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Comment préserver ses muscles en cas d'arrêt forcé de l'activité sportive ? Pexels

Des vibrations pour prévenir les effets de l’inactivité musculaire

Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la science (du 5 au 13 octobre 2019 en métropole et du 9 au 17 novembre en outre-mer et à l’international) dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition aura pour thème : « À demain, raconter la science, imaginer l’avenir ». Retrouvez tous les débats et les événements de votre région sur le site Fetedelascience.fr.


Ce n’est plus à démontrer, l’activité physique présente de très nombreuses vertus pour notre santé, notamment la prévention et le traitement des maladies chroniques, comme le rapporte une récente expertise de l’Institut National de la Santé et de la Recherche médicale. Selon l’Organisation mondiale de la santé, le manque d’activité physique est considéré comme le quatrième facteur de risque de décès dans le monde, et il est recommandé pour sa santé un minimum d’activité physique chaque semaine (loisirs, déplacements, activités professionnelles, tâches ménagères, sports…).

Préserver sa condition physique permet de faciliter notre vie quotidienne en réduisant la fatigue induite par les activités courantes (monter les escaliers, faire le ménage…). Un cercle vertueux s’installe : plus actifs, nous sommes en meilleure forme, avec un impact favorable sur notre qualité de vie et notre santé. A l’inverse, adopter un mode de vie sédentaire entraîne un cercle vicieux de la fatigue (figure ci-contre).

Pourtant, dans certaines situations, nous sommes contraints de réduire notre niveau d’activité. Pensez par exemple à cette grippe qui vous a cloué au lit pendant 10 jours, ou encore à cette fracture qui a nécessité un mois de plâtre. Quelles en sont les conséquences ? En raison de l’inactivité musculaire, un déconditionnement s’opère, avec pour conséquence, entre autres, une diminution de la capacité de production de force. La première raison à cette perte de force est la diminution de la masse musculaire. « Use it or lose it », comme disent les anglo-saxons.

En d’autres termes, soit vous utilisez vos muscles, soit vous les perdez ! Mais ce n’est pas tout : quand vous utilisez vos muscles, toute une chaîne de commande, dite neuromusculaire, est mise en jeu et peut également être altérée à cause de l’inactivité.

Dans notre laboratoire de recherche de l’Université de Saint-Étienne, nous réfléchissons à une solution pour préserver les muscles en cas d’inactivité « forcée », à l’aide de la vibration.

L’appareil permet de produire des vibrations très localisées.

Les conséquences de l’inactivité

La décision du mouvement se prend dans le cerveau qui envoie un message électrique le long de la moelle épinière afin d’y activer des neurones moteurs chargés d’apporter le message jusqu’au muscle. Une fois le message électrique arrivé, il permet de mettre en place des mécanismes qui contractent le muscle. Ainsi, en plus de la fonte musculaire, l’inactivité conduit à une altération nerveuse que l’on peut décrire comme l’incapacité du système nerveux central à activer les muscles de façon maximale. C’est en quelque sorte la double peine : moins de muscles et plus de difficulté à mobiliser la masse musculaire restante !

Préserver ses capacités de production de force maximale est pourtant essentiel, à la fois pour maintenir de bonnes capacités fonctionnelles (pour réaliser les activités du quotidien) mais aussi pour prévenir l’arthrose. Lors de son séjour sur la station spatiale internationale, Thomas Pesquet pratiquait deux heures et demie d’exercice par jour, afin limiter tant bien que mal les effets de l’impesanteur rendant ses muscles locomoteurs inactifs.

Stimuler le muscle par la vibration

Mais comment faire lorsque la moindre contraction musculaire est impossible ou douloureuse ? Une solution que nous développons dans notre laboratoire de recherche à l’Université de Saint-Étienne consiste à utiliser la vibration. Nous ne parlons pas ici de l’utilisation des plates-formes vibrantes qui ont envahi les salles de fitness au début des années 2000. Nous utilisons plutôt des dispositifs de vibration locale, attachés sur un muscle ou un tendon, et permettant une stimulation vibratoire en toute sécurité : le patient n’a rien à faire de plus et peut rester assis ou couché, sans contracter ses muscles. C’est en quelque sorte comme si vous faisiez vibrer votre téléphone portable sur votre cuisse.

Que se passe-t-il alors lorsque l’on vibre ainsi un muscle ou son tendon ? La vibration va générer de micro-étirements, quasi imperceptibles, de nos fibres musculaires, et ainsi activer des récepteurs sensibles aux variations de longueur musculaire situés à l’intérieur de nos muscles. Ce sont ces récepteurs, les fuseaux neuromusculaires, qui sont notamment impliqués dans la contraction du muscle suite à son étirement, par exemple lorsque le médecin teste vos réflexes avec un coup de marteau sur votre tendon.

Ces fuseaux neuromusculaires sont également largement impliqués dans la proprioception, c’est-à-dire la perception consciente ou non de notre corps dans l’espace, de la position et des mouvements des différentes parties du corps, ainsi que de la force musculaire développée. Et justement, lorsque vous êtes inactifs, il en résulte une diminution de l’acheminement des informations proprioceptives des muscles jusqu’au système nerveux, ce qui contribue aux altérations nerveuses évoquées plus haut. La vibration pourrait alors combler ce manque et prévenir ces altérations. En effet, en vibrant les muscles, on peut par exemple donner l’impression à notre cerveau que nos membres sont en mouvement, sans pour autant qu’il y ait la moindre contraction. On parle alors d’illusion de mouvement. Cela peut être une très bonne solution pour prévenir les troubles de la mobilité induits par une période d’immobilisation.

Solliciter le système nerveux

La vibration est aussi un très bon moyen d’induire des changements sur la chaîne de commande neuromusculaire. Nos travaux démontrent que lorsque la vibration est appliquée de manière prolongée pendant plusieurs minutes, elle peut entraîner de la fatigue localisée dans le système nerveux, pouvant être mise en évidence par une diminution des capacités de production de force du muscle vibré.

C’est exactement la même chose qu’après une séance de sport, alors qu’avec la vibration il n’y a pas de contraction musculaire, pas d’effort ! En répétant les séances de sport, on progresse, on devient plus fort. On obtient exactement la même chose après plusieurs séances de vibration : de nombreuses adaptations nerveuses se mettent en place et permettent d’améliorer la commande nerveuse à destination du muscle, et on gagne en force ! Les applications cliniques potentielles sont nombreuses : personnes âgées, patients en soin intensif, traumatologie… Nos travaux doivent ainsi permettre de généraliser l’utilisation de la vibration dans un contexte clinique, comme en rééducation après reconstruction du ligament croisé antérieur. Et puis qui sait, peut-être que lorsque Thomas Pesquet partira en mission pour Mars, il emportera avec lui un vibrateur afin de lutter encore plus efficacement contre les effets de l’inactivité induite par l’impesanteur !

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