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Comment fonctionne le système d’information de l’ONU ?

Immeubles de l'ONU à New-York. Mike Steele/Flickr, CC BY

La fabrique de l’information au sein de l ‘Organisation des Nations Unies (ONU) repose sur un Système d’Information de Gestion (SIG) qui est caractéristique des organisations de (très) grandes tailles. Ces systèmes et ces technologies seront ici abordés sous l’angle de leur contribution fonctionnelle même si, dans le cas de l’ONU, une autre approche – de type fictionnelle – peut être bienvenue. Cette approche fictionnelle pourra faire l’objet d’une seconde contribution.

De quoi s’agit-il ?

D’un point de vue purement fonctionnel et instrumental le SIG onusien a surtout pour mission de fabriquer de l’information censée être utile à la gestion de l’organisation. Toutefois il est encore perçu comme une juxtaposition d’infrastructures, d’applications, de sites, d’interfaces et de procédures anciennes, hétérogènes et très peu intégrés (Unbisnet, iSeek-External, e-PAS, SIG X 8, Inspira, etc.).

Cette perception de l’outil influence aussi la perception de la contribution de l’outil c’est-à-dire l’information qu’il met à la disposition des utilisateurs habilités (end users, key users, information system assistant, information system officer, etc.). Ainsi, il est d’usage de le qualifier en interne d’assez peu efficace au regard de la demande croissante d’information pertinente, accessible, fiable et « up to date ».

Cette perception est relativement injuste au regard des efforts et des moyens que l’ONU a déployés pour repenser et reconfigurer – au travers du vaste système « Umoja » qui signifie « unité » en swahili – et nous allons ici décrypter et recontextualiser cette mutation.

Il est ainsi clairement souligné que Umoja se doit de remplacer et de mettre en cohérence un grand nombre d’anciens systèmes non interopérables et fragmentés comme IMIS, SUN ou encore MERCURY :

« Umoja is a complete reworking of the way the United Nations Secretariat manages its administration, in both business processes and Information Technology solutions. A new central administrative system, Umoja replaces multiple and fragmented legacy systems such as IMIS, Mercury and Sun. »

Un rappel historique et contextuel

Le SI de l’ONU a été créé en même temps que le Département de l’information en 1946 par la résolution 13 de l’Assemblée générale. Ce système assure en externe un rôle de vecteur de prise de conscience mondiale et une meilleure compréhension du travail des Nations Unies et en interne une fonction d’aide à la décision.

Il utilise depuis longtemps la radio, la télévision, les publications institutionnelles et depuis la fin des années 1990 le réseau Internet et ses outils (vidéo-conférences, workflow, gestion électronique des documents, etc.). Bien évidemment l’Internet (incluant ici les réseaux intranet et extranet) joue un rôle déterminant à l’ONU avec un site web emblématique un.org devenu l’un des plus riche et consulté à l’échelle mondiale et sa principale source de diffusion de l’information.

À ce jour, les bases de données et sites de l’ONU fournissent une multitudes d’informations et de ressources (et le plus souvent en accès libre !) aux Secrétariat Général et dans toutes les structures décentralisées de l’ONU à travers le monde y compris de nombreuses affiches, roadmap et autres cheat sheet.

Un projet d’intégration du SI nommé « Umoja »

Néanmoins, avant d’arriver à un tel résultat, au seuil de l’an 2000, cet imposant SI externe et interne était devenu à la fois très complexe, très peu souple et rarement efficace. Fondamentalement, il était devenu obsolète comme le signalaient divers rapports dans les années 2000 ! Il était coûteux, difficile à maintenir et peu adapté à un monde de plus en plus connecté et réactif. Dans le même temps, les taches, missions et responsabilités liées à l’ONU explosaient…

La mise en place d’un projet d’intégration du SI basé sur un progiciel intégré de type ERP (Enterprise Resource Planning/Progiciel de Gestion Intégré) depuis 2002 a permis peu à peu l’unification de la plupart des sous-systèmes en un seul système appelé Umoja, référence explicite à l’Afrique, à la langue Swahili et à sa contribution.

Une interopérabilité applicative concernant neuf sous-systèmes

Certes, cette unification et standardisation d’une grande partie des sous-systèmes d’information des nombreuses organisations onusiennes décentralisées fut un vaste et complexe projet. Il nécessita de nombreuses sessions de formation et de fréquentes interventions sur site des intégrateurs et des développeurs.

Par exemple, les neuf sous-systèmes suivants furent concernés par cette intégration autour d’une même base de données pivot : central support services, finance et budget, programmes and project management, supply chain et logistic, GRH, management organisationnel, time management, gestion des voyages et gestion des rémunérations.

