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Comment les scientifiques mesurent le monde

Balance de Kibble. Author provided

Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la science (du 5 au 13 octobre 2019 en métropole et du 9 au 17 novembre en outre-mer et à l’international) dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition aura pour thème : « À demain, raconter la science, imaginer l’avenir ». Retrouvez tous les débats et les événements de votre région sur le site Fetedelascience.fr.


Après l’année 2018 placée sous le signe de la démarche scientifique, la fête de la science en Ile de France axera sa thématique « A demain » sur les mesures, qui sont cruciales, tant pour la quantification d’observation de phénomènes physiques, que pour les organisations humaines dans leurs dimensions économiques et sociales. Les scientifiques expliqueront ce qu’ils mesurent et comment ils procèdent. Ils feront découvrir l’importance des mesures dans leur domaine de recherche et dans nos vies quotidiennes. En tant qu’ambassadeur de l’évènement en Ile de France, cette année, j’interviendrai lors de la conférence « Deux poids, deux mesures » à l’Astrolabe de Melun, avec ma collègue du Bureau international des poids et mesures (BIPM), Céline Fellag Ariouet. Nous retracerons ensemble l’histoire de la mesure à travers les siècles et les fondamentaux scientifiques de nos laboratoires de métrologie contemporains.

Qu’est-ce qu’une mesure ?

Prenons un double décimètre et effectuons une mesure de longueur. On place la règle au plus près de l’objet à mesurer, en respectant un positionnement parallèle à la dimension recherchée, puis on lit la graduation : elle correspond à la taille de l’objet. Dans les faits, on a comparé la dimension recherchée, avec une autre dimension, elle, connue (celle de la règle). La mesure est une visualisation qui s’effectue à l’aide des graduations de la règle. On en déduit ainsi un chiffre, dans l’unité de l’instrument de mesure utilisé (ici le centimètre), affecté d’une erreur potentielle liée au processus de mesure. C’est le principe de base de tout travail métrologique : la comparaison.

La mesure peut se décliner dans tous les domaines de la science, à toutes les grandeurs métrologiques : elle caractérise une grandeur, dans une unité, avec une incertitude. Ceci nécessite toutefois la maîtrise du processus choisi ainsi qu’une entente préalable sur la référence utilisée. Toute grandeur (masse, longueur, activité, pression, etc.) peut ainsi être quantifiée sous condition d’avoir à sa disposition une référence appropriée.

Le Système international d’unités

Revenons à la question essentielle : sur quel référentiel toute comparaison peut-elle être garantie de manière fiable ? Un système de référence à l’échelle planétaire s’est imposé aux communautés humaines et a vu le jour grâce à la Révolution française, avec la signature de la Convention du mètre.

Ce système est le Système international d’unités (SI) : sept unités de base, entérinées lors des CGPM (Conférence générale des poids et mesure), associées aux sept grandeurs de base (figure ci-dessous), et complétées d’unités dérivées et de préfixes. Les derniers changements de définition des sept unités de base ont été votés lors de la séance publique de la dernière CGPM, qui s’est tenue à Versailles le 16 novembre 2018. Toutes les autres unités disponibles, reconnues dans le SI (se référer à la brochure du SI, édité par le BIPM), sont en fait des déclinaisons de ces premières :

  • Soit des multiples (ou sous-multiples) des précédentes. Le kilomètre est un multiple du mètre (1 km = 103 m) ; la femtomole est un sous-multiple de la mole (1 fmol = 10-12 mol).

  • Soit des unités dérivées de plusieurs autres unités de base. Le Joule, nom spécifique pour la grandeur métrologique travail (ou énergie ou quantité de chaleur), repose sur le kilogramme, le mètre et la seconde (1 J = 1 kg.m2.s-2).

