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Des agents électoraux procèdent à des essais sur une machine à voter avant les élections de 2023 en RDC. Photo: Patrick Meinhardt/AFP via Getty Images)

Démocratie en Afrique : la technologie de vote numérique et les médias sociaux peuvent être une force pour le bien et le mal

_C'est une année exceptionnelle pour les élections sur le continent : d'ici à la fin 2024, 20 pays devraient organiser des élections nationales. Une poignée d'autres prévoient également des élections locales. Comme partout ailleurs dans le monde, les technologies numériques sont amenées à jouer un rôle clé dans les élections africaines et, plus largement, dans la vie politique - parfois, mais pas toujours, de manière positive.

Maxwell Maseko fait des recherches sur la gouvernance numérique et les médias. Il a récemment publié un chapitre de livre sur les menaces et les avantages potentiels des technologies numériques pour la démocratie dans les pays africains. Il partage ici ses conclusions.

Les pays africains peuvent-ils utiliser la technologie numérique pour renforcer la démocratie ?

Ces dernières années, dans les pays africains, l'accès à l'internet s'est accru comme jamais auparavant. Cette croissance est due à l'amélioration des infrastructures de télécommunication et à l'adoption croissante des appareils mobiles.

Dans le même temps, on assiste à une régression démocratique inquiétante dans certains pays et régions, en particulier en Afrique du Nord. Ce phénomène se manifeste par une montée des régimes militaires, une hausse du nombre de conflits violents et un mécontentement croissant de la population à l'égard des systèmes politiques.

Aujourd'hui, les plateformes de médias sociaux comme X (anciennement Twitter), WhatsApp et Facebook sont régulièrement utilisées pour débattre, mobiliser les citoyens et organiser des manifestations.


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On peut citer notamment le Printemps arabe de 2010 dans les pays d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient et les manifestations #FeesMustFall d'Afrique du Sud qui ont débuté en 2015.

Lors des manifestations en Zambie en 2020, 500 000 personnes auraient suivi en ligne leurs dirigeants, via les plateformes de médias sociaux et critiqué la corruption présumée du gouvernement.

Ce n'est là qu'un exemple qui illustre la manière dont la technologie numérique peut renforcer la démocratie en permettant aux citoyens de s'impliquer. Il y a d'autres exemples qui montrent qu'elle peut améliorer les services de santé et d'éducation et le renforcement des méthodes de collecte des impôts et des recettes.

Quels types de technologies numériques peuvent être utilisés ? Et comment ?

De nombreux pays africains ont des systèmes de gestion des élections déficients. Les citoyens s'inquiètent à juste titre de l'ingérence humaine dans les processus électoraux, ainsi que du manque de transparence et de contrôle.

Une étude de l'Inde et de certains pays d'Amérique et d'Europe indique que les technologies numériques peuvent être utilisées pour restaurer la crédibilité et l'intégrité des élections.

Cette approche est déjà adoptée dans certains pays du continent, notamment au Kenya et en Afrique du Sud, qui sont considérés comme des démocraties plus solides que d'autres.

Lors des élections locales de 2021, l'Afrique du Sud a expérimenté l'utilisation de Voter Management Devices (des appareils de gestion des électeurs) pour remplacer les scanners. Les machines ont été utilisées pour authentifier les électeurs et prévenir les votes multiples.

Cependant, il y a eu quelques couacs lors de la mise en pratique. Des problèmes de connexion Internet ont été signalés le jour du vote. Environ 100 000 personnes n'ont donc pas pu voter. Malgré cette mésaventure - et les inquiétudes récemment exprimées par des membres du Parlement quant à l'efficacité des machines - les appareils devraient être réutilisés lors des élections nationales de 2024, qui auront lieu le 29 mai.

Les plateformes de réseaux sociaux sont également bien utilisées par la Commission électorale indépendante d'Afrique du Sud et par divers partis politiques pour promouvoir l'éducation et l'inscription des électeurs, les campagnes politiques et les débats sur les grandes questions nationales. C'est un bon moyen d'essayer d'atteindre les plus de 45 millions d'utilisateurs actifs de l'internet sur une population de plus de 60 millions.

Le Kenya considère également l'adoption de la technologie comme une étape importante pour améliorer la responsabilité, la transparence et la participation des citoyens aux processus démocratiques auparavant sujets à des controverses et de la méfiance. Aujourd'hui, les Kényans utilisent des plateformes de réseaux sociaux comme X, Facebook et Instagram pour exprimer leurs opinions sur diverses questions. Les hommes politiques utilisent également ces plateformes pour faire campagne et mobiliser leurs militants.

Son Système intégré de gestion des élections comprend une technologie pour l'enregistrement biométrique des électeurs et l'identification électronique des électeurs.


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Le vote électronique est cependant loin d'être une réalité dans les pays africains. Selon le Forum économique mondial, le vote électronique présente des avantages tels que des élections plus efficaces et un décompte des voix plus rapide.

Ailleurs, le Brésil, l’Inde, les États-Unis et l’Estonie ont expérimenté le vote électronique.

En 2014, la Namibie est devenue le premier pays africain à adopter des machines à voter électroniques. Bien que le système ait été sujet à des problèmes techniques, les machines ont été réutilisées lors de l'élection présidentielle de 2019 en Namibie.

Qu'en est-il de son utilisation abusive par les gouvernements ?

A la lumière du déclin démocratique de certains pays et régions que j'ai mentionné précédemment, nous avons vu un certain nombre de gouvernements restreindre l'accès à Internet de leurs citoyens pour les empêcher de s'organiser, de se mobiliser ou même de discuter de leurs griefs avec leurs dirigeants.

Depuis les années 2000, l'Éthiopie, a régulièrement restreint l'accès à l'internet et a censuré à de nombreuses reprises des contenus en ligne. Son gouvernement utilise également Internet comme outil de surveillance. Le Centre éthiopien pour l'avancement des droits et de la démocratie déclare que l'accès à l'internet reste inégal et coûteux.

En République démocratique du Congo, il y a eu plusieurs coupures d'internet avant les élections présidentielles de décembre 2018. Mais même lorsque l'internet fonctionne, il n'est pas très accessible. Dans un pays de plus de 70 millions d'habitants, seulement 22,9 % étaient connectés au début de l'année 2023. Cela est dû à une infrastructure insuffisante et à des coûts d'accès élevés.

Qu'est-ce qui doit changer ?

Les dirigeants africains doivent se rappeler qu'une élection n'est pas toujours synonyme d'une démocratie saine, même si elle donne aux citoyens la possibilité de choisir et d'évaluer leurs dirigeants. Adopter une attitude positive à l'égard de la technologie contribuera à renforcer la démocratie.

L'attitude, bien sûr, ne suffira pas. Les autorités doivent créer des conditions sociales, politiques et économiques propices à l'accès de tous aux avantages du numérique. Cela nécessitera une volonté politique, des acteurs qualifiés ayant une compréhension générale des technologies de base, une infrastructure adéquate en matière de technologies de l'information et de la communication, des données abordables et une législation.

Cet accès et cette technologie doivent ensuite être mis à profit pour introduire des méthodes de vote modernes.

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