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Un parti (socialiste)… bien mal parti ?

Manuel Valls et Benoît Hamon, avec dans le rôle de l'arbitre Jean-Christophe Cambadélis. Eric Feferberg/AFP

Les résultats de la primaire de la Belle Alliance organisée par le Parti socialiste (PS) ont conduit au choix de la fronde aux dépens de la gauche gouvernementale. Tout au long de cette campagne en interne, certes très rapide, ont été proférées des menaces de rupture à l’intérieur même de cette organisation partisane. Le danger d’un éclatement de cette organisation est ainsi devenu réel à moins que, comme à l’accoutumée, le PS ne s’en sorte encore une fois. Il est vrai que son histoire est tout sauf un long fleuve tranquille.

Deux gauches combattantes… entre elles

Le symbole de ces deux gauches irréconciliables a été la poignée de main devant le perron de la rue de Solférino entre les deux finalistes, Benoît Hamon et Manuel Valls. L’image se voulait symbolique, elle l’a été mais sûrement pas comme l’aurait souhaitée le Premier secrétaire du parti, Jean-Chistophe Cambadélis.

Ce dernier était placé au centre des deux comme un arbitre de boxe après le combat et le verdict des juges. Le vainqueur, sourire et bras levé en signe de victoire. Le vaincu, mine déconfite et faisant à la presse, et par delà elle, aux électeurs, un signe de la main signifiant que le rendez-vous serait non pas dans trois mois, mais dans cinq ans.

L’investiture officielle du candidat Hamon aura souffert de l’absence du soutien de cette gauche de gouvernement. Seule la ministre de l’Éducation nationale accompagnée de cinq secrétaires d’État étaient présents à cette intronisation. Ni le Président de la République ni son premier ministre, Bernard Cazeneuve, n’ont apporté un quitus au candidat vainqueur de la primaire.

Depuis la victoire de Benoît Hamon, paradoxalement, la fronde a changé de camp. Les ex-frondeurs appellent à l’union alors que les ex-partisans de la gauche de gouvernement menacent de partir ou de se mettre en retrait pour en sous-main soutenir le candidat Emmanuel Macron, ancien membre du gouvernement PS, qui s’est en son temps, autoproclamé « non socialiste ».

Le risque de la scission

Le risque d’une scission interne est bien réel. Mais à vrai dire, l’Histoire même du Parti socialiste est faite de conflits internes. La question de l’unité du PS s’est toujours posée depuis sa création en couvant en son sein des tendances difficilement compatibles :

  • adeptes de la Révolution française versus démocrates fervents de la représentation parlementaire ;

  • proches de la religion versus anticléricaux ;

  • dreyfusards versus antidreyfusards ;

  • partisans d’un engagement dans les conflits militaires (les deux guerres mondiales, les guerres de décolonisation) versus pacifistes, puis anticolonialistes ;

  • les « pour » un rapprochement avec le Parti communiste versus les « contre » ;

  • les « pour » la Constitution 1958 et son évolution vers un régime présidentiel versus les « contre » ;

  • les « pour » le Traité européen versus les « contre » ;

  • les « pour » Ségolène Royal en 2007 versus les « contre ».

Mais le grand schisme aura été la sécession entre la gauche révolutionnaire et la gauche de gouvernement en 1921 lors du Congrès de Tours. Déjà à cette époque, deux conceptions « irréconciliables » entre un socialisme à la vision plus ouverte et une autre qui recherche non pas la participation gouvernementale, mais le renversement du système politique s’étaient affrontées pour finalement se diviser.

En vérité, le socialisme français n’a jamais fait le deuil de cette dualité et de cette rupture avec le Parti communiste. C’est précisément ce conflit interne larvé qui l’a empêché de vivre un « Bad Godesberg » à la française, pris en tenailles entre le réformisme et la Révolution. Le Parti social-démocrate (ouest) allemand, le SPD, avait, lui, abandonné en 1959 son ambition révolutionnaire pour reconnaître comme incontournable l’utilisation de moyens démocratiques pour conquérir le pouvoir. Cette conversion idéologique s’était accompagnée de la reconnaissance de l’économie de marché et de la proclamation d’une loyauté totale à l’égard de la constitution allemande.

Au bord du précipice

Que vont-ils faire ? Se réconcilier ? Se séparer ? L’épisode de « Pénélopegate » a un temps dissipé les troubles et fait diversion aux questions récurrentes de l’unité du Parti socialiste. Mais existe-t-il encore une vision commune ? Y a-t-il encore un « on » socialiste ? Pour reprendre Michel Maffesoli, la glatinum mundi – cette colle du monde qui assure, tel un ciment social, « la liaison, la gestion, l’ajustement des individus et des groupes entre eux » – soude-t-elle encore les militants au sein du Parti socialiste ?

Nous avions montré, en 2010, à l’occasion de la campagne présidentielle de 2007 menée par Ségolène Royal que cette question d’une scission interne avait été évoquée, mais finalement remise à plus tard (De l’application des représentations sociales en marketing politique, étude sur les militants du Parti socialiste français au cours de la présidentielle de 2007, Thèse de doctorat, université de PAU). Certainement, la finesse managériale de François Hollande dans sa recherche du consensus et de la synthèse pendant dix ans à la tête du PS (1997-2008) avait eu raison de l’éclatement. Mais il n’est plus le secrétaire général du parti et, en tant que Président de la République, il a montré que l’action politique ne pouvait faire l’économie de choix difficiles qui lèvent le voile sur une synthèse de façade, celle-ci restant incantatoire et confortable quand on est dans l’opposition.

Ce faisant, sans expliquer ses décisions, sans annoncer ce qu’il allait faire, ou pire en faisant le contraire, tout en multipliant les erreurs politiques, le Président Hollande a sabordé sa présidence et plongé son parti dans une nouvelle crise. Et la boîte de Pandore s’est ré-ouverte. Le Parti socialiste est de nouveau au bord du précipice et ce n’est pas la chute de ses homologues européens (en Grèce, en Italie et en Espagne) qui est pour le réconforter.

Un aggiornamento salvateur

Le PS est à la croisée des chemins. Selon que l’on soit pessimiste ou optimiste, son avenir ne sera pas le même. Certes, comme le note Rémi Lefebvre (2006), il a su traverser au cours de son histoire bien des épreuves et est toujours présent quand d’autres n’y ont pas survécu :

« Par-delà ses avatars successifs, le Parti socialiste est marqué par une forte continuité historique. Dès lors on peut se demander comment un parti si faible et si dépourvu de ressources politiques et de soutiens sociaux a pu se maintenir, même avec des fortunes diverses, tout au long du siècle, à la faveur de contextes si troublés ».

Mais cette fois la pente est rude. Un accord avec Jean-Luc Mélenchon pourrait changer la donne, mais les négociations entre l’ex-socialiste et le vainqueur de la primaire de la Belle Alliance Populaire ne sont pas au beau fixe. Faute d’une réconciliation entre tous les acteurs de la gauche, une défaite en mai prochain est probable. Le Parti socialiste actuel pourra-t-il survivre à un 21 avril bis, surtout s’il termine au-delà de la troisième place ?

Une reconstruction, une nouvelle vision, bref un aggiornamento sera bel et bien nécessaire à sa pérennité au sein d’un écosystème politique en pleine mutation.

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