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Une formule grasse pour l’hydratation. BD2412/Wikipédia

Cold cream : que contient ce cosmétique à succès ?

Le cold cream ou cold crème (oui, il s’agit bien d’un nom masculin) est une formule cosmétique bien étrange. Tout le monde, ou presque, en parle sans pour autant bien savoir de quoi il s’agit. Tout particulièrement indiqué en cas de sécheresse cutanée, et ce qu’elle qu’en soit la cause, la mention « cold cream » s’affiche sur des cosmétiques aussi variés que des laits, des crèmes, des sticks… pour le visage, le corps, les lèvres… dans des produits de soin ou d’hygiène. Difficile, dans ces conditions, pour le consommateur de se faire une idée de ce qui se cache derrière ce nom galvaudé. Afin d’y voir plus clair, il est nécessaire de remonter le temps.

L’ancêtre : le cérat de Galien

Le Grec Galien. Gravure de Georg Paul Busch

C’est à Claude Galien, médecin grec du IIe siècle de notre ère, que l’on attribue la paternité d’un des premiers cérats connus. Obtenu par « mélange d’huile d’olive, de cire d’abeille et d’eau ou d’infusés de plantes aromatiques » le cérat en question présente des vertus thérapeutiques. Effet émollient (ce produit forme un film gras à la surface de la peau ce qui limite les pertes en eau) et protecteur cutané justifient son entrée, bien plus tard, dans trois ouvrages de référence pour les pharmaciens, à savoir le Codex, la Pharmacopée et le Dorvault.

Des trois ingrédients d’origine on passe à six dans le Codex 1908 (huile d’amande douce, blanc de baleine, cire d’abeille, eau distillée de rose, huile volatile de rose, teinture de benjoin) et dans la Pharmacopée française (2012) (palmitate de cétyle, cire d’abeille, huile d’amande douce, teinture de benjoin, borax, eau aromatisée de rose). Le Dorvault (23e édition, 1995), quant à lui, distingue le cérat cosmétique ou cold cream du cérat de Galien. La formule du cold cream y est similaire à celle retrouvée dans la Pharmacopée.

Notons que la teinture de benjoin du fait de son caractère particulièrement allergisant n’est pas un ingrédient intéressant. De la même façon, le borax présent dans la formule de la Pharmacopée n’est pas un ingrédient anodin. La toxicologie des dérivés du bore (acide borique, borate de sodium également appelé borax) est, en effet, bien documentée et sans ambiguïté. Ceci permet de comprendre la réglementation cosmétique en vigueur actuellement : contre-indication chez l’enfant de moins de 30 mois et en cas de peaux lésée.

La lecture de ces différents documents de référence nous révèle la complexité de la situation. Le cérat cosmétique est, a priori, une formule toute simple… Oui, mais selon les sources les ingrédients utilisés ne sont pas les mêmes. L’huile d’olive d’origine est remplacée par de l’huile d’amande douce. La cire d’abeille est parfois accompagnée de blanc de baleine. Parfois même, sont proposées des variantes incluant des dérivés de la chimie du pétrole (paraffine par exemple).

Le cold cream selon René Cerbelaud

En 1933, le pharmacien René Cerbelaud consacre un chapitre du tome II de son formulaire de parfumerie aux cold creams. Ce pharmacien qui ne manque pas de talent ni d’énergie met sa plume et son laboratoire au service des consommateurs de l’époque. Il dévoile ainsi la composition des formules à la mode. Les crèmes Simon, Diadermine… la bandoline Bakerfix… n’ont plus de secret pour lui ni pour leurs utilisateurs. Les ingrédients sont dévoilés, au grand dam des industriels qui voient dans ce pharmacien un peu trop zélé un empêcheur de formuler en rond !

Mais revenons au cold cream. René Cerbelaud propose différents synonymes pour désigner un produit alors très en vogue. Cold cream, cérat cosmétique, cérat de Galien, cérat blanc ou amygdalin, crème froide, pommade à la Sultane, pommade de Limaçon… L’engouement pour le terme cold cream remonte au XVIIIe siècle, ce produit étant alors très prisé des parfumeurs anglais. Ceux-ci mélangeaient une cire, une huile et une eau florale afin d’obtenir une crème grasse.

Contrairement à ce que le nom pourrait laisser croire, le procédé d’obtention se fait à chaud. Chaque élément de la formule doit être chauffé avant d’être mélangé dans un mortier lui-même « ébouillanté ». Le produit obtenu se conserve assez mal car aucun conservateur n’est utilisé. Il est donc conseillé de conserver ce produit au frais, si l’on ne souhaite pas appliquer sur sa peau un véritable bouillon de culture. Ce n’est donc ni le procédé d’obtention ni l’effet ressenti au moment de l’application sur la peau qui est à l’origine de cette notion de « froid » mais bien plutôt un impératif de conservation.

Formulé en pharmacie

On l’aura compris en lisant cette courte histoire du cold cream, il n’existe pas une mais plusieurs formules pouvant répondre à cette appellation. Rien d’opposable dans le domaine. Certains laboratoires proposent un produit assez proche de la formule mise au point par Claude Galien. C’est le cas des laboratoires La Roche Posay qui propose un « cold cream naturel » à la composition irréprochable ne comportant que 4 ingrédients (paraffine liquide, cire d’abeille blanche, blanc de baleine synthétique, eau de la Roche Posay).

La cire d’abeille, ingrédient ancestral du cold cream. Wikipédia, CC BY-SA

Le cold cream Cooper, quant à lui, suit la formule de la Pharmacopée. Il contient donc du borate de sodium (chose que l’on peut regretter !).

Ces formules peuvent être utilisées comme excipient pour réaliser des préparations magistrales. Le médecin prescripteur y adjoindra tel ou tel principe actif selon la pathologie à traiter.

Le cold cream peut donc être fabriqué par le pharmacien dans son préparatoire ou par l’industrie pharmaceutique afin de servir de support pour des principes actifs. Cette coloration pharmaceutique donne à cette préparation toute simple une véritable aura. Les services marketing de l’industrie cosmétique l’ont bien compris. Plus la liste des ingrédients s’allongera, plus on s’éloignera du cold cream d’origine. En outre, un argumentaire mentionnant une texture « non grasse » plaide en faveur d’un mauvais ersatz. Le cold cream riche en corps gras est par définition de texture grasse. Alors « cold cream or not cold cream » à vos listes INCI (nomenclature internationale des ingrédients cosmétiques) pour démasquer les vrais des faux !

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