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Des défauts dans une aile d’avion ? C’est parfait !

Aile. Pxhere

Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la Science 2018 dont The Conversation France est partenaire. Retrouvez tous les débats et les événements de votre région sur le site Fetedelascience.fr.


Le laboratoire SIMaP (« Science et Ingénierie des Matériaux et Procédés ») participe régulièrement à la Fête de la Science, à Grenoble. Il présente cette année au public un atelier qui déconstruit l’idée reçue qu’un « défaut » dans la matière serait nécessairement une mauvaise chose. La démonstration du groupe de recherche « Physique du Métal » s’articule autour de la fabrication d’une aile d’avion.

Les ailes des avions sont le plus souvent construites en aluminium : ce matériau métallique de faible densité permet de garder la structure de l’appareil suffisamment légère afin de limiter la consommation de carburant nécessaire à un vol. Mais l’aluminium, pour tout un chacun, c’est aussi le fameux « papier d’alu ». Alors, imagineriez-vous embarquer dans un avion dont les ailes seraient constituées d’une épaisse couche de ce papier argenté, particulièrement malléable ? L’idée n’est pas très rassurante…

Dislocations

Comment se fait-il donc que l’aluminium soit plébiscité pour cette application industrielle pour laquelle la résistance mécanique est importante ? La réponse est simple : alors qu’il est naturellement plutôt mou, il est durci par différentes méthodes. Les métaux sont cristallins, c’est-à-dire qu’ils sont constitués d’atomes ordonnés les uns par rapport aux autres de façon régulière et géométrique. Mais la plupart du temps, ils ne sont pas parfaits : on y trouve des défauts appelés « dislocations », des décalages dans l’organisation des atomes induits par un ou plusieurs atomes qui ne sont pas à leur place. Ces dislocations, lorsqu’elles peuvent bouger, conduisent à la déformation du métal. Pour durcir celui-ci, il faut donc les empêcher de se déplacer !

Un défaut dans un cristal. Auteur

On empêche les dislocations de se déplacer par différents procédés :

  • L’alliage : au lieu d’utiliser un métal pur composé d’un seul type d’atomes, on ajoute des éléments afin d’introduire des atomes d’une autre nature, plus grands, plus petits, avec des caractéristiques différentes… Qui permettront de stopper ou ralentir les dislocations qui les rencontrent. Dans le cas de l’aluminium utilisé en aéronautique, on ajoute souvent du cuivre.

  • L’introduction de précipités : en utilisant le bon alliage et un traitement thermique adapté, on peut créer des précipités, ou sortes d’agrégats d’atomes de quelques nanomètres, qui stoppent ou ralentissent les dislocations à leur rencontre.

  • La déformation : on déforme le matériau au préalable, avant son utilisation, pour y introduire davantage de dislocations. En effet, lorsque différentes dislocations se rencontrent, elles s’empêchent mutuellement d’avancer. L’aluminium ainsi déformé est donc plus dur. Cette déformation peut se faire par exemple par « laminage » (faire passer le matériau entre deux rouleaux compresseurs).

  • Ajouter des joints de grains : les « grains » sont des zones dans le matériau dans lesquels le cristal est orienté dans une même direction. Quand on change de grain, il s’agit toujours d’un cristal (les atomes sont bien rangés les uns par rapport aux autres) mais on change de direction. Le passage d’un grain à un autre, par franchissement du « joint de grain », l’interface, peut ralentir ou stopper la dislocation.

C’est donc en intégrant de nouveaux défauts (atomes étrangers, précipités, dislocations, joins de grain…) qu’on durcit d’aluminium. Les défauts dans un matériau, cela peut donc être un atout pour ses propriétés mécaniques !

Expérimentez !

Sur le stand « Aile d’avion » du laboratoire SIMaP, ces concepts sont illustrés et expliqués par des expériences pratiques : on pourra y évaluer la densité de différents métaux ; tenter de simuler un cristal parfait, des joints de grains, ou des dislocations à partir d’un jeu de billes ; tester la résistance d’une pièce d’aluminium pur et celle d’un alliage ; zoomer au plus profond de la matière grâce à une vidéo réalisée à partir d’images de microscopie électronique, et encore d’autres expérimentations.

Ce sera aussi l’occasion pour le public de jouer à l’apprenti métallurgiste. Pour cela, un groupe d’étudiants et de passionnés de science ou d’informatique ont imaginé un jeu vidéo : « Forgeron Baston ». Développé par l’équipe « Nickel-Chrome » à l’occasion de la Scientific Game Jam 2017, il est disponible en téléchargement en ligne et s’inscrit dans la lignée des « jeux sérieux » à visée éducative.

Le jeu ForgeronBaston. Auteur, Author provided

Forgeron Baston permet de faire le lien entre l’élaboration et les propriétés des matériaux. Forgez une meilleure épée que votre adversaire en choisissant une combinaison de minerais, éléments d’alliage et traitements thermomécaniques afin de trouver le meilleur compromis entre dureté (capacité à éviter la déformation), ténacité (capacité à éviter la rupture) et légèreté… Les jeux développés lors des différentes éditions de la Scientific Game Jam auront également leur propre espace de démonstration dans le village « 28 nuances de science ».


Le 13 octobre 2018, SIMaP sera présent au village « 28 nuances de Science » sur le domaine universitaire de Saint-Martin-d’Hères avec l’atelier « De la simple touche esthétique à la production de lumière, les revêtements sont partout… » et la rencontre « Des défauts dans une aile d’avion ? C’est parfait ! ».

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