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1ᵉʳ tour des législatives : entre désintérêt électoral et recomposition politique

Les résultats du premier tour des élections législatives le 12 juin depuis le quartier général de Ensemble ! (coalition présidentielle) à Paris montre le coude à coude avec la coalition de gauche Nupes. Ludovic Marin/AFP

Au soir du premier tour des élections législatives, la majorité présidentielle (Ensemble) recueillerait la majorité des suffrages (25,75 %), au coude à coude avec la Nupes (Nouvelle union populaire écologique et sociale) obtenant 25,66 % des suffrages et devant Rassemblement avec 18,68 % des voix. Alors, au regard de ces résultats, dont le décompte méthodologique demeure discuté selon les étiquetages de certains candidats, quelles sont les clefs de lecture de ce premier tour ?

Le premier tour de ces élections législatives se solde d’abord par une forte abstention, atteignant les 52,61 %, soit 1,3 point de plus qu’en 2017. Ce niveau d’abstention s’inscrit dans une tendance de fond, avec une hausse continue depuis les élections législatives de 1993.

Une des raisons de la croissance abstentionniste aux législatives peut être institutionnelle. La réforme de 2000 sur le quinquennat, alignant les mandats présidentiels et législatifs, conjuguée à l’inversion du calendrier électoral (la présidentielle précédant les législatives) ont renforcé la présidentialisation du régime et affaiblit la place du Parlement.

Une autre raison peut être conjoncturelle. Comme le rappelle le journaliste Gérard Courtois, depuis 1981, la logique politique voulait que dans la lignée de l’élection présidentielle, il fallait donner une majorité à l’Assemblée nationale pour le président nouvellement élu (François Mitterrand ayant dissout l’Assemblée nationale après ses deux élections présidentielles en 1981 et en 1988). Or, cette année, les deux camps arrivés en tête à la présidentielle (LREM devenu Renaissance et le Rassemblement national) ont mené une campagne législative quasi inexistante.

D’un côté, le président Macron semble avoir opté pour une « stratégie du chloroforme » en se faisant discret lors de cette campagne, mais aussi en temporisant la nomination d’un nouveau gouvernement (trois semaines après sa réélection). De l’autre, Marine Le Pen semblait s’avouer déjà vaincue en ne visant qu’une soixantaine de députés RN à l’Assemblée et était devenue moins visible dans les médias, à tel point que l’on s’est demandé où elle était passée.

En conséquence, cette campagne législative n’aura intéressé que 15 % des Français et n’aura pas été marquée par un thème central lors des débats.

Qui arrive en tête ?

La création de la Nupes a rappelé les grandes heures de la gauche unifiée (le Front populaire de 1936 ou le Programme commun de 1972) et a tenté d’insuffler une nouvelle dynamique pour ces législatives. Le slogan « Jean-Luc Mélenchon Premier ministre » adopté par la coalition aura personnifié et nationalisé ces élections et la stratégie du « troisième tour » suit finalement la logique de présidentialisation du régime.

La forte mobilisation (notamment médiatique) de la Nupes conjuguée à une campagne en demi-teinte de la majorité présidentielle peuvent alors expliquer la surprise de cette élection : pour la première fois sous la Ve République, le camp présidentiel n’obtient pas une franche majorité des suffrages exprimés lors du premier tour des élections législatives. Dès lors, il se pourrait que la « macronie » ne dispose pas de la majorité absolue au soir du second tour de cette élection.

Quelles perspectives pour la vie politique ?

Les Républicains obtiennent quant à eux leur plus faible score aux élections législatives avec près de 13,6 %. Là encore la campagne a été plus effacée au niveau national, la stratégie choisie étant de se concentrer au niveau des circonscriptions en se présentant comme un « parti des territoires ». Cependant, les estimations donnent une baisse du nombre de députés LR passant de la centaine à environ 50 à 80 sièges.

Pour le Rassemblement national, au contraire, le nombre de députés grimperait entre 20 et 45 selon les résultats à venir la semaine prochaine. En résumé, on observe un lent déclin de LR depuis 2017 (voire 2012) et une installation confirmée du RN sur les bancs de l’Assemblée nationale.

Selon les estimations, le camp présidentiel disposerait d’une majorité à l’Assemblée nationale, avec un peu moins de 300 députés, soit un recul puisque celui-ci disposait de 346 sièges jusqu’à présent. Le risque serait même de ne pas disposer de la majorité absolue (de 289 sièges).

Le pari de la Nupes sera non plus d’obtenir la majorité mais le plus grand nombre de sièges pour tenir le rôle de premier groupe d’opposition à l’Assemblée. La perspective d’une cohabitation avec Jean-Luc Mélenchon comme chef du gouvernement est dès lors compromise. Même si la nomination du leader de la France insoumise n’aurait pas été automatique en cas de victoire de la Nupes puisque la Constitution (art. 8) ne précise pas les critères de nomination du premier ministre. Cependant ce dernier doit s’assurer d’une majorité afin d’éviter la censure par l’Assemblée nationale (art. 49).

Au-delà même d’une majorité, le risque pour la Nupes est la fronde « anti-Mélenchon » de la part des autres formations politiques, en raison de la personnalité et des positions clivantes de son leader, par exemple concernant la désobéissance des traités européens ; sa position à l’égard de la Russie ou encore ses récents propos sur la police.

Si elle veut incarner ce rôle de leader de l'opposition, la coalition devra maintenir sa cohérence à l’Assemblée malgré les désaccords programmatiques et l’absence d’un seul groupe parlementaire.


L’auteur effectue sa thèse sous la direction de Jean-François Godbout.

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