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L’impact de la norme comptable IFRS 13 sur les décisions des investisseurs

L’adoption de la norme IFRS 13 entraîne l’obligation de présenter des items d’informations sur lesquels les entreprises doivent communiquer. Visualhunt

Les normes IFRS (International financial reporting standards), qui visent à standardiser la présentation des données comptables au niveau international, sont entrées en vigueur en 2005. Par leur conception et leur implémentation, les régulateurs visent trois objectifs clés : réduire l’asymétrie d’informations entre les investisseurs et les dirigeants afin de limiter la comptabilité d’intention de la part de ces derniers ; assurer l’égalité entre les différents investisseurs ; et permettre la comparabilité entre les sociétés.

Le souhait principal des normalisateurs était de tendre vers l’efficience des marchés en améliorant la qualité de l’information financière. C’est dans cette perspective que le concept de « juste valeur » (ou fair value) est devenu constitutif des normes IFRS. Ceci étant, ce processus de normalisation en juste valeur n’est pas exempt de défauts et de nombreux débats ont porté sur ce modèle d’évaluation.

Les critiques de cette évaluation, ainsi que la crise financière de 2008 qui ont ébranlé la confiance des investisseurs, ont incité l’IASB (International Accounting Standards Board), l’organisme à l’origine des normes IFRS, à instaurer en mars 2009 un amendement à la norme IFRS 7 (financial instruments disclosures) pour mettre en place la norme IFRS 13 (fair value measurement).

Faciliter la vérification

La norme IFRS 13 a été rendue obligatoire au niveau européen pour les sociétés cotées depuis le 1er janvier 2013, avec une application anticipée possible. Cette norme est la première norme IFRS qui établit un cadre uniforme de travail pour la détermination de la juste valeur. Elle oblige les entreprises à une diffusion d’informations supplémentaires.

L’adoption de la norme IFRS 13 entraîne l’obligation de présenter des informations relatives aux méthodes de valorisation des actifs du groupe (taux de rendement, taux d’actualisation, etc.), ainsi que d’intégrer le risque de contrepartie des dérivés et instruments financiers. Nous pouvons parler d’items d’informations sur lesquels les entreprises doivent communiquer. Il s’agit d’améliorer la pertinence et la fiabilité des états financiers en facilitant la vérification de la crédibilité des données de modèles. Cette mesure consiste en une classification de la qualité de l’information en trois niveaux, des données les plus observables au moins observables.

L’investisseur, destinataire privilégié de l’information financière

La mise en place de la norme IFRS 13 offre une excellente opportunité d’étude de la réaction des investisseurs mais aussi des dirigeants des entreprises à une exigence de communication de l’information en juste valeur. En effet, celle-ci comporte, avec la notion de hiérarchie de la juste valeur, une innovation comptable majeure. Il importe donc d’évaluer son impact sur la qualité de l’information du point de vue des investisseurs. D’un côté, elle réduit l’incertitude sur les méthodes utilisées pour rendre compte de la juste valeur dans une perspective qui devrait correspondre aux attentes des investisseurs et, d’un autre côté, elle introduit de nouvelles complexités qui pourraient annihiler l’effectivité des informations apportées, voire susciter une méfiance relative des investisseurs à un risque accru de manipulations comptables.

L’investisseur, et tout particulièrement l’actionnaire, dispose d’un droit à l’information, en raison du risque qu’il prend en apportant son capital à l’entreprise. De plus, l’information est une ressource fondamentale pour le fonctionnement des transactions et des marchés, et elle est au centre des principales théories comptables et financières (Théorie de l’agence développée par Jensen et Meckling, et Théorie positive de la comptabilité développée par Watts et Zimmermann).

L’information financière et comptable au sens des normalisateurs comptables se doit d’être utile pour les investisseurs, principaux destinataires des états financiers, et c’est dans ce contexte que se place le référentiel IFRS. Celle-ci a pour objectif de leur permettre de juger de la manière la plus pertinente possible, de la qualité de la gestion et des perspectives de résultat d’une société. Le destinataire privilégié de l’information financière et comptable étant donc l’investisseur, il nous est paru intéressant d’analyser la corrélation entre la demande d’informations des investisseurs et l’offre d’informations de la part des entreprises.

Trois types d’informations essentielles

Nous devons au préalable nous poser la question suivante : quels sont les besoins en informations financières et comptables des investisseurs ? C’est l’analyste financier qui orientent les investisseurs vers l’achat ou la vente de titres financiers. Le besoin en information financière et comptable peut diverger selon le type de marché ou secteur dans lequel l’analyste financier se trouve, mais il existe trois catégories d’informations qui intéressent nécessairement les analystes financiers dans leur prise de décision : les informations actuelles (dividendes, EBIT, et le cash-flow) ; les informations analytiques (croissance du résultat, ROE, bénéfice par action) ; et enfin les informations prédictives (prévisions du résultat, prévision du cash-flow et du chiffre d’affaires). Est-ce que l’information financière et comptable supplémentaire communiquée dans le cadre de la norme IFRS 13 va contribuer à améliorer la qualité de l’information globale du point de vue des investisseurs ?

Il est important de noter que la définition même de la qualité n’est pas explicite dans la normalisation comptable française, aussi la définition de la qualité se fait au travers de sa mesure. Une des mesures de la qualité de l’information financière est sa contribution dans la prise de décision des investisseurs. L’information disponible a-t-elle permis à l’investisseur d’anticiper correctement l’évolution de l’entreprise ? Notre étude, à paraître en 2019, se place dans ce cadre.

Rendements anormaux

D’un point de vue méthodologique, nous avons retenu le portefeuille des sociétés qui composent l’indice Eurostoxx 600. Nous cherchons à déterminer s’il y a une réaction des marchés à la publication des premiers rapports comptables des entreprises après la mise en place de la norme IFRS 13. Une réaction positive démontrerait l’impact positif de la norme sur la qualité de l’information fournie.

Il se trouve que l’application de la norme IFRS 13 a été disparate selon les sociétés. Une étude réalisée par le cabinet Mazars en 2013 avait d’ailleurs déjà permis cette observation. En effet, par la lecture des documents de référence des sociétés, il apparaît que chacune des sociétés communique différemment en ce qui concerne les items d’informations à renseigner.

Cette application disparate nous a permis d’isoler l’effet de la norme IFRS 13 pour expliquer nos résultats. Notre étude a conduit à observer des rendements anormaux, ce qui signifie qu’il y a bien une réaction des marchés suite à l’application de cette norme. Or, tous les rendements anormaux observés ne sont pas justifiés par l’application des items de la norme.

Nous pouvons donc conclure que ce n’est pas l’ensemble des informations supplémentaires communiquées dans le cadre de la norme IFRS 13 qui est utile aux investisseurs.

Il y a donc un écart entre l’offre d’informations proposée par les entreprises et la demande d’informations des investisseurs. Or, satisfaire les besoins d’informations des investisseurs boursiers et les aider à prendre leurs décisions n’est-elle pas en définitive la fin assignée aux normes IFRS et à la pratique comptable par le normalisateur international ? Nous venons bien de remettre en question un des points clefs du cadre conceptuel des normes IFRS.

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