Les sept unités de base du SI. CLEA

Lors de la fête de la science, les visiteurs de l’espace Pierre Gilles de Gennes de l’ESPCI (École supérieure de physique et de chimie industrielles de la ville de Paris), pourront se rendre compte expérimentalement des précautions nécessaires à toute évolution du SI : ils exploreront la construction d’une unité de mesure. En inventant ce qui leur permettra de quantifier une observation et de communiquer entre eux leurs résultats, ils seront amenés à réfléchir aux notions de base que sont : l’échelle, la définition d’un point zéro, les relations avec les unités de base du SI.

2018 : révolution ou évolution ?

Depuis le 20 mai 2019, les définitions de chacune des unités de base ont toutes été littéralement modifiées. Quatre d’entre elles (kg, K, A et mol) ayant été fondamentalement changées : elles reposent désormais (comme c’était le cas pour la candela, le mètre et la seconde) sur des constantes, dites de définition. Ce socle est donc constitué de sept constantes, désormais de valeurs fixes :

Les 7 constantes du SI. Author provided

Leur valeur respective a été entérinée en juillet 2017, après 2 à 3 décennies de travaux de recherche sur les déterminations de h, e, k et NA.

Ce changement de paradigme est une révolution pour les métrologues. En effet, ce changement a marqué la disparition du dernier étalon matérialisé : le kilogramme international IPK, ratifié étalon international en 1889, donc référence métrologique de masse depuis presque 130 ans. Ce petit cylindre d’un peu moins de 4 cm de hauteur, constitué d’un alliage de platine et d’irridium, était, donc par convention jusqu’en mai dernier, d’une masse égale à 1kg exactement.

Mais ce n’est pas la seule raison. Désormais, il existe un socle commun à toutes les unités de base. Elles reposent sur des fondations universelles, de la nature, via des constantes fondamentales en science (telles que e ou h) ou des propriétés de matériaux (Kcd, qui est défini conformément aux propriétés de l’œil humain).

Ce système plus cohérent est le moteur d’avancées potentielles en sciences alors que celles-ci sont de plus en plus multidisciplinaires ; les mesures reposant sur des références métrologiques nationales plus robustes.

L’un des points essentiels en métrologie a été garanti : la continuité des références métrologiques. En effet, le passage d’une définition à l’autre a été assuré par de nombreuses comparaisons de références, entre différentes instrumentations, reposant sur des phénomènes physiques non identiques, dans différentes régions du monde.

Un tel changement est donc une évolution… jusqu’à de nouvelles évolutions technologiques qui rendront nécessaire une autre révision de ce référentiel.

De la définition à l’utilisation pratique

Pour passer de la définition, théorique, à des mesures pratiques, on passe par des références métrologiques qui rendent possible le processus de comparaison. Au LNE-Paris (Laboratoire national de métrologie et d’essais), pilote de la métrologie en France et lors du Café des sciences à Louveciennes, ceci fera l’objet de plusieurs interventions : la mesure et l’étalonnage dans différents domaines, dont celui des rayonnements ionisants, seront expliqués par des représentants de la métrologie française.

Dans Les mille et une mesures en chimie, l’exploitation du phénomène physico-chimique sera central au centre de Chimie Paris-Tech. La quantification de l’acidité ou pH, est une notion clé en chimie et le chou rouge sera utilisé pour constituer une échelle de pH.

La mesure de la qualité de l’air sur la base de l’observation de lichens sera exposée à « Science pour tous ! » à Ris Orangis. L’Institut Cochin ouvrira les portes de ses laboratoires pour expliquer avec des quizz, jeux et manipulations le rôle clé de la mesure et des instruments en biologie pour qualifier et progresser dans la connaissance de diverses pathologies (diabète, cancer, maladies génétiques…) et donc améliorer les solutions cliniques sur les patients. Pour les musiciens, la lutherie Baschet ouvrira les portes de l’acoustique.

Enfin, si la dimension polysémique du mot « mesure » vous intéresse, vous pourrez interroger la question de « démesure » au festival « Sciences à domicile ou à deux pas de chez soi » de Bagnolet.

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