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Mangroves et zones humides : que peuvent-elles vraiment contre les désastres naturels ?

Inondations au Pakistan, en 2010. CGIAR/Challenge food and water programme, Author provided

Les zones humides sont souvent présentées comme indispensables à la lutte contre les inondations, la sécheresse, les tempêtes et les tsunamis. Leur bonne santé importe aux communautés qui doivent faire face à des catastrophes naturelles de plus en plus fréquentes et intenses dans un contexte général de changement climatique.

Plusieurs accords internationaux – comme l’Accord de Paris, le Cadre d’action de Sendai ou encore les Objectifs du développement durable – reconnaissent le rôle vital d’une gestion durable de ces écosystèmes.

Une efficacité reconnue

Nombre d’études indiquent que ces espaces constituent des moyens efficaces pour prévenir certaines catastrophes naturelles et amoindrir ainsi les risques encourus par les populations.

Ainsi, l’inondation contrôlée de plaines situées dans des zones humides a été longtemps utilisée par la ville de Lincoln au Royaume-Uni. De même, les zones humides de That Luang, au Laos, ont permis d’éviter des dommages évalués à plus de 2,8 millions de dollars pour la région. Aux États-Unis, les zones humides côtières ont été reconnues comme particulièrement efficaces dans la réduction des désastres provoqués par les ouragans.

Inonder des plaines peut permettre de lutter contre les inondations. CGIAR, Author provided

Rien du remède magique

Cependant, les généralisations sur la valeur intrinsèque de ces zones dans la prévention des catastrophes doivent être interrogées. Investir dans ces zones ne suffit pas ; c’est bien une multiplicité d’interventions qui est nécessaire.

De fait, les zones humides n’ont pas toutes le même impact et ne constituent pas un remède miraculeux contre les catastrophes naturelles. Surestimer leurs bénéfices pourrait d’ailleurs causer plus de mal que de bien.

Leur rôle sur les flux hydriques et l’émergence de perturbations dépend de nombreux facteurs et varie fortement selon les paysages et les périodes. Si, parfois, elles permettent de minimiser les risques, elles peuvent également aggraver certains désastres naturels.

Le cas de la mangrove est particulièrement édifiant à ce sujet.

Dans la mangrove

Certaines mangroves, comme celles très vastes que l’on trouve sur les côtes du Sri Lanka, sont généralement perçues comme efficace pour réduire l’impact dévastateur des tempêtes et des tsunamis – une menace constante pour les basses terres côtières dans de nombreuses régions du monde. Elles permettraient notamment de ralentir la montée des eaux et d’atténuer la puissance des vagues.

Certains les ont ainsi qualifiées de « bio-boucliers ». Il demeure cependant difficile de prouver leur capacité à préserver des vies humaines.

Après le tsunami de 2004 qui s’est produit dans l’océan Indien, des études ont montré que les aires ayant le moins souffert ont été protégées, non pas par la présence des mangroves, mais par des espaces maritimes ouverts, telles que les baies, les lagons et les estuaires.

Au Sri Lanka, après le tsunami de 2004. CGIAR, Author provided

Si les mangroves possèdent une indéniable influence sur la réduction de tels incidents, prendre en compte les alternatives existantes et avoir connaissance de leurs limites demeure tout aussi essentiel.

Prenons l’exemple des régions caractérisées par de fortes densités de population, comme le long des côtes japonaises ; ici, digues et remblais peuvent constituer un investissement tout à fait efficace.

Là où la densité est plus faible, des systèmes d’alertes avancés, basés sur des capteurs de détection des tsunamis peuvent être utilisés. Accompagnés d’une communication efficace, ce type de dispositif pourra permettre de prévenir les populations et de leur donner le temps de se réfugier dans les hauteurs ou au sein d’abris dédiés.

Un tel système a été mis en place en Thailande par le Centre national de prévention des désastres (National Disaster Warning Centre) le long des côtes andamanaises.

Les mangroves du parc national de Los Haïtises, en République dominicaine. Anton Bielousov/Wikimédia, CC BY-ND

Face aux inondations

Les zones humides sont également connues pour leur rôle important dans la réduction des inondations. De nombreuses recherches ont ainsi montré qu’inonder des plaines pouvait protéger les villes en créant, en amont, un espace naturel faisant office de réservoir.

Aux Pays-Bas, cette découverte a été le point de départ de l’initiative Room for River (« Faire de la place à la rivière »), qui permet de protéger les espaces urbains en s’éloignant de la tradition centenaire de construction de digues ; il s’agit ici de reconnecter les rivières aux terres inondables pour utiliser ces dernières comme réservoir.

D’autres types de zones humides sont utilisées aujourd’hui pour faire face aux inondations, même si les informations manquent souvent pour évalauer leur efficacité. On peut néanmoins citer la recherche menée par le International Water Management Institute dans le bassin de la rivière Zambezi en Afrique du Sud ; celle-ci a démontré que, dans les hauteurs, les zones humides ont tendance à accroître et non à réduire les flux hydriques.

Au nord de l’Angleterre, près de 500 millions de livres ont également été investies depuis une décennie dans la restauration de tourbières ; il s’agit de créer des bouchons pour réduire les flux en aval. Mais là encore, nous n’avons que peu d’éléments pour garantir l’efficacité de ce processus dans la gestion des inondations. Et certaines recherches) suggèrent que ces initiatives ont intensifié ces phénomènes : les nappes d’eau souterraines auraient crû, réduisant d’autant les capacités de réserves lors d’épisodes d’inondations.

Dans la lutte contre la sécheresse

Les zones humides sont également considérées comme des atouts pour contrer la sécheresse. C’est le cas en Tanzanie, dans les zones attenantes à la rivière Mara. Les sols peuvent ainsi rester humides, fournissant un terrain fertile aux populations locales.

Une autre supposition, largement partagée, concerne la capacité des zones humides à pourvoir les rivières en eau lors de sécheresses, ce qui peut être bénéfique en aval.

Cependant, selon une revue critique de la littérature à ce sujet, deux-tiers des projets concluaient qu’en raison de l’évaporation, les zones humides concernées avaient tendance au contraire à réduire le flot des rivières en aval.

Les zones humides sont de précieuses alliées pour les communautés locales. Matthew McCartney/IWMI, Author provided

Pour une approche plus nuancée

Faire la seule promotion des zones humides constitue une approche simpliste de la gestion des risques ; elle crée un faux sentiment de sécurité, pouvant aller jusqu’à la prise de décisions inefficaces, voire dangereuses, pour les populations concernées.

Il ne s’agit évidemment pas de sous-estimer ces espaces, qui peuvent constituer un recours essentiel lorsque les ressources sont insuffisantes pour mettre sur pied d’autres systèmes de protection.

Protéger et investir dans ces zones humides ne devrait donc pas se faire sans étude approfondie ; et il incombe aux décideurs d’examiner les faits avec attention avant de mettre en place leurs politiques. Ces derniers devraient ainsi considérer ces espaces comme une ressource parmi d’autres et prendre en compte les spécificités des espaces qu’ils ont à gérer.

La meilleure option serait sans doute de combiner une politique de préservation de ces écosystèmes à d’autres dispositifs, tels les systèmes d’alertes avancés ou l’aide post-catastrophe. Les conjuguer à une planification urbaine et rurale efficace permettrait de limiter la vulnérabilité des populations aux risques.

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