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Les causes de la violence en RDC sont multiples : la focalisation de l'ONU sur l'ethnicité ne contribuera pas à mettre fin au conflit

Un homme en treillis militaire et coiffé d'une casquette rouge se tient devant un groupe d'hommes en uniforme militaire assis sur un sol poussiéreux. Six camions militaires garés sont derrière eux
Des soldats du Soudan du Sud se préparent à être déployés pour aider à rétablir la paix en RDC; Samir Bol/AFP via Getty Images

Le rapport à mi-parcours 2023 du groupe d'experts des Nations unies sur la République démocratique du Congo réduit les causes très complexes de la violence dans l'est du pays à la violence intercommunautaire. Cette approche ne tient pas compte des motivations des groupes armés à recourir à la violence.

Cette approche étroite perpétuera les cycles de violence dans un pays dont la population n'a pas connu la paix depuis trois décennies. L'omission des autres causes principales du conflit dans le rapport des experts au Conseil de sécurité des Nations unies pourrait conduire à l'adoption de mesures inappropriées pour stabiliser la RDC.

J'ai fait des recherches sur les causes micro et macro du conflit dans l'est de la RDC depuis 2017 pour comprendre les motivations des individus, des groupes et des communautés. J'estime que les principales causes de la violence sont pour la plupart des conséquences de l'héritage colonial, de la fragilité de l'État et de dysfonctionnements des services de sécurité qui sont corrompus.

A l'Est du Congo, du Sud-Kivu en Ituri en passant par le Nord-Kivu, l'héritage du colonialisme a catégorisé les communautés locales en autochtones et allochtones. Cela a créé des conflits autour de l'appartenance et des droits qui y sont associés. L'État congolais n'a pas abordé cette question – et l'autorité de l'État est absente dans de nombreuses régions.

L'armée congolaise est inopérante et corrompue. Elle fait partie de ceux qui alimentent la violence au niveau local. Elle a échoué à protéger les civils et fait preuve de pris parti dans les violences intercommunautaires.

Contenu du rapport

Ces dernières années, le groupe d'experts de l'ONU a réduit toute cette complexité à la violence intercommunautaire et donné peu de détails sur ses causes. Pourtant, le mandat du groupe, créé en 2000, est de rechercher et analyser les liens entre l'exploitation des ressources et la persistance des conflits. Ses rapports devraient aider les Nations unies à comprendre la situation globale dans l'est de la RDC.

Ce dernier rapport met en lumière cinq événements majeurs :

Violence dans l'ouest : Maindombe, l'une des provinces de l'ouest, semblait être plus stable que le Nord-Kivu, le Sud-Kivu et l'Ituri dans la partie instable de l'est. Mais on estime actuellement que plus de 300 civils ont été tués à Maindombe entre juin 2022 et mars 2023. Les violences opposent les communautés ethniques Teke et Yaka. Les premiers se considèrent comme les premiers habitants de la région et les Yaka comme des allochtones.

Les Forces démocratiques alliées: Désigné comme organisation terroriste en 2021 par les États-Unis, ce groupe est actif à Beni (Nord-Kivu) et dans certaines parties de la province de l'Ituri. Le groupe a obtenu un soutien stratégique et financier provenant d'autres groupes terroristes, y compris Da'esh en Somalie et l'Etat islamique en Somalie. Le rapport note que le démantèlement des mécanismes de financement et des réseaux complexes du groupe terroriste nécessite une plus grande collaboration entre les Etats.

Rwanda et M23: Au Nord-Kivu, le rapport de l'ONU a attiré l'attention sur les violences perpétrées par le groupe rebelle M23 soutenu par le Rwanda. Le conflit a forcé des milliers de civils à fuir, aggravant la crise humanitaire. Les experts de l'ONU avertissent que le M23 dispose de la capacité militaire de mener et de soutenir la guerre grâce à des campagnes de recrutement au Rwanda, au Burundi et en Ouganda. Ce rapport est le premier à citer nommément des officiers de haut rang et des généraux de l'armée rwandaise impliqués dans les combats aux côtés des rebelles du M23.

La montée en puissance des Twirwaneho: Au Sud-Kivu, le rapport de l'ONU a documenté les affrontements entre les groupes qui prétendent protéger leurs communautés ethniques. Le rapport met en évidence les Twirwaneho, un groupe armé (d'autodéfense) affilié aux Banyamulenge, un groupe ethnique minoritaire du Sud-Kivu.

La menace Codeco: Le rapport a également documenté les atrocités qui ont été commises dans la province d'Ituri contre les civils et les personnes déplacées à l'intérieur du pays. Il met l'accent sur les attaques du groupe rebelle Codeco. Il qualifie ces violences d'intercommunautaires.

Les lacunes du rapport

Le rapport est similaire aux précédents rapports dans le sens qu'il désigne l’“antagonisme” des communautés ethniques comme la source de la violence. La RDC compte plus de 250 groupes ethniques. Mais d'après mes recherches, je pense que la violence dans le pays est intrinsèquement complexe. Utiliser une seule grille de lecture peut être trompeur.

À mon avis, le rapport présente quatre lacunes majeures.

Premièrement, les experts de l'ONU ne tiennent pas compte du rôle prépondérant joué par d'autres acteurs majeurs du conflit, tels que l'armée nationale. Ils ignorent également les ramifications régionales de la violence. Il s'agit notamment du soutien apporté par le Rwanda aux groupes rebelles burundais dans le Sud-Kivu. La fragilité de l'État explique également pourquoi le conflit en RDC persiste depuis trois décennies. Intégrer ces facteurs permettrait de mieux comprendre les causes profondes du conflit et sa persistance.

Deuxièmement, les experts de l'ONU ont tendance à tirer des conclusions hâtives basées sur des prémisses largement discutables. Par exemple, les preuves de “recrutement massif” et la formation de nouvelles alliances entre les groupes rebelles Twirwaneho, M23 et Red-Tabara ne sont pas claires. Depuis 2017, Red-Tabara, par exemple, attaque les Banyamulenge.

Troisièmement, le rapport montre des signes de partialité. Par exemple, il met l'accent sur les Twirwaneho et ignore d'autres groupes actifs au Sud-Kivu. J'ai abordé cette partialité dans une étude qui analyse 324 incidents enregistrés par Kivu Security Tracker et 29 rapports de la mission de maintien de la paix de l'ONU en RDC, la Monusco. La Monusco est l'une des principales sources d'information des experts de l'ONU.

Quatrièmement, au Nord-Kivu, les experts n'ont documenté que les atrocités et les violations des droits de l'homme commises par le M23 et les Forces de défense rwandaises. Ils ont omis celles commises par l'armée congolaise et d'autres milices locales et étrangères.

La voie à suivre

Un examen approfondi du rapport de l'ONU montre que les experts ont du mal à documenter les atrocités en temps voulu. Il a fallu plus d'un an pour documenter les violences qui ont éclaté au Sud-Kivu et en Ituri en 2017, et c'est ce qui se passe actuellement au Maindombe.

Les experts de l'ONU ne devraient pas considérer la violence dans l'est de la RDC uniquement comme des affrontements entre milices donnant lieu à des représailles et ne pas tenir compte des motivations qui les poussent à recourir à la violence. Par exemple, certains groupes armés de l'est existent pour chasser ceux qui sont considérés comme des “étrangers”.

Une perspective simpliste ne contribuera pas à ramener la paix si le rôle négatif joué par les services de sécurité est couvert de manière superficielle. En outre, la RDC n'a pas réussi à mettre en place un programme global de désarmement et de démobilisation.

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