace. Le principal est le Traité de 1967 sur l’espace extra-atmosphérique, mais une seule de ses dispositions (article IV) mentionne directement l’activité militaire, en interdisant de disposer des armes de destruction massive dans l’espace.

D’autres moyens et méthodes visant à provoquer des destructions ou des interférences par le biais d’un satellite ne sont pas interdits, bien que des domaines du droit réglementent leur utilisation, comme les lois sur les conflits armés.

Parmi eux figurent les missiles anti-satellite, les armes à énergie dirigée (y compris les lasers), la guerre électronique (exploitation des émissions radioélectriques d’un adversaire), la cyberguerre et certaines technologies à usage dual, tels que les infrastructures en orbite destinées à la maintenance des satellites.

Un effort commun

Le projet MILAMOS est conduit par trois universités : Adélaïde en Australie, McGill au Canada et Exeter au Royaume-Uni. Il bénéficie d’un financement de la part des gouvernements australien et canadien, ainsi que de donateurs privés. Ce projet s’appuie sur l’expertise du Comité international de la Croix-Rouge, de l’Union of Concerned Scientists et des puissances spatiales majeures, principalement les États-Unis et la Russie, mais aussi la Chine et d’autres pays.

Les experts impliqués personnellement dans ce projet sont là pour fournir leur vision de la loi, et non pas pour définir ce que les États voudraient qu’elle soit.

Trouver une position consensuelle sur la loi, en dépit des positions personnelles fortement ancrées de chaque expert, est un véritable défi. C’est pourtant l’ambition de notre projet, à travers l’organisation de neuf ateliers de travail sur trois ans.

Les premières réunions ont eu lieu à Montréal, à Adélaïde, à New Delhi et à Colorado Springs.

Méfiez-vous du vide juridique

L’alternative à cette démarche, ce serait que les États négocient formellement de nouveaux instruments internationaux pour clarifier ou étendre la loi. Malheureusement, les tentatives récentes en ce sens n’ont pas rencontré un grand succès. Il y a donc un vide juridique que ce guide cherche à combler.

À cet égard, il est semblable à d’autres guides rédigés au cours des dernières années sur la loi applicable à la guerre dans d’autres espaces : maritime (Manuel San Remo), aérien (Manuel de Harvard) et cyber (Manuel de Tallinn).

Même si ces guides ne sont pas officiellement approuvés par les États, ils sont une référence essentielle pour ceux qui travaillent sur le terrain : militaires, avocats du gouvernement, conseillers politiques, médias, groupes de défense publique et autres organisations non gouvernementales.

La publication du guide est prévue pour 2020. Paradoxalement, les contributeurs du MILAMOS espèrent bien qu’il restera sur les étagères sans jamais avoir à être ouvert.

This article was originally published in English

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