Menu Close
Enseignants en grève brandissant des pancartes et des drapeaux rouges
Le 23 novembre 2023, des enseignants et enseignantes manifestent à Montréal au début de leur grève illimitée. La Presse canadienne/Ryan Remiorz

Pourquoi le soutien aux syndicats est-il si fort ? C’est une question d’insatisfaction générale

Plus de 65 000 enseignantes et enseignants du Québec pourraient poursuivre leur grève jusqu’à Noël si une entente n’est pas conclue, a déclaré leur syndicat dimanche. Cet avertissement survient dans un contexte de conflit de travail généralisé dans la province, où près de 570 000 personnes étaient en grève la semaine dernière.

Ces actions collectives font suite à « l’été des grèves », où plusieurs actions syndicales ont été déclenchées, avec notamment les grèves des scénaristes et des acteurs à Hollywood, celle des Travailleurs unis de l’automobile et des grèves dans de nombreux Starbucks.

Au Canada, les travailleurs portuaires de la Colombie-Britannique, les employés du télédiffuseur public de l’Ontario et les employés municipaux de Saint-Jean ont également mené des grèves.

Si les grèves semblent avoir gagné en popularité et en visibilité, c’est entre autres grâce au soutien record dont bénéficient les syndicats. Selon un récent sondage Gallup, 71 % des Américains appuient les syndicats, ce qui représente le taux le plus élevé depuis 1965. Un récent sondage Angus Reid révèle que trois Canadiens sur cinq estiment que les syndicats ont des incidences positives pour les travailleurs.

Pourquoi ce soutien est-il si fort aujourd’hui  ? Certains avancent que la détérioration des conditions de travail, le décalage des salaires par rapport à l’inflation et l’utilisation croissante de l’intelligence artificielle dans tous les secteurs contribuent aux actions collectives.

Ceci ne constitue toutefois qu’une partie du tableau. La perception que les travailleurs ont de leurs conditions est plus importante encore. L’augmentation du soutien aux syndicats s’explique surtout par la hausse dans la population générale du sentiment de vivre des inégalités, et par les réactions émotionnelles négatives à l’égard de cette situation.

Importance de la perception

Des recherches montrent que le fait de reconnaître qu’on est désavantagé, associé à une réaction émotionnelle — en général la colère —, est un important indicateur de la participation à des actions collectives telles que manifestations, grèves ou adhésion à un syndicat. Cela est vrai indépendamment des mesures objectives d’inégalité, telles que la classe sociale, le revenu et l’éducation.

Une étude réalisée en 1991 révèle que les sentiments des gens à l’égard de leur statut social influencent davantage l’appui aux syndicats que leur statut social objectif, qui est déterminé par des facteurs tels que le revenu et l’éducation. En d’autres termes, le soutien aux syndicats est une affaire de perception.

Une file d’hommes s’appuie sur une rambarde. L’un d’entre eux tient une pancarte
Les travailleurs portuaires de l’International Longshore and Warehouse Union Canada en grève participent à un rassemblement à Vancouver, le 9 juillet 2023. La Presse canadienne/Ethan Cairns

Cette perspective explique également pourquoi l’appui aux syndicats n’a pas augmenté lorsque les conditions de travail se sont dégradées. Ainsi, les années qui ont suivi la récession de 2008 ont été marquées par divers problèmes liés au travail, notamment un taux de chômage élevé, une baisse du salaire des ménages et une hausse du nombre d’emplois temporaires et précaires.

Malgré cela, le soutien aux syndicats a atteint un plancher historique aux États-Unis à cette époque. Bien qu’il n’existe pas de statistiques pour le Canada, des données indiquent que les syndicats y ont été tout aussi impopulaires après la Grande Récession.

Le rôle de la pandémie de Covid-19

La pandémie de Covid-19 a profondément modifié la façon dont nous percevons notre vie. Des études récentes indiquent que les gens sont aujourd’hui plus conscients des inégalités qui règnent dans la société et qu’ils souhaitent davantage agir pour y remédier qu’à l’époque pré-Covid.

La prise de conscience des mécanismes injustes qui influencent nos comportements s’est avérée être une condition préalable à la montée de la colère qui motive l’action collective. En somme, plus nous percevons des injustices, plus nous sommes susceptibles de participer à une action collective.

L’apogée de la pandémie de Covid-19 a coïncidé avec plusieurs grèves syndicales révélatrices de cette tendance. Ainsi, la grève de 2020 des travailleurs des épiceries Dominion à Terre-Neuve a été provoquée par la prise de conscience des disparités entre les cadres supérieurs, qui ont gagné des millions pendant la pandémie, et les travailleurs de première ligne qui n’ont reçu que peu ou pas d’augmentations de salaire.

Un groupe de personnes portant des manteaux et des gilets de chantier agitent des drapeaux rouges portant l’inscription UNIFOR
Le 5 novembre 2020, des grévistes de Dominion font du piquetage devant Weston Foods à Mount Pearl, près de Saint-Jean de Terre-Neuve. La Presse canadienne/Sarah Smellie

Bien que ce fossé se soit creusé pendant des années, la pandémie l’a amplifié. Les déclarations des syndicats pendant les grèves ont mis l’accent sur le fait que les problèmes des travailleurs ont été révélés par la pandémie et non créés par elle.

La pandémie a contribué à engendrer un environnement dans lequel les travailleurs se sentent lésés et en colère. Tant que la perception et la prise de conscience des inégalités n’auront pas changé, nous continuerons vraisemblablement à assister à une hausse du nombre de grèves et d’autres formes d’action collective.

Que doivent faire les employeurs  ?

Les employeurs ont un rôle essentiel à jouer dans ce contexte. S’ils veulent éviter que les travailleurs ne se lancent dans une action collective, ils doivent leur offrir leur appui et répondre à leurs besoins. Des enjeux tels qu’équilibre entre vie professionnelle et vie privée, soutien en santé mentale, diversité et inclusion sont au premier plan des préoccupations des travailleurs.

Lorsque leurs besoins sont satisfaits, les travailleurs risquent moins de se sentir désavantagés au travail et d’éprouver du ressentiment. Une récente étude a montré que les personnes qui considèrent qu’elles obtiennent une juste rémunération pour des comportements positifs — comme coopérer avec les autres et arriver tôt — éprouvent moins de ressentiment à l’égard des gens qu’elles perçoivent comme plus favorisés.

En mettant en place une bonne communication avec les employés, en encourageant un leadership participatif et la coopération entre les travailleurs, on peut réduire la colère engendrée par les comparaisons négatives liées au travail.

Ces approches fonctionnent parce qu’elles offrent des solutions constructives aux problèmes des travailleurs. En conclusion, le lien entre la perception que les gens ont de leur vie et leur soutien aux syndicats démontre l’importance pour les employeurs de prendre en compte les besoins de leurs employés.

This article was originally published in English

Want to write?

Write an article and join a growing community of more than 182,600 academics and researchers from 4,945 institutions.

Register now