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Documents nécessaires au vote pour le référendum sur la Constitution européenne du 29 mai 2005. MYCHELE DANIAU MYCHELE DANIAU/AFP

Le référendum, un outil à améliorer

Revendication phare des « gilets jaunes » et de nombreuses listes électorales, le référendum n’a pas vraiment bonne presse dans les cercles académiques.

Il revient pourtant régulièrement sur le devant de la scène, notamment en période de crise politique comme celle que doit affronter aujourd’hui l’exécutif français. Néanmoins, les élites politiques, tout comme de nombreux universitaires y restent souvent opposés, a fortiori depuis le Brexit. Or les résultats du vote référendaire sur le Brexit ne devrait avoir aucune influence sur la manière dont nous jugeons cet outil démocratique. De même, les élections de Donald Trump ou Jair Bolsonaro, par exemple, ne suffisent pas à conclure que l’élection est, en soi, un mécanisme démocratique intrinsèquement défaillant.

Ce qu’il convient d’étudier, plutôt que des cas particuliers, ce sont les caractéristiques du référendum qui en font un outil souhaitable ou indésirable. Or, celles-ci ne sont pas immuables. Il existe une très grande variété de procédures référendaires possibles, de l’initiative citoyenne à l’initiative gouvernementale en passant par les référendums abrogatoires (pour annuler une loi), révocatoires (pour révoquer un·e élu·e) ou encore constitutionnels.

De plus, ces différents types de référendum peuvent être organisés selon une pluralité de manières, en fonction de leur temporalité, du processus d’élaboration de la question, ou encore du cadrage du débat public, par exemple.

Prendre les critiques au sérieux

Ce qui compte, en particulier pour la qualité d’une procédure référendaire, c’est la mesure dans laquelle les citoyens, appelés à s’exprimer par le vote, sont informés des enjeux de la question posée (et exposés à des opinions diverses sur ce sujet). En d’autres termes, il s’agit de veiller à la qualité délibérative de la procédure. Car c’est sur ce point particulier que le référendum est le plus critiqué :

  • les électeurs ne répondent pas toujours à la question posée ;

  • le référendum force à un choix manichéen ;

  • les électeurs sont souvent insuffisamment informés à propos des enjeux ;

  • ils sont souvent insuffisamment exposés à des points de vue différents ;

  • ceux qui choisissent la question ont un pouvoir de manipulation important ;

  • les termes du débat sont fixés dès le départ et ne peuvent pas évoluer en fonction de l’évolution des discussions ;

  • enfin, le référendum a des effets clivants et difficilement réversibles.

Ces critiques étant toutes fondées, on aurait tort de voir dans le référendum un outil démocratique idéal, voire une panacée face à la crise des institutions représentatives traditionnelles.

Améliorer la procédure référendaire

Rien n’empêche néanmoins de réfléchir à des manières d’améliorer les procédures référendaires en tenant compte de ces critiques. En effet, les attentes des citoyens à l’égard de leurs institutions ont évolué. Beaucoup ne se satisfont plus d’une stricte division du travail entre représentants et représentés et aspirent à peser davantage sur les décisions collectives (ce qui n’est évidemment pas le cas de tous les citoyens). Dans cette perspective, le référendum peut apparaître comme un moyen d’assouvir une certaine soif de participation. Il peut en outre avoir pour fonction de réduire l’écart représentatif, c’est-à-dire l’écart entre ce que veut la majorité des citoyens et ce que décident leurs représentants.

Dès lors, si l’on croit que le référendum doit avoir une place même dans un cadre essentiellement représentatif, que peut-on imaginer pour répondre aux critiques mentionnées ci-dessus ?

Le fait que les électeurs ne répondent pas toujours à la question posée est essentiellement lié à l’initiative gouvernementale. Quand c’est le gouvernement en place qui lance une procédure référendaire, il est difficile d’éviter que celle-ci tourne au plébiscite – c’est-à-dire un vote d’approbation ou de désapprobation du gouvernement –, étant donné que les citoyens ont peu d’autres moyens d’exprimer leur insatisfaction de manière aussi forte. Avec l’initiative citoyenne, ce problème est bien moindre.

Pancarte Pour ou Contre : la démolition des logements sociaux, suite à un référendum d’initiative citoyenne (RIC) dans le quartier de l’Arlequin, à Grenoble, le 24 octobre 2019. Jean‑Pierre Clatot/AFP

Pour réduire le caractère manichéen, on peut imaginer des référendums à questions multiples comme cela a déjà été pratiqué en Suisse et en Suède notamment, en veillant alors à une méthode de vote appropriée pour faire face aux difficultés d’interprétation des résultats bien connues des théoriciens du choix social.

Pour améliorer le degré d’information des citoyens sur les enjeux de la question, un modèle très intéressant est à l’essai depuis plusieurs années en Oregon (comme dans d’autres États des États-Unis), ainsi qu’en Finlande et en Suisse. Il s’agit d’inviter un panel de citoyens tirés au sort à « préparer » le référendum, en se penchant sur la question, en délibérant, avant de transmettre à l’ensemble des électeurs un livret rassemblant les principaux arguments pour et contre la proposition considérée, afin d’exposer les électeurs à différents points de vue.

On pourrait également imaginer confier à ce « mini-public » tiré au sort la rédaction de la question (éventuellement en dialogue avec les initiateurs), afin de réduire les risques de manipulation partisane.

Le référendum d’initiative citoyenne en Suisse, un modèle à suivre ?

Quant au fait que les termes du débat sont souvent fixés d’emblée, une fois pour toutes, une alternative intéressante est le référendum itératif. Celui-ci pose une succession de questions à la population, à des moments distincts, en fonction de l’évolution du débat (la dernière question étant binaire et liante). Il semble d’ailleurs qu’une telle procédure, certes plus lente et coûteuse, soit susceptible d’accroître le degré d’information des citoyens.

Enfin, pour rendre la procédure référendaire moins clivante et moins irréversible, on pourrait imaginer que les citoyens soient invités à justifier leur vote, en sélectionnant une ou plusieurs justifications possibles parmi celles qui seraient proposées sur leur bulletin de vote.

De la sorte, le résultat brut du référendum (la proposition recevant le soutien majoritaire) serait accompagné d’une information plus fine sur les motivations des citoyens. Cela permettrait de réinterpréter, à un stade ultérieur, la validité de la décision collective à la lumière de ses justifications (sont-elles encore valables aujourd’hui ?). Enfin, on pourrait imaginer que les pouvoirs publics s’inspirent des motivations exprimées par la minorité défaite pour adapter le projet.

Si une majorité se prononçait, par exemple, en faveur de l’instauration d’un revenu de base inconditionnel mais que la minorité défaite exprimait une forte préoccupation pour les effets d’une telle mesure sur le taux d’emploi des femmes, le gouvernement pourrait envisager des mesures additionnelles veillant à éviter un décrochage massif des femmes par rapport à l’emploi.

Libérer l’imagination

On le voit, le référendum n’est pas une forme monolithique. S’il n’est certainement pas la réponse à tous les maux démocratiques de notre époque, on aurait tort de le juger définitivement avant d’avoir poussé plus loin l’expérimentation démocratique.

En étant à l’écoute critique des pratiques diverses aux quatre coins du monde et en libérant notre imagination, nous pourrions enrichir nos démocraties d’un outil potentiellement intéressant en raison de son caractère très inclusif (tout le monde est invité à prendre part à la décision) et de la forte légitimité qu’il est susceptible de générer.

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