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Being, le nouvel album de Baaba Maal, surfe entre continuité thématique et rupture stylistique

Un homme en grand boubou tient un micro
Baaba Maal se produit au Barbican Centre le 30 mai 2023 à Londres, en Angleterre. Robin Little/Redferns via Getty Images.

Sorti le 31 mars 2023, “Being”, le nouvel album de l’artiste sénégalais, Baaba Maal, comporte sept titres qui s’inscrivent tous ou presque dans une continuité thématique. Les sujets qui y sont abordés – l’amour, la solidarité, la solitude, l’humilité, l’immigration, l’environnement, etc. – sont à la fois universels et intemporels. Ils s'accordent avec chaque époque.

Mes recherches portent sur l'oralité, entre autres. Dans cet article, je passe en revue le dernier album de Baaba Maal qui surfe entre continuité thématique et rupture stylistique.

Dans cet album composé de sept titres, l'artiste chante sa communauté (les pêcheurs), invite à la modération, à la retenue et à la sobriété dans les prises de parole, avec l'explosion des nouveaux médias qui, en libérant la parole, amplifient le phénomène et nous exposent à des dérives.

Baaba Maal magnifie la beauté de la nature, de l'hivernage et de la femme peule. Il aborde également le thème de la migration - une tradition bien ancrée dans le nord du Sénégal dont il est originaire - depuis la sécheresse du début des années 70. L'amour, un autre thème cher à l'artiste, y est également chanté.

L'artiste surnommé le roi du Yeela - genre poétique et musical peul- reprend beaucoup de chansons de son répertoire. Malgré leur ancienneté, ces morceaux n’ont pas pris une ride. Baaba Maal s’est juste employé ici à actualiser ces thèmes pour les (re)connecter avec les problématiques de l’heure liées à l'immigration, à l'environnement, au climat, etc.

Rupture du style musical

Cet album de l'artiste qui a récemment fait une apparition dans le blockbuster américain “Black Panther : Wakanda Forever” marque une rupture au niveau du style musical. En effet, ici, Baaba Maal ne s’enferme pas dans le Yeela, un style musical qu'il a largement popularisé et dont il est le porte-étendard mais s’ouvre plutôt, comme il l’a dit récemment, à plusieurs apports musicaux, à plusieurs sonorités fruits de sa rencontre avec d’autres artistes, d’autres peuples, d’autres cultures, inscrivant cet album dans le genre de la world music.

L’actualisation de ces problématiques et cette ouverture à d’autres apports permettent à l’artiste, qui a marqué plusieurs générations de mélomanes du Sénégal, de l’Afrique et du monde, de susciter l’intérêt des plus jeunes pour son œuvre musicale.

Baaba Maal interprète Wakanda dans Black Panther 2.

Appartenance à l'universel

La musique de Baaba Maal interpelle non seulement les gens de sa génération mais également les plus jeunes qui utilisent ses nouvelles productions pour les challenges, leur lubie dans le réseau social TikTok et les “henné time”,une nouvelle tendance chez les jeunes filles sur le point de se marier, une pratique qui a un immense succès sur les réseaux sociaux.

Dans cet album, on note la participation de jeunes artistes comme la Sénégalaise Rougui et le rappeur sénégalo-mauritanien Paco Leñol. Baaba Maal décline ses différentes identités en tant qu’artiste et en tant que citoyen du monde tout court. En effet, tout en réaffirmant sa cubalagu (l’art d’être cubballo/pêcheur), sa pulaagu (l’art d’être peul), sa sénégalité et son africanité, il revendique son appartenance à l’universel. Revendication amorcée déjà dans The traveller (sorti en 2016) et même bien avant.

Le titre de l'album, le gérondif being montre, par ailleurs que cette identité n’est pas un processus achevé mais qu’il s’agit d’une construction permanente. En effet, l’identité se construit au fil des contacts sociaux. L’individu se construit une identité par rapport à l’autre sur une base dialogique. La dimension plurielle de l’identité entre, dès lors, en ligne de compte dans le processus de transformation de l’individu.

L’identité peut, donc, se concevoir comme une construction sociale et historique. C’est ainsi que l’humain, de manière générale, et l’artiste, en particulier, véritable globe-trotter, qui parcourt le monde, demeure perméable à tous apports culturels fruits de ses pérégrinations et devient, à la longue, un être qui est le produit d'additions successives.

Transmission de l'oralité

Par ailleurs, deux clips accompagnent cet album. Il s’agit de “Ndungu” qui, tout en restant dans la description du paysage renaissant de l'hivernage, superpose un autre thème cher à Baaba Maal : l’émigration. Ici, si, à quelques expressions près, le texte est resté sensiblement le même, la vidéo, quant à elle, introduit une nouveauté plus conforme à la réalité actuelle.

Le clip Yeri Mayo de l'album Being de Baaba Maal.

En effet, jadis, l’émigré envoyait de ses nouvelles et recevait celles de sa famille à travers des correspondances qui pouvaient mettre beaucoup de temps dans le circuit de la Poste avant d’arriver à destination, dans ce clip le couple, pour tromper sa solitude, s’échange avec ses smartphones, des messages qui sont reçus de façon instantanée.

Le clip “Yeri Maayo Celebration” s’ouvre par une scène qui se passe au bord de l’eau rappelant le cadre de cette manifestation, à la fois, culturelle et économique appelée Fiifiire ou chasse au crocodile. Cette scène reproduit le contexte de transmission de l’oralité africaine. On y voit l’artiste septuagénaire se tenant face à un petit garçon qui répète les paroles du chant sans bien sûr que sa voix ne soit audible.

L’homme finit par partir, laissant sur place l’enfant imprégné des valeurs de sa communauté et prêt à s’ouvrir au monde.

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