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« École et République » : pour une vision élargie de la qualité de l’enseignement (2)

Comment établir un indice de qualité des systèmes éducatifs ? Bertrand Langlois/AFP

Cet article est co-ecrit par François-Marie Gerard, directeur adjoint du Bureau d’Ingénierie en Éducation et en Formation (BIEF) ; membre du séminaire de recherche « École et République » du Collège des Bernardins.


La qualité est un enjeu constitutif de l’enseignement d’aujourd’hui et de demain. Tout comme dans le monde de la formation où l’on sait depuis longtemps qu’il ne s’agit plus de « former pour former », il est encore plus évident, de par sa fonction sociétale fondamentale, qu’un système éducatif ne peut pas se contenter d’« enseigner pour enseigner » ! Encore faut-il que cet enseignement soit de qualité !

Des critères de qualité

Mais que signifie cette « qualité » ? Les travaux du séminaire « École et République » (Collège des Bernardins, septembre 2014-juin 2016) ont défini cinq critères pour évaluer la performance des systèmes éducatifs et, en les combinant, définir un score de qualité.

Ces cinq critères, basés sur les données disponibles dans les études internationales, en particulier celles issues des enquêtes PISA de l’OCDE, ont permis de calculer un « score de qualité » des 34 systèmes éducatifs étudiés.

Les cinq critères utilisés portent non seulement sur les résultats, mais aussi sur le processus, ce qui est relativement nouveau :

  • l’efficacité (interne), comprise comme étant la capacