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RDC : la montée en puissance du groupe rebelle Twirwaneho met en lumière l'instabilité permanente de l'est du pays

Un soldat tient un fusil tandis qu'un groupe d'enfants s'aligne derrière lui devant des bâtiments blanchis à la chaux qui se dressent sur un grand terrain herbeux.
Un soldat garde un camp dans l'est de la République démocratique du Congo en janvier 2023. Guerchom Ndebo/AFP via Getty Images

Le conflit de trois décennies dans la région orientale de la République démocratique du Congo (RDC) a entraîné la prolifération de centaines de groupes armés. La violence semblant prendre une tournure ethnique, plusieurs groupes sont apparus, affirmant vouloir protéger leurs communautés contre les attaques. L'un de ces groupes est le Twirwaneho, qui est devenu plus actif depuis 2019. Christopher P. Davey, qui a étudié en profondeur les causes du conflit dans l'est de la RDC, explique comment la revendication d'autodéfense communautaire des Twirwaneho met en évidence la nature fragmentée de la politique congolaise.

En quoi consiste le conflit en RDC ?

La République démocratique du Congo (RDC) est le théâtre d'un conflit de plus en plus violent depuis que le génocide rwandais de 1994 a poussé plus d'un million de réfugiés à traverser la frontière commune. Les efforts du Rwanda pour capturer les responsables du génocide ont déclenché deux guerres. Depuis lors, la violence, alimentée par des groupes armés, perdure.

Les relations contrariées entre le siège du pouvoir à Kinshasa, les groupes sociaux et économiques extérieurs jouent un rôle central dans la politique congolaise. À ce mélange s'ajoutent les groupes armés transnationaux, les armées étrangères, la mission de maintien de la paix de l'ONU et les acteurs de l'État congolais comme l'armée.

Cette situation a entraîné la plus longue crise de réfugiés au monde. Elle a également entraîné la prolifération et la fragmentation de dizaines de groupes armés dans la région orientale.

L'un de ces groupes est le Twirwaneho, un groupe d'autodéfensse de Banyamulenge – ou groupe armé tutsi congolais basé au Sud-Kivu – d'autodéfense.

Il est important de comprendre ce groupe car sa montée en puissance démontre la nature interminable de la guerre au Congo.

Qui sont les Twirwaneho ?

Les Banyamulenge sont un groupe minoritaire du Sud-Kivu, dans l'est de la RDC, qui ont subi des attaques fondées sur leur appartenance ethnique. Formé au début des années 2010, Twirwaneho (qui signifie “défendons-nous” dans la langue des Banyamulenge) est une réponse contemporaine d'officiers de l'armée nationale à un conflit qui perdure et aux besoins locaux d'autodéfense au sein de la communauté Banyamulenge.


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Le chevauchement entre l'autodéfense et les groupes armés n'est pas propre à la RDC. Mes recherches sur l'histoire des soldats Banyamulenge montrent que la tradition d'autodéfense gumino (“restons ici”) faisait partie de la campagne internationale du Front patriotique rwandais à la fin des années 1980. Elle a été utilisée pour collecter des fonds et recruter pour la guerre civile rwandaise (1990-1994).

Cela a conduit à une génération de combattants formés par le Front patriotique rwandais qui ont rejoint les rangs de divers groupes armés au cours des deux guerres du Congo.

Parmi ces groupes figure Twirwaneho. Son chef est Michel “Makanika” Rukunda, qui a fait partie de l'armée nationale congolaise avant de se mutiner en 2019. Il a transformé les milices Twirwaneho en une force de combat militairement coordonnée, représentée et financée au niveau international. Mais il est également accusé de violations des droits de l'homme qui l'ont placé sur la liste des sanctions de l'Union européenne.

Le rôle direct des Twirwaneho dans la politique nationale est minime. Cependant, le groupe est devenu un symbole de défi à la fois pour la communauté qu'il prétend défendre et pour ceux qui considèrent les Tutsis comme des envahisseurs étrangers. Par ailleurs, un rapport du groupe d'experts de l'ONU sur la RDC laisse entrevoir une collaboration entre Twirwaneho et le M23 soutenu par le Rwanda.

Le groupe assure-t-il le maintien de la paix ou alimente-t-il le conflit ?

Les Twirwaneho affirment que les groupes armés voisins et l'armée nationale forment une coalition qui lance des contre-attaques sur les villages Banyamulenge. Il s'agit de représailles aux opérations menées par les Twirwaneho contre l'armée et d'autres groupes armés et les populations concernées.

Mes recherches montrent que les Twirwaneho sont liés à un ensemble de groupes armés en RDC engagés dans une lutte politique, économique et parfois existentielle complexe, tout en étant distincts de ces groupes.

Au cours de mon travail sur le terrain à Nairobi, pour mieux comprendre l'aspect international du mouvement, j'ai rencontré trois jeunes anciens rebelles qui avaient fui les Twirwaneho. Ils ont rejoint le groupe après la fermeture de leurs écoles suite à l'intensification du conflit local. Passant d'étudiants à soldats, ils ont combattu cette coalition anti-Twirwaneho. Faisant écho au sentiment de sa communauté, un ancien officier Twirwaneho m'a dit qu'ils n'étaient “pas un groupe armé”. Il insiste sur ce point :

… Je me voyais comme un civil qui a décidé de venir protéger sa communauté.

Le combat des Twirwaneho repose sur la revendication de l'arrêt du génocide des Tutsi en RDC, également formulée par le M23. Cependant, l'intensification des combats dans le Nord et le Sud-Kivu a exacerbé la violence contre tous les civils.

Qu'est-ce qui explique la montée en puissance du groupe ?

Makanika, en tant que leader émergent du groupe, a instauré la discipline et le “patriotisme”. Au cours de mon travail sur le terrain, j'ai entendu des revendications constantes concernant l'insuffisance des promotions et des salaires des soldats banyamulenge dans l'armée nationale et la persécution de leur peuple. Ces revendications ainsi qu'une réduction des options de moyens de subsistance traditionnels sont devenues des raisons pour rejoindre le groupe.

Sous le commandement de Makanika, sa réputation dans la diaspora s'est accru au fur et à mesure que le commandement s'est concentré sur lui. De nombreux Banyamulenge des États-Unis et de la région des Grands Lacs africains lui attribuent le mérite de la préservation de la communauté. De jeunes Banyamulenge ont quitté leur famille et leur carrière pour rejoindre les Twirwaneho. Le groupe recrute des écoliers, fait pression sur les membres de la communauté pour qu'ils le rejoignent et s'appuie sur les groupes d'autodéfense existants.

Coordonnée par la Mahoro Peace Association, la diaspora banyamulenge a versé des centaines de milliers de dollars américains aux familles déplacées du Sud-Kivu. Il ne s'agit pas d'une pratique rare au sein des autres grouoes du pays.

L'association pour la paix affirme qu'elle ne collecte pas activement de l'argent pour Twirwaneho, mais ses dirigeants prônent la lutte pour la reconquête de la patrie. Cela encourage implicitement le soutien.

De nombreux Banyamulenge ne considèrent pas l'envoi de fonds comme un soutien à un groupe armé. Il s'agit plutôt d'une mobilisation pour la survie de la communauté.

Quel est l'objectif final ?

La question de savoir ce que veulent les Twirwaneho est complexe. Leurs messages sur les médias sociaux diffusent des objectifs de paix et de sécurité pour les Banyamulenge au Congo. Pourtant, la violence en RDC n'est pas un simple conflit ethnique. Bien que de nombreux Banyamulenge soutiennent le groupe, ils sont divisés sur la manière dont ses objectifs doivent être atteints.

Il est facile de comprendre comment une diaspora est prête à soutenir la survie de sa communauté. Toutefois, les groupes armés sont généralement à l'origine des violences et d'une concurrence militaire permanentes : les rebelles se battent pour des gains matériels qui ne se traduisent pas par une sécurité accrue pour les civils.

Cet article a été rédigé en collaboration avec des chercheurs du Groupe de recherche sur les conflits et la sécurité humaine (GEC-SH/CERUKI).

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