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un coquillage à rayures bleues et rouges
Turbo parkisoni @ Laurence Godart / DIM PAMIR / CNRS, Author provided

Quand Dax était sous les tropiques

Cette jolie coquille de gastéropode fossile du genre Turbo provient du site paléontologique de Gaas, dans les environs de Dax en Nouvelle-Aquitaine. Elle a été photographiée sous lumière UV et arbore un motif coloré montrant une alternance de bandes claires et de bandes rouges.

En lumière naturelle, ce motif n’est pas visible car les coquilles fossiles sont généralement blanches ou crèmes. En effet, après la mort des organismes, leurs coquilles s’altèrent sous l’effet d’agents chimiques et physiques, et les couleurs tendent à disparaître. Ici, la coquille n’a pas perdu tous ses pigments – elle parait blanche en lumière naturelle, mais c’est parce que notre œil ne peut pas percevoir les pigments restants. En revanche, la lumière UV permet de les révéler, car ils vont devenir fluorescents et être ainsi visibles.

Dans le cas de ce Turbo, la luminescence rouge indique la présence des molécules de porphyrine. C’est comme cela que l’on sait que l’animal était coloré de son vivant – tout comme les Turbo actuels, sans pour autant connaître sa couleur exacte.

En ce sens, les techniques révélant la luminescence des coquilles fossiles ont quelque chose de « magique » pour nous, paléontologues. Elles nous permettent d’en savoir plus sur la biologie et l’évolution de ces mollusques âgés de dizaines de millions d’années, les plus anciennes coquilles montrant un motif coloré sous lumière UV datent de 240 millions d’années.

En effet, cours de leur histoire évolutive, les mollusques ont été aussi bien prédateurs que proies. Voir, ne pas être vu ou se reconnaître pour se reproduire est ainsi nécessaire et la coquille est un organe essentiel de survie. En contribuant au camouflage ou à la répulsion, la couleur et les motifs colorés ont joué un rôle non négligeable dans l’évolution des mollusques. Dans l’actuel, la diversité des motifs colorés suggère des processus évolutifs ayant favorisé leur émergence. Dans certaines cas, ils permettent d’identifier des espèces différentes et ont donc un rôle avéré dans la formation des espèces.

La Dax tropicale était-elle un point chaud de biodiversité ?

Le Turbo de Gaas est âgé d’environ 30 millions d’années. Ses homologues actuels vivent généralement dans des environnements marins peu profonds dans lesquels ils se nourrissent d’algues. Ce mode de vie s’accorde bien avec celui des autres espèces trouvées dans le site paléontologique de Gaas, car beaucoup d’entre elles sont des phytophages marins, aussi accompagnées de bivalves, de crustacés, de requins, de coraux et d’autres organismes.

En d’autres termes, il y a 30 millions d’années, la région de Dax était sous la mer. Cette mer ancienne occupait largement le bassin d’Aquitaine et revêtait un cachet tropical bien marqué. La présence de Turbo l’atteste bien, ainsi que celle de la faune de coquillages associée. Celle-ci est riche de plusieurs centaines d’espèces et comprend de nombreuses formes thermophiles (formes ayant besoin de températures élevées), comme les cyprées, les cônes ou les olives, qui sont actuellement communes dans les eaux indo-pacifiques ou des Caraïbes. On trouve à Gaas de nombreux coraux du même âge dits « coloniaux », qui vivent en colonies en symbiose avec les algues zooxanthelles. Ce type de coraux construit des récifs coralliens et est typique des zones tropicales.

Le Turbo de Gaas a donc bien de quoi nous faire fantasmer. Non seulement son fragile motif a traversé le temps et nous transmet des informations sur la biologie de cet organisme, mais son environnement de récolte nous projette dans un climat bien plus chaud qu’actuellement, et dans une mer digne des points chauds actuels de biodiversité.

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