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Cent jours de dépression pour un Donald Trump presque avalé par le système

Sur la base aérienne d'Andrews (Maryland), le 28 avril 2017. Jim Watson/AFP

Drôle de célébration pour Donald Trump. Cent jours à peine après son investiture, le voilà adossé au mur et, s’il était sur un terrain de sport on serait bien obligé de constater que l’attaquant infatigable est devenu un défenseur qui semble presque dépassé par les actions d’un match dans lequel il n’a pas réussi à entrer. Il promettait de secouer le petit monde très protégé de Washington. Il annonçait une révolution. Il certifiait que tout irait vite et serait grandiose.

Le bouillonnant candidat a pourtant été rattrapé par le principe de réalité : aux États-Unis, l’homme le plus puissant du monde a droit à un beau bureau ovale dans une maison blanche, certes ; mais il n’a pas les clés du pouvoir et sa situation se révèle extrêmement fragile. Donald Trump l’a appris à ses dépens.

Échec au Congrès

En premier lieu, ses décrets migratoires, censés protégés l’Amérique mais visant trop directement le monde musulman, ont été retoqués par les juges qui les ont estimés contraires aux valeurs portées par les Américains. Ce raté a aussi fédéré les déçus de l’élection, qui ont trouvé là une raison de faire entendre leur colère contre ce Président dont ils voulaient pas.

Il n’a pas eu plus de chance du côté du Congrès : le refus cinglant opposé par les plus conservateurs l’a empêché de tenir une promesse majeure de sa campagne, celle de l’abrogation et du remplacement de l’Obamacare. Il s’est alors retrouvé pris en sandwich entre les Républicains modérés et les plus conservateurs, chaque groupe refusant de céder un pouce de terrain à l’autre : le marécage de Washington, qu’il promettait de nettoyer, a eu raison de lui.

Les luttes intestines au Congrès ont resurgit et Donald Trump a dû abandonner son sort aux politiciens, ceux qui connaissent ce système, qu’ils pratiquent depuis des lustres. Hélas pour lui, ils l’ont alors achevé en lui soutirant l’acceptation du retrait de sa demande de financement de son mur. Or, sans financement, pas de mur. Les Mexicains ne le paieront pas non plus.

Parcours du combattant

La situation n’est pas plus simple sur le plan international. Son conseiller spécial Steve Bannon avait théorisé une nouvelle politique : « L’Amérique d’abord et Seulement l’Amérique. » Tout le monde y a cru. D’autant que, le 28 février, il indiquait devant le Congrès qu’il n’était pas le Président du monde, seulement celui des Etats-Unis. Puis tout a basculé rapidement.

De reculs en volte-face, ces 100 premiers jours ont fini par ressembler à un parcours du combattant et chaque jour semblait amener un nouvel obstacle. Son rapprochement avec les Russes, qu’il pensait être moderne et susceptible de marquer un tournant dans l’histoire des relations internationales, a fini par s’écraser sur des accusations de prises d’intérêts et d’influence malsaine ou des enquêtes qui ont touché jusqu’à son cercle le plus proche. Il y a enfin eu une intervention en Syrie que Vladimir Poutine, son potentiel nouvel ami, n’a pas acceptée.

Un à un, les liens invisibles qui lient les mains des dirigeants, tressés par des groupes d’intérêts qui n’entendent pas changer leurs habitudes, ont fini par bâillonner Donald Trump. L’étape symbolique des 100 jours arrive trop tôt. Aucune réforme d’envergure, aucune loi majeure, rien n’est à retenir de cette séquence. La Maison Blanche se console en mettant en avant la nomination d’un nouveau juge à la Cour Suprême. Elle passe sous silence que les Républicains ont été obligés de changer la règle des confirmations par y parvenir. Pas très glorieux.

« Je regrette ma vie d’avant »

Depuis une semaine, Donald Trump –qui cherche un exploit à présenter à la presse– multiplie les décrets et les annonces. Là encore, il a fait chou blanc : son dernier décret contre le financement des villes sanctuaires par le pouvoir fédéral a, à son tour, été bloqué par une Cour fédérale. Il a beau pester, menacer les juges de Cour suprême, rien n’y fait et son crédit commence à être atteint.

On dit qu’un malheur n’arrive jamais seul : son annonce d’un déploiement de bateaux dans la mer de Chine, dont le porte-avion USS Carl Vinson, a tourné à la farce quand le monde appris que le navire faisait en réalité route vers l’Australie. Même un bombardement surprise et massif en Afghanistan, signalant le retour à une politique interventionniste, n’a rien calmé. Elle aurait du moins ramené dans son giron des Républicains pur sucre, qui n’avaient jamais tout à fait accepté ce Président.

Car le Parti républicain mène la danse désormais et, peu à peu, Donald Trump donne toutes les clés de son pouvoir à ceux qui l’entourent. « Je n’imaginais pas que cela allait être si dur », a-t-il confessé à la veille de cette célébration des 100 jours. « Je regrette ma vie d’avant », a-t-il ajouté. On peut encore signaler qu’il célèbre cette journée en laissant sous-entendre qu’un conflit majeur avec la Corée du Nord n’est pas à exclure !

L’impeachment, la procédure américaine de destitution du président, que certains annonçaient comme rapide et inéluctable, n’est toujours pas à l’ordre du jour. La lassitude et la démission, en revanche, que l’on n’avaient pas vu venir, deviennent sérieusement des options qu’il faudra suivre.

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