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Foto antigua de una mujer con un abanico.
Une du journal Blanco y Negro. Narciso Méndez Bringa

Une petite histoire des femmes aux racines de la deuxième banque européenne

Dans le monde de la finance, le nom d’Ana Botín, à la tête de Banco Santander, une des plus grosses banques d’Europe, la deuxième par sa capitalisation boursière derrière BNP Paribas, se détache. Elle en est aussi une actionnaire individuelle majeure, possédant plus de 32 millions d’actions.

Bien avant elle déjà, des femmes défiaient les conventions de leur époque et entraient dans cet univers. En prenant des risques, elles ont cherché l’indépendance financière par l’achat d’actifs. Notre recherche sur la présence de femmes actionnaires à la Banco Hispano Americano dans les années 1920 et 1930 révèle un panorama fascinant de femmes qui ont acquis des actions et ont ainsi contribué à la dynamique économique de l’époque.

La Banco Hispano Americano a été fondée en 1900. Au fil du XXe siècle, elle devient une actrice incontournable du paysage financier. Elle fusionne en 1991 avec Banco Central pour former Banco Central Hispano. Elle-même, en 1999, est absorbée par Banco Santander. Les fonds historiques des banques précédentes ont été conservés et mis à la disposition des chercheurs dans les archives historiques de Banco Santander.

Aux origines de la banque

Dans les années 1920, l’institution disposait déjà d’un réseau dense de succursales urbaines réparties dans tout le pays. Elle attire ainsi les petits actionnaires des classes moyennes espagnoles qui cherchent à rentabiliser leur épargne. Une partie passait dans l’achat d’actions, car les titres de l’établissement étaient commercialisés dans les succursales elles-mêmes.

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Parmi les actionnaires de la Banco Hispano Americano, on retrouvait ainsi un certain nombre de femmes qui investissaient sous leur propre nom. Pascuala Zaldo Rivera, par exemple, sœur de Bruno Zaldo Rivera, l’un des promoteurs de la banque, a participé à sa fondation, s’adjugeant 500 actions qui représenteraient environ un million d’euros aujourd’hui. Pendant plusieurs années, elle a été la femme la plus puissante de l’établissement.

Pascuala meurt en 1924 en laissant plus de 1 000 actions en héritage. Chacun de ses héritiers, trois filles et un fils, a reçu le même nombre d’actions (257) sans aucune discrimination à cet égard et en appliquant strictement le système d’égalité. Dans la famille Zaldo Rivera, les filles et les nièces ont aussi fini par détenir des participations importantes. C’est également le cas d’Isaura Zaldo Arana (immortalisée dans un tableau de Joaquín Sorolla), qui a épousé Gervasio, son oncle paternel, afin de maintenir la richesse de la famille.

Les régimes d’héritage qui traitent tous les frères et sœurs sur un pied d’égalité, quel que soit leur sexe, dans l’accès à la richesse parentale, semblent avoir joué un rôle majeur afin de réduire les écarts de richesse. Ils ont facilité l’accès des femmes au patrimoine financier dans un contexte où les possibilités d’éducation et d’accès au marché du travail sont limitées.

Au-delà de ces noms, notre étude révèle qu’une part très importante des actionnaires de Banco Hispano Americano étaient des femmes anonymes. Les femmes espagnoles – bien sûr, issues de l’élite – ont ainsi contribué à la création de richesses et au développement du pays parce que leur capital a été activement investi.

Des comportements financiers différents

Outre qu’elle complète les approches portant sur le Royaume-Uni ou les États-Unis, pour lesquels il existe déjà de nombreuses études sur la féminisation de l’actionnariat des grandes entreprises depuis la fin du XIXe siècle, nos travaux contribuent au débat actuel sur l’autonomisation financière et les raisons pour lesquelles les femmes sont encore moins actives en tant qu’investisseuses que les hommes.

Les listes d’actionnaires de cette banque révèlent qu’entre 1922 et 1935, les femmes représentaient 40 % du total. Comme dans d’autres pays, les femmes espagnoles ont eu accès aux marchés financiers au début du XXe siècle. Elles assistaient aux assemblées annuelles des actionnaires, qui se tenaient au siège de la banque à Madrid, ce qui leur donnait accès à un espace de sociabilité considéré comme éminemment masculin.

Hommes et femmes adoptaient néanmoins des stratégies d’investissement différentes. Alors que les premiers optaient pour un portefeuille diversifié et des opérations d’achat et de vente à court terme, les femmes maintenaient leurs positions à long terme, axées sur l’optimisation des revenus, la préservation du patrimoine tout au long de leur vie et sa transmission à leurs héritiers.

Bousculer les stéréotypes

Les femmes actionnaires de la Banco Hispano Americano (1922-1935) ont d’ailleurs maintenu des liens de parenté forts avec le reste des actionnaires. En Espagne, le cadre juridique n’a pas empêché ou discriminé alors l’accès des femmes à la propriété ; les règlements de la banque n’ont pas non plus découragé les femmes d’investir dans des actions.

Les femmes actionnaires étaient cependant dans ces années 1920 et 1930 une minorité à l’échelle de la population, appartenant tout comme leurs homologues masculins à une frange très privilégiée de la société. L’accès aux marchés financiers et la participation aux activités économiques restaient en effet conditionnés par des facteurs socio-économiques et culturels, ainsi que par la persistance des stéréotypes de genre et des inégalités en matière d’éducation et d’emploi.

Ces femmes, dont l’héritage a été peu exploré dans l’histoire financière, ont défié les barrières sociales et économiques de leur époque et ont contribué au développement économique en devenant actionnaires. Par la suite, les progrès sociaux et économiques de l’Espagne ont été interrompus par la guerre civile et la dictature franquiste qui s’en est suivie. Il n’existe pas encore d’étude sur l’évolution de l’actionnariat féminin à partir des années 1940.

This article was originally published in Spanish

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