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Photographie de deux mains portant une maquette d'utérus.
Le gène WT1 est nécessaire à l’initiation du développement ovarien au cours de la vie embryonnaire. SewCreamStudio/Shutterstock

On connaît enfin le gène à l’origine de l’ovaire

Alors que le gène responsable du développement des testicules était connu depuis 30 ans, la communauté scientifique ignorait encore quel était le gène qui permettait le déclenchement de la différenciation des gonades en ovaires.

Nos travaux ont permis de montrer que le gène WT1 est nécessaire à l’initiation du développement ovarien au cours de la vie embryonnaire. Ces résultats viennent d’être publiés dans le journal Science.

Le sexe biologique de l’individu est déterminé génétiquement par les chromosomes sexuels : un individu XX deviendra une femelle, tandis qu’un individu XY deviendra un mâle.

Le processus conduisant à la différenciation sexuelle est appelé « détermination du sexe » et permet à la gonade indifférenciée de se développer en ovaire chez les embryons XX ou en testicule chez les embryons XY. Chez l’humain, ce processus a lieu entre la 5e et 7e semaine de développement et chez la souris, le développement testiculaire est initié à 11,5 jpc (jour post coitum) et le développement ovarien débute à 12,0 jpc. Puis ces organes synthétiseront des hormones qui contribueront au développement sexuel de l’individu. Malgré quelques différences entre le développement de ces organes chez l’homme et la souris, les gènes clés de ce processus sont activés dans les gonades des deux espèces de façon similaire. Ainsi la souris peut servir de modèle pour comprendre les bases du développement sexuel chez l’humain.

Un gène bien connu dont le rôle était mal compris

Le déterminant testiculaire est situé sur le chromosome Y. Il s’agit du gène SRY identifié il y a plus de 30 ans, mais de façon surprenante le déterminant ovarien n’était toujours pas connu jusqu’à aujourd’hui. Le gène Wt1, qui s’avèrera être ce déterminant ovarien, a été identifié à la même époque.

Cependant, étant donné la complexité du gène et du système, nous avons eu besoin des outils modernes de la génétique moléculaire pour démontrer son rôle comme le séquençage en cellule unique. Nous avons eu également besoin de meilleures connaissances sur le développement de l’ovaire pour disposer de marqueurs fiables. Or ce n’est qu’en 2001 et 2006, que deux gènes essentiels au maintien du développement ovarien ont été identifiés. Ce sont les gènes FOXL2 et R-spondin1. Malgré ces découvertes, on ne connaissait toujours pas le facteur nécessaire à initier le développement ovarien.

Quand nous avons cherché ce déterminant ovarien, notre intérêt s’est porté sur ce gène, WT1. En effet, chez l’homme, certaines mutations du gène WT1 peuvent entraîner le syndrome de Frasier qui est caractérisé par une altération de la fonction rénale et du développement des gonades. Ce syndrome touche les personnes ayant des chromosomes XX et XY, mais chez les individus XY, il se traduit par la présence des voies génitales femelles. Cela suggérait que Wt1 pourrait être impliqué dans la détermination du sexe.

Pour clarifier son rôle, il aura fallu la collaboration de cinq équipes européennes. Notre équipe et celle d’Andreas Schedl de l’institut de Biologie Valrose à Nice, ont utilisé des modèles génétiques de souris reproduisant les mutations du gène WT1 trouvées chez l’homme.

Un gène pour plusieurs protéines

Le gène WT1 produit plusieurs protéines différentes que l’on appelle isoformes car bien qu’elles sont synthétisées à partir du même gène, elles ont des structures différentes. Nous avons montré que l’une de ces isoformes est nécessaire à la détermination du sexe, car en son absence le développement de la gonade est bloqué et elle reste indifférenciée aussi bien chez les individus XX que XY.

En utilisant des modèles produisant une plus grande quantité d’une de ces isoformes, nous avons montré que cela accélère l’expression des gènes impliqués dans le développement ovarien dans les gonades XY, ce qui empêche le développement testiculaire. Ainsi cette isoforme induit le développement ovarien et la détermination du sexe biologique femelle.

Expression du marqueur des cellules de Sertoli (SOX9 en bleu) du testicule et du marqueur des cellules de la granulosa (FOXL2 en magenta) de l’ovaire montrant l’inversion de sexe dans une gonade XY produisant un niveau élevé de -KTS (XY Frasier). Marie-Christine Chaboissier, Fourni par l'auteur

Nous venons de démontrer que l’initiation du développement ovarien nécessite une isoforme spécifique de WT1. Celle-ci est appelée WT1-KTS (dépourvue des trois acides aminés KTS (K pour Lysine, Thréonine et Serine) et dont le rôle principal est d’induire l’expression d’autres gènes (ceux du programme ovarien dans la gonade). La production de cette isoforme empêche celle d’une autre isoforme +KTS, qui elle, contient les trois acides aminés KTS. Il existe une balance entre la production de ces deux isoformes. En modifiant cette balance, c’est-à-dire en produisant plus ou moins d’une isoforme spécifique, nous avons montré que l’absence de -KTS empêche la différenciation de l’ovaire. Les cellules restent bloquées à un stade de cellules indifférenciées.

La surexpression de -KTS active le développement ovarien empêchant l’activation du gène Sry dans la gonade XY. Cette gonade ne devient pas un testicule mais un ovaire. Ainsi ces travaux clarifient le mécanisme conduisant au syndrome de Frasier.

Comme cette isoforme de WT1 agit très tôt dans la différenciation de la gonade, elle nous fournit un point d’entrée idéal pour identifier les gènes régulateurs impliqués dans l’initiation du développement ovarien. Cependant, le gène WT1 n’est pas situé sur les chromosomes sexuels, donc que l’on soit XX ou XY, on a bien ce gène, il reste maintenant a comprendre comment la production des isoformes est activée ou inhibée lors de la détermination du sexe. Ainsi, ces résultats devraient nous permettre d’identifier les bases moléculaires et génétiques des différences encore inexpliquées du développement sexuel. Un projet passionnant pour les années à venir.


Le travail scientifique sur lequel est basé cet article a été mené par cinq équipes scientifiques : Marie-Christine Chaboissier (CNRS, iBV, France), Andreas Schedl (Inserm, iBV, France), Robin Lovell-Badge (Francis Crick Institute, RU) Serge Nef (Université de Genève, Suisse), Frédéric Chalmel (Inserm, IRSET, France).

Le projet SexDiff est soutenu par l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui finance en France la recherche sur projets. Elle a pour mission de soutenir et de promouvoir le développement de recherches fondamentales et finalisées dans toutes les disciplines, et de renforcer le dialogue entre science et société. Pour en savoir plus, consultez le site de l’ANR.

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