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Comment déchiffrer le mouvement humain ?

Se mouvoir, quoi de plus naturel ? Il nous paraît évident d’associer le mouvement à des activités locomotrices telles que la marche ou la course. Mais le mouvement, c’est bien plus que ça. Il est l’unique moyen dont nous disposons pour communiquer avec notre environnement. Il nous permet de produire des gestes, d’écrire, de parler, de sourire, etc. Mais l’apparente facilité avec laquelle nous réalisons un vaste répertoire de mouvements cache en réalité une grande complexité. Par exemple, nous concevons des ordinateurs capables de battre n’importe quel humain aux échecs… Mais s’il s’agit de manipuler avec dextérité́ les pièces sur l’échiquier, un enfant se débrouillera bien mieux que n’importe quel robot.

600 muscles, 360 articulations

Cet exemple, donné par le neuroscientifique anglais Daniel Wolpert permet d’apprécier le chemin qu’il nous reste à parcourir pour comprendre la complexité́ de la production de nos mouvements. Produire un mouvement, même simple, nécessite de coordonner des muscles et des articulations. Le nombre impressionnant de muscles (environ 600) et d’articulations (environ 360) dont dispose le corps humain, implique que chaque mouvement peut être exécuté́ de différentes manières. Par exemple, pour réaliser une flexion du coude, simple en apparence, nous disposons de trois muscles principaux. Ainsi, nous pouvons en théorie n’utiliser que l’un d’entre eux ou n’importe quelle combinaison entre ces muscles. Les choses se corsent à mesure qu’on augmente le nombre de segments impliqués dans le mouvement.

Contrôle nerveux du mouvement.

Se posent alors des questions qui passionnent bon nombre de scientifiques : sur quelle(s) base(s) coordonne-t-on nos différents muscles et articulations pour produire un mouvement ? En d’autres termes, pourquoi choisit-on une stratégie parmi une infinité (ou presque) de stratégies possibles ? Cette question essentielle se double d’une autre : comment prendre en compte les différences individuelles ? Y répondre est crucial si on veut optimiser le mouvement (dans un but de performance sportive ou de rééducation) ou le reproduire (pour un robot, pour contrôler une prothèse). Compte tenu du nombre quasi infini de possibilités de coordination pour réaliser la plupart de nos mouvements, nous n’utilisons pas tous les mêmes stratégies.

Nous sommes tous différents ! La biométrie en tire profit pour reconnaître des individus sur la base de caractéristiques physiques telles que le visage, l’iris ou les empreintes digitales. Mais la différence n’est pas que physique, ni statique. Chacun interagit de façon particulière avec l’environnement : il nous est tous arrivé de reconnaître un proche par sa manière de marcher. Vous vous rappellerez peut-être d’un système d’identification basé sur l’analyse de la marche présent dans le film Mission Impossible : Rogue Nation. Mais la réalité vient de dépasser la fiction. Des études scientifiques récentes démontrent que l’intelligence artificielle peut permettre de reconnaître un individu lorsqu’il marche sur la base de la force qu’il exerce au sol, ou du mouvement de sa silhouette. Les autorités chinoises semblent être très intéressées par cette nouvelle technique biométrique puisqu’elle utilise déjà un système développé par la société Watrix qui permet de reconnaître les individus à partir de simples caméras de surveillance. L’avantage réside dans la possibilité d’identifier un individu à une distance allant jusqu’à 50 mètres.

Signatures individuelles

Au-delà des applications potentielles, ce qui intéresse les scientifiques c’est la signification de cette avancée technologique. En effet, si un algorithme est en mesure de reconnaître les individus, cela signifie que chaque individu possède sa propre façon de marcher, et donc une signature individuelle du mouvement.

La mise en évidence de ces signatures amène à de nouvelles questions : d’où proviennent ces différences entre les individus ? Existe-t-il des signatures du mouvement propices à la réalisation d’une performance sportive ? Existe-t-il des signatures du mouvement plus à même de conduire au développement de troubles musculo-squelettiques ? Toutes ces questions sont au cœur de notre travail, dans notre laboratoire de recherche de l’Université de Nantes.

Des études utilisant l’intelligence artificielle, certaines en cours, semblent démontrer qu’il existe également une signature de la manière dont on coordonne nos muscles pour produire un mouvement. En d’autres termes, si nos mouvements sont différents, c’est que l’on utilise des combinaisons de muscles différentes et pas uniquement à cause de différences anatomiques (taille, masse musculaire, etc.). L’impact de ces différences sur la performance sportive reste encore peu compris. Par exemple, un cycliste professionnel qui peut réaliser jusqu’à 30 000 cycles de pédalage par jour ne semble pas produire un mouvement différent de celui d’une personne qui ne fait ordinairement pas de vélo. Il existe même des différences importantes entre les cyclistes dans la manière dont ils coordonnent leurs muscles.

Le développement d’outils de mesure toujours plus complets, couplé au développement relativement récent du suivi scientifique au sein des équipes cyclistes professionnelles, devrait permettre de mieux comprendre le lien entre la production du mouvement et la performance. Enfin, il est probable que chaque stratégie de coordination musculaire induise des contraintes spécifiques sur les structures non musculaires comme les tendons et les articulations. Certains troubles musculo-squelettiques pourraient alors être déclenchés ou entretenus par certaines stratégies de coordinations musculaires, mais cela reste encore à démontrer.


Pour en savoir plus sur le mouvement humain, que l’on soit simplement intéressé ou professionnel en rapport avec le corps, il est possible de s’inscrire à un MOOC gratuit, notamment piloté par l’auteur de cet article.

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