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Une main dans un gant chirurgical bleu tient un tube rempli de sang.
En France, le sang de cordon ombilical à usage thérapeutique est conservé dans des banques publiques (Photo d’illustration). Saiful52/Shutterstock

Banques de sang de cordon ombilical, la France en pointe

Le sang de cordon, également appelé sang de cordon ombilical ou sang placentaire, est le sang qui reste dans le cordon ombilical et le placenta après la naissance du bébé, et après que le cordon a été clampé et coupé.

Riche en cellules souches précurseures des cellules sanguines, il est précieux. En effet, ces cellules (aussi appelées « cellules souches hématopoïétiques »), possèdent une capacité particulièrement intéressante : elles sont capables de reconstituer tous les types de cellules sanguines, comme les globules rouges, les globules blancs et les plaquettes.

De ce fait, le sang de cordon peut être utilisé pour traiter des personnes atteintes de pathologies graves, notamment les leucémies. Mais sa conservation, qui, selon les pays, peut se faire dans des banques publiques ou privées, pose diverses questions concernant l’accès à ce soin pour tous, et soulève des interrogations bioéthiques.

Du prélévement à la greffe de sang de cordon

Avant tout, précisons que le prélèvement de sang de cordon ne présente aucun risque pour la mère ou le nouveau-né.

La première greffe réussie de sang de cordon a eu lieu en 1988 par l’équipe française de l’hôpital Saint-Louis à Paris. Le patient était un petit Américain de 5 ans atteint d’anémie de Fanconi.

Depuis lors, on estime que plus de 50 000 greffes de sang de cordon ont été réalisées dans le monde, avec un taux de réussite élevé.

Concrètement, cinq étapes sont nécessaires depuis le prélèvement jusqu’à la greffe effective, comme le détaille l’Agence de la biomédecine :

Le schéma montre avec des dessins légendés les 5 étapes nécessaires au don de sang de cordon, depuis le prélèvement jusqu’au don effectif.
Schéma extrait du site Internet dondesangdecordon.fr de l’Agence française de biomédecine

En France, les banques qui collectent et conservent le sang de cordon sont publiques, les coûts de collecte et de conservation étant totalement pris en charge par l’État. Mais cette conservation répond à certaines règles.

En France, des banques de sang de cordon publiques pour tous

En France, le sang de cordon est conservé pour le bénéfice d’autrui. Il est interdit d’en faire usage pour soi-même ou pour son propre enfant.

La loi française prévoit que le don de sang de cordon peut être fait, de manière exceptionnelle, à l’enfant ou à ses frères et sœurs, mais seulement en cas de nécessité thérapeutique avérée et dûment justifiée lors du prélèvement.

En 2016, le tribunal de grande instance de Grasse (Alpes-Maritime) a néanmoins pour la première fois autorisé la conservation de sang de cordon ombilical à des fins privées et par anticipation. Des parents ont en effet pu conserver le sang du cordon ombilical de leur enfant « au regard de nécessités thérapeutiques justifiées », en l’occurrence de lourds antécédents familiaux (notamment des cancers du pancréas et du foie).

La requête du couple était fondée sur la crainte d’un risque « futur » pour l’enfant si ce dernier venait à développer une maladie grave. En conséquence, le sang de cordon a été collecté pour être stocké dans une banque privée britannique.

Il faut souligner que la loi française interdit habituellement de transporter, ou d’envoyer par colis, du sang de cordon ombilical à une société privée basée à l’étranger (articles 511-8 à 511-8-2 du Code pénal).

Les critiques ont fait valoir que cette décision pourrait favoriser à l’avenir l’installation de banques de sang de cordon privées sur le territoire français. Cependant, jusqu’à présent, en France, seules les banques de sang de cordon publiques, approuvées par les autorités sanitaires nationales et placées sous la supervision du Réseau Français de Sang Placentaire, sont autorisées à fonctionner.

Il faut par ailleurs insister sur le fait qu’à ce jour, aucune étude n’a démontré l’efficacité thérapeutique des greffes effectuées sur soi à partir de son propre sang de cordon (qui aurait été conservé à cet effet).

Schéma d’une carte de France sur laquelle figurent les banques et maternités du Réseau Français de Sang Placentaire (RFSP) en 2022
Agence de la biomédecine, Réseau français de sang placentaire (RFSP), 2022

La situation française n’est cependant pas la norme : dans d’autres pays, le sang de cordon est conservé au sein de banques de sang de cordon privées à but lucratif qui posent question.

La conservation du sang de cordon, un marché en expansion

La taille du marché mondial des services de mise en banque du sang de cordon est estimée à 33,8 milliards de dollars en 2023 et devrait atteindre 51,3 milliards de dollars d’ici 2030.

Il est principalement dominé par les banques de sang de cordon privées. On estime que les banques de sang de cordon publiques détiennent environ 800 000 unités de sang de cordon dans le monde, tandis que les banques privées en conservent plus de 4 millions.

En Europe également, ce sont les banques de sang de cordon privées qui dominent le marché. Dans plusieurs pays européens comme en Hongrie, en Bulgarie, en Lituanie, au Luxembourg, en Roumanie, en Estonie et au Danemark, seules des banques de sang de cordon privées sont disponibles. Il en va de même dans d’autres pays du monde, tels que la Norvège ou la Nouvelle-Zélande.