Comme le souligne la DSI de l’ONU elle-même : « At the center of this transformation is the implementation of leading-edge Enterprise Resource Planning (ERP) software that provides a harmonized and streamlined approach to the (following) core organizational functions »

Néanmoins ce type de projet est aussi synonyme – comme tous projets ERP à large périmètre – de dysfonctionnements, d’échecs, de contournements, de dépassements et de retards opérationnels qu’il convient de souligner. Certaines inquiétudes (dé-localisation, équilibrage nord-sud) des personnels des agences sont également à souligner notamment au siège européen de Genève.

Partons des données collectées, stockées et traitées au sein du système d’information des Nations Unies – siège à New York et échanges avec les bureaux et agences de tous les continents – pour montrer en quoi ces dysfonctionnements sont inhérents à la taille, au périmètre et à la diversité du système d’information lui-même.

Comment fonctionne désormais le SI de l’ONU ?

Le dispositif informatique de l’ONU est – de facto – un système complexe qui fonctionnait, avant l’adoption du projet Umoja, dans des conditions assez difficiles et assez défaillantes. La coordination de tous les sous-systèmes n’était ni facile ni logique ni – parfois – souhaitée.

Certes, la mise en service d’un progiciel de gestion intégré au travers du projet « Umoja » a permis à l’ONU de moderniser ces fonctions administratives et d’améliorer la fabrique, la collecte et le traitement – y compris le contrôle – de l’information.

L’adoption et l’utilisation d’un système intégré de type ERP dans le système des Nations Unies permettent de fluidifier la circulation de l’information et d’assurer une gestion rigoureuse à la fois (1) des ressources humaines, (2) des flux physiques et (3) des flux financiers de l’Organisation des Nations Unies. Nous notons une réorientation clairement centrée sur les résultats et sur la coordination des activités.

Le SI repose des données collectées et saisies sur le terrain par les experts et agents de l’ONU qui sont ensuite sécurisées, stockées et traitées au sein d’une vaste base de données dont l’unicité est plus logique que physique (cette caractéristique est essentielle pour pouvoir parler d’ERP ou de PGI).

En effet, il perdure de nombreuses bases de données opérationnelles sur le terrain et au siège new-yorkais notamment les différentes organisations autonomes de l’ONU telles que la FAO, l’OMS, le PNUD, l’OIT, l’UNHCR, l’UNICEF, etc.

Puis, comme dans tous les systèmes intégrés, les différents modules fonctionnels se doivent d’interopéré via la base de données logique de façon à pouvoir mettre à disposition des utilisateurs, au bon endroit, au bon format et au bon moment, les informations qu’ils ont traitées sous réserve des habilitations nécessaires.

Des progrès via des progiciels intégrés (PGC, PGRC, Umoja)

Depuis 2010 environ, le déploiement de nouveaux progiciels intégrés a permis à l’ONU de moderniser son système d’information. D’une part, l’adoption du système Umoja apparaît comme un réel progrès notamment au travers d’une administration plus rigoureuse des ressources humaines, financières et matérielles.

D’autre part, l’adoption des progiciels PGC pour la gestion des contenus et PGRC pour la relation client a permis de traiter efficacement l’exploitation des données pour minimiser les retards constatés dans le traitement de l’information. Les deux progiciels (PGC et PGRC) sont complémentaires, ils ont un lien étroit avec le système Umoja.

Cette interopérabilité doit également faire l’objet de sessions de formation et de _training session _pour que les agents puissent de facto se l’approprier.

L’interopérabilité de ces trois progiciels, la standardisation des données et formats et l’offre massive de sessions de formation destinés aux utilisateurs sont clairement à l’origine de la réussite de ce projet de modernisation du système d’information. Cette modernisation en interne apparaît également comme un vecteur d’amélioration de l’image de l’ONU en externe.

Une capacité de changement (trop) peu médiatisée

Malgré les balbutiements applicatifs, les non-conformités technologiques, les problèmes liés à l’incontournabilité de la langue anglaise (notons les six langues officielles à l’ONU : l’anglais, l’arabe, le chinois, l’espagnol, le français et le russe) et la réticence des États sur le financement du projet SI, l’ONU a su mettre les moyens afin d’implémenter un ERP réputé difficile à intégrer.

Ce type de réussite – finalement assez peu médiatisée – est également à mettre au crédit d’une organisation trop souvent décriée pour sa lourdeur administrative qui a montré au travers de ce vaste projet intra-organisationnel sa capacité à s’adapter et à se stabiliser..

Il convient toutefois de ne pas oublier que cet outil SI est avant tout destiné à faciliter le fonctionnement de l’ONU et à aider ses agents sur le terrain. Gageons que cette contribution, sur la durée, sera positive.

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