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Les drones ont changé la façon dont les scientifiques étudient les baleines et les dauphins. Pour le meilleur et pour le pire. Shutterstock

Les drones sont utiles pour les scientifiques, mais dérangent les baleines

Les drones ont changé la façon dont les scientifiques étudient les baleines et les dauphins. Auparavant limités aux ponts des bateaux et aux plates-formes d’observation, nous ne pouvions qu’apercevoir le dos des animaux qui remontaient à la surface. Le fait d’avoir une vue aérienne des baleines et des dauphins nous en a déjà appris beaucoup sur leur physiologie et leurs comportements.

Le recours aux drones dans la recherche marine comprend toutefois un aspect négatif.


Cet article fait partie de notre série Le Saint-Laurent en profondeur


Ne manquez pas les nouveaux articles sur ce fleuve mythique, d’une remarquable beauté. Nos experts se penchent sur sa faune, sa flore, son histoire et les enjeux auxquels il fait face. Cette série vous est proposée par La Conversation.


Mes recherches doctorales portent sur le comportement des bélugas dans l’estuaire du Saint-Laurent. J’ai des centaines d’heures à mon actif comme pilote de drone, à survoler ces étonnants animaux en voie de disparition. Pour ma recherche doctorale à l’Université de Windsor, j’utilise des images de bélugas prises par des drones pour mieux cerner leurs comportements et leur structure sociale, notamment les différences entre mâles et femelles.

Observation des comportements

En menant mes recherches avec des drones, j’ai rapidement remarqué que ceux-ci paraissaient déranger les bélugas. D’autres collègues ont observé qu’il arrivait que la plupart des animaux qui se trouvaient sous un drone plongeaient soudainement, avec beaucoup d’éclaboussures. Ces réactions semblaient particulièrement fréquentes lorsque le drone volait à basse altitude, à environ 20 mètres au-dessus de l’eau.

Nous craignions que cette perturbation n’affecte notre capacité à étudier les baleines et, pire encore, qu’elle n’ait un impact sur ces mammifères.

Nous avons entrepris une étude de nos observations dont les résultats ont été publiés dans la revue Marine Mammal Science. Nous avons examiné si une série de variables relatives au pilotage du drone avait une incidence sur la probabilité que les bélugas réagissent au drone.

Nous avons prédit que les réactions au drone augmenteraient à faible altitude, lorsque la vitesse du drone est élevée (ce qui augmente le bruit des rotors), lorsque le drone s’approche des baleines de face, lorsque la vitesse du vent est faible (ce qui rend le bruit plus audible) et lors du premier vol de la journée.

Nous avons également examiné les variables relatives aux baleines observées et avons prédit que les perturbations causées par les drones augmenteraient lorsque les baleines sont en petits groupes, que des baleineaux sont présents et quand elles se reposent.

Altitude des drones

Nous avons constaté que les plongées soudaines sont relativement rares, ne se produisant que pour environ 4 % des observations. Cependant, leur fréquence semble augmenter lorsque le drone vole à basse altitude. Les plongées soudaines sont particulièrement fréquentes lorsque le drone se trouve à moins de 23 mètres d’altitude. Cette observation est logique, le drone étant beaucoup plus visible lorsqu’il vole directement au-dessus de nos têtes que s’il est à 100 mètres d’altitude.

Nous avons également constaté que les plongées soudaines paraissent plus fréquentes lorsque les drones survolent de grands groupes. Nous ne nous y attendions pas, car des études antérieures sur les dauphins avaient indiqué que les petits groupes étaient plus facilement dérangés.

Cependant, une étude récente sur l’impact des drones sur les dauphins à gros nez a révélé la même tendance à une hausse des perturbations en fonction de la taille du groupe. Les auteurs ont suggéré que c’était dû à l’effet « yeux multiples » (many eyes), les grands groupes étant plus vigilants parce qu’il y a davantage d’animaux à l’affût des menaces.

Nous avons également constaté que les plongées soudaines se produisent souvent lorsque le drone s’approche pour la première fois des baleines. Cela laisse supposer que les baleines sont davantage effrayées par le premier passage d’un drone.

Les drones ont permis aux scientifiques d’en savoir plus sur les mammifères marins. (Jaclyn Aubin / GREMM), Author provided

Effet de l’observateur

Nous avons également effectué une recension de la littérature sur les incidences de l’altitude des drones sur d’autres espèces de baleines et de dauphins. Nous avons constaté que les perturbations causées par les drones se produisaient rarement lorsque celui-ci volait à plus de 30 mètres d’altitude.

Il est intéressant de noter que les effets dérangeants des drones étaient davantage signalés lorsque les auteurs incluaient des descriptions détaillées de la manière dont ceux-ci étaient évalués et mesurés, ce qui laisse penser que ces perturbations peuvent passer inaperçues lorsque les scientifiques ne s’y attardent pas.

Nous avons également observé que la plupart des études sur l’incidence des drones sur les baleines et les dauphins avaient eu recours à de petits drones (moins de cinq kilogrammes), beaucoup plus discrets que les grands modèles de drones de plus de 10 kilogrammes dont on se sert souvent dans les programmes de recherche modernes.

Images prises par drone de bélugas pourchassant un poisson.

Recommandations

Nos résultats nous ont amenés à formuler sept recommandations pour les études futures menées avec des drones sur les baleines et les dauphins :

  1. L’observation de bélugas par drone devrait se faire à une altitude d’au moins 25 mètres.

  2. Les scientifiques qui utilisent des drones pour étudier les baleines et les dauphins devraient évaluer les bienfaits pour l’environnement des vols à basse altitude en comparaison avec les perturbations qu’ils peuvent causer.

  3. Les pilotes devraient être particulièrement prudents lorsque leur drone survole un grand groupe.

  4. Les pilotes devraient être particulièrement prudents lors de la première approche d’un groupe.

  5. Les pilotes qui utilisent des drones de grande taille (plus de 10 kilogrammes) devraient être très attentifs aux perturbations qu’ils peuvent causer et devraient rapporter les effets des drones de grande taille sur les baleines et les dauphins.

  6. Les futures études sur les drones devraient indiquer clairement les comportements perturbateurs observés.

  7. Par mesure de précaution, les pilotes de drones devraient éviter les accélérations soudaines, ne pas s’approcher des animaux de face et être particulièrement prudents par vent faible.

En limitant les perturbations causées par la recherche sur les baleines et les dauphins, nous pouvons contribuer à la protection de ces animaux étonnants.

This article was originally published in English

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