Des problèmes à plusieurs niveaux

Dans ces banques de sang de cordon privées, les unités de sang de cordon sont réservées pour l’usage exclusif des familles qui peuvent s’offrir ce soin, accentuant ainsi les disparités dans l’égalité d’accès au soin entre les riches et les pauvres.

Aux États-Unis, par exemple, ce modèle de Private banking se traduit généralement par la facturation de frais initiaux de 1 000 à 2 000 dollars pour le prélèvement et le stockage, suivis de frais annuels de plus de 100 dollars pour l’entreposage.

En outre, les stratégies de marketing des banques de santé privées, qui présentent le sang de cordon comme une « assurance biologique » contre de futures maladies mortelles, induisent les familles en erreur. Comme évoqué, la probabilité que ce sang de cordon puisse être techniquement utilisable à l’avenir pour son enfant est très faible, selon les scientifiques.

De plus, ces banques privées peuvent faire faillite et transférer les unités de sang de cordon stockées à l’étranger après leur fermeture, sans en avertir les familles. C’est ce qui s’est produit dans le passé avec Cryo-Save Europe.

En Europe, des systèmes hybrides qui ne sont pas exempts de critiques

Au Royaume-Uni, où les banques de sang de cordon privées et publiques se côtoient, il existe également des banques de sang de cordon hybrides combinant systèmes publics et privés, parfois dans des proportions différentes. Par exemple, la Precision Cellular Storage, anciennement connue sous le nom de Virgin Health Bank, stocke 80 % de chaque unité de sang de cordon pour un usage public et les 20 % restants pour un usage privé. Ces 20 % réservés à l’usage personnel contribuent néanmoins à réduire l’accès aux soins de santé pour tous.

En Suisse, des banques de sang de cordon hybrides coexistent également, sous forme de banques de sang de cordon privées et publiques au niveau national. Toutefois, dans le modèle hybride suisse, l’État peut demander à une banque hybride de disposer d’unités de sang de cordon pour en faire bénéficier un patient lambda qui s’avérerait compatible avec ledit sang de cordon.

Cette demande est soumise à la volonté des parents, qui peuvent accepter ou refuser de donner accès au sang de cordon de leur enfant. S’ils donnent leur accord, ils sont alors remboursés des frais de conservation engagés.

En Espagne (où se trouvent également des banques de sang de cordon publiques et privées), le modèle des banques de sang de cordon hybrides, bien que différent du modèle suisse, n’est pas non plus exempt de critiques. Pour garantir l’accès aux cellules souches du sang de cordon, l’État espagnol a en effet le droit de réquisitionner des unités de sang de cordon conservées par les banques hybrides (toujours en échange du remboursement des frais de banque).

Ce modèle peut être perçu comme un risque du point de vue des familles, qui peuvent être réticentes à l’idée de s’inscrire sur les registres, de peur que le sang de cordon de leur enfant stocké dans ces banques hybrides ne soit réquisitionné.

Le modèle français semble le plus approprié

Les banques de sang de cordon soulèvent aussi plusieurs questions juridiques et éthiques concernant la propriété, le consentement, l’information et la protection des données.

Pour y répondre, en France, la collecte comme la conservation du sang de cordon dans les banques publiques sont réglementées par le Code de la santé publique (CSP) qui se fondent sur les principes bioéthiques de dignité, de liberté et de solidarité.

Le principe de dignité implique la non-commercialisation du corps humain (articles 16-1 et 16-5 du Code civil). Par conséquent, le prélèvement et la mise en banque du sang de cordon ne sont autorisés qu’à des fins thérapeutiques et de recherche (art. L1241-1 du CSP) et n’ont pas vocation à faire partie du marché commercial.

Appliqué au domaine médical, le principe de liberté exige le consentement libre et éclairé de la personne concernée avant toute intervention médicale ou traitement, sauf disposition légale contraire (art. L1111-4 du CSP) et (art. L 1111-5 du CSP).

Ce consentement peut être retiré à tout moment (art. L1111-4 du CSP). Ainsi la mise en banque du sang de cordon n’est autorisée que si la femme a donné son consentement écrit et éclairé avant le prélèvement, au cours de sa grossesse. Elle peut révoquer son consentement à tout moment avant le prélèvement du sang de cordon (art. L1241-1 du CSP).

Enfin, en vertu du principe de solidarité, les banques de sang de cordon sont autorisées à condition que le don du sang de cordon soit gratuit, anonyme (art. L1241-1 du CSP) et destiné à un usage collectif.

En conclusion, pour des raisons éthiques comme pour garantir l’égalité d’accès aux soins, le modèle français, dans lequel seules les banques de sang de cordon publiques sont autorisées, semble être le plus approprié, contrairement à d’autres modèles à l’œuvre ailleurs en Europe et dans le monde.

Le modèle français maximise l’accès du public aux greffes de sang de cordon. Il vise à sauver plus de vies en essayant de faire correspondre les cellules souches du sang de cordon disponibles avec le plus grand nombre de personnes bénéficiaires, là où les banques de sang de cordon privées ne servent qu’un petit groupe d’utilisateurs.

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