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Quand la nature efface peu à peu l’empreinte du non-vivant. Andy Purviance/Flickr, CC BY-NC

Biodégradable, compostable, biosourcé… quelles différences ?

La quasi-totalité des substances produites par le vivant sont biodégradables, à l’inverse de la quasi-totalité des matières plastiques qui, comme le verre et les métaux, sont au mieux « recyclables ». Cette propriété, aussi bien distribuée entre les règnes du vivant et de l’inerte, a de quoi nous intriguer.

Pourquoi le vivant est-il presque toujours biodégradable, et le non-vivant presque jamais ?

L’impermanence du vivant

Ce qui caractérise le vivant, c’est l’impermanence ; la faculté de se reproduire, de se renouveler. Pour ce faire, les molécules qui en tissent la structure doivent pouvoir se faire et se défaire. Sous quelles influences et avec quelles énergies ? Celles de la nature : le pouvoir oxydant du dioxygène de l’air, les frottements de l’eau dans les rivières, la chaleur de la terre et de l’atmosphère, les longueurs d’onde de la lumière du soleil… Les plus faibles énergies (ondes radio, vent) ne les affectent pas ; les plus fortes (ultra-violets C, rayons gamma, foudre…) les détruisent radicalement.

Les mêmes énergies, celles de notre environnement terrestre commun, réalisent donc à la fois la construction et la décomposition du vivant. Si tel n’était pas le cas, soit le vivant serait construit à jamais, soit il aurait été incapable d’émerger de la soupe moléculaire primitive.

Dès lors, il nous suffit de lui appliquer des actions très peu supérieures à la gamme d’énergies qui caractérise sa structure pour l’altérer, et très peu inférieures pour le conserver : une exposition prolongée à l’air libre ou quelques dizaines de degrés appliqués à la viande, à l’œuf ou à la banane suffisent à en transformer définitivement la texture, alors que vingt degrés de moins ou une atmosphère inerte permettent d’en préserver l’intégrité des semaines durant. Ce qui vaut pour la viande vaut d’ailleurs pour la nôtre : ce sont bien les mêmes agressions qui, en quelques décennies, transforment notre apparence aussi dramatiquement.

Le passage du temps sur nos corps. Khánh Hmoong/Flickr CC-BY-NC

Il existe toutefois quelques matières inertes au sein du vivant, et dégradables dans le règne minéral : l’altération hydrolytique du granite en constitue un parfait exemple. Les carapaces, les os et les dents des animaux, à l’inverse, subsistent après la mort de leurs hôtes, parfois des siècles s’ils sont enfouis dans la terre. Mais s’ils ne subissent pas le sort des enveloppes charnelles de leurs ex-propriétaires, c’est justement parce que leur rôle est de protéger ces derniers des agressions de leurs environnements ou, lorsqu’il s’agit des dents, de les aider à déstructurer le vivant.

La permanence du synthétique

L’homme moderne, pour construire ses outils, ses armes, ses machines et son confort, a eu besoin de matériaux résistants au feu, à l’air et à l’eau. D’abord inspiré par la solidité des pierres, des dents et des os, il a puisé ce qu’il pouvait dans le monde de l’inerte, monde par essence résistant aux environnements modérés puisqu’il s’y est maintenu des millions d’années durant. Puis il a cherché à synthétiser des matériaux nouveaux, aux propriétés encore plus performantes.

La compréhension des mécanismes de la matière, mais surtout la maîtrise de puissantes sources d’énergie l’y ont aidé dès lors que, grâce à elles, il pouvait générer des liaisons chimiques d’une stabilité supérieure à celles sur lesquelles son environnement naturel avait prise. Ainsi sont apparus dans ses fours et réacteurs : les alliages, le verre, les matières plastiques, les composites… autant de matières non biodégradables.

Et ainsi en va-t-il bien entendu des emballages plastiques que l’eau, le vent et le dioxygène de l’air ne parviennent à affecter qu’au travers d’échelles de temps démultipliées, faute d’énergies naturelles suffisantes.

Que faire alors, pour profiter de matériaux qui ne soient pas dégradables trop facilement mais qui ne subsistent pas trop longtemps dans l’environnement après avoir été mis hors d’usage ?

Inépuisables plastiques. mbeo/Flickr, CC BY-NC-ND

Les premières tentatives autour des plastiques furent désastreuses : ainsi naquirent des substances dites biodégradables qui n’étaient en fait que « bio- ou oxofragmentables ». Constituées d’une juxtaposition de composants dégradables facilement et de fragments résistants, elles laissent derrière elles, en disparaissant des regards, des fragments de polymères parfois plus nocifs encore que la substance initiale non décomposée. Le NEOSAC par exemple, vanté par les industriels il y a une dizaine d’années, fut très violemment critiqué par les associations de protection de l’environnement. Majoritairement composé de polyéthylène, il ne répondait pas à la norme nationale NF EN 13 432 de biodégradabilité, reconnue par tous les acteurs du secteur.

Biodégradable, compostable, biosourcé…

L’écart entre le concept théorique de biodégradabilité et ses manifestations dans le monde industriel est vertigineux. On se perd même très vite dans une foule de termes dont les champs d’application se recoupent et se superposent. Quelques précisions sont nécessaires pour s’y retrouver.

Un produit est dit biodégradable lorsqu’il réintègre sans nuisances un cycle de régénération de substances naturelles. Après usage, il doit donc pouvoir être absorbé ou décomposé par des êtres vivants (en général les micro-organismes présents dans le sol tels que champignons, bactéries, etc.), et/ou se disséminer naturellement, sans résidus non assimilables ou toxiques pour l’écosystème du lieu considéré (idéalement sous forme d’eau et de dioxyde de carbone, voire de méthane). L’ensemble du processus doit en outre se dérouler sur une durée courte par rapport à la temporalité des activités humaines. Paradoxalement, certains plastiques dérivés du pétrole sont biodégradables. Une substance peut par ailleurs être considérée comme biodégradable, mais être néanmoins source de pollution si elle est répandue en trop grande quantité, comme c’est le cas des phosphates lessiviels, biodégradables mais responsables de l’eutrophisation des rivières.

Un matériau est dit compostable lorsqu’il est susceptible de se dégrader dans un composteur industriel, où la température peut atteindre 70 °C sous l’effet des transformations chimiques qui y décomposent la matière organique en humus. Un emballage certifié compostable peut dès lors ne pas être décomposé, ou seulement très lentement, dans un compost domestique. Il convient donc de préciser, lorsqu’on évoque le caractère compostable d’un matériau, la nature du compostage envisagé. Enfin, compte tenu des températures nécessaires au compostage, un composé compostable n’est pas nécessairement biodégradable.

Les substances dites oxofragmentables, oxobiodégradables, oxodégradables ou hydrobiodégradables sont des composés pétrochimiques auxquels des additifs ont été ajoutés, qui leur permettent de se fragmenter de différentes manières et à différentes échelles en présence d’oxygène, de lumière, de chaleur ou d’eau. Ils ne sont pas compostables et peuvent au contraire altérer la qualité des composts.

Un plastique biosourcé est un matériau composé intégralement ou partiellement de polymères d’origine végétale, issus de la pomme de terre, de la canne à sucre, du bois, du maïs, de déchets verts, etc. Selon que la résine mélangée au bioplastique est biodégradable ou non, un plastique biosourcé n’est pas nécessairement biodégradable lui-même.

Les bons gestes à adopter pour le tri sélectif (CNEWS, 2015).

Un concept complexe et paradoxal

Souvent considérée comme une panacée mais parfois également vue comme un leurre destiné à préserver la surconsommation sous couvert de bonne conscience écologique, la « biodégradabilité » est un concept complexe, multiforme et difficile à appliquer concrètement et avec clairvoyance au quotidien. Ainsi un sac de caisse biodégradable ne présente-t-il aucun intérêt par rapport à un autre s’il doit finir sa vie dans une poubelle classique. Et même si le circuit de retraitement des déchets passe par un composteur industriel, il lui suffira d’être compostable pour s’y intégrer proprement.

D’où cet étrange et cynique paradoxe : les emballages plastiques biodégradables n’ont de sens que lorsqu’ils échouent dans la nature. Si la production de plastiques biodégradables ne revêtait des enjeux politiques et communicationnels destinés à ouvrir de nouveaux secteurs d’activité économique ou à valoriser les résidus végétaux de certaines filières agricoles, elle sonnerait comme un terrible aveu d’impuissance. Tant il semblerait plus simple d’investir dans l’évolution des comportements, de réguler leur utilisation, voire… de ne pas les produire du tout !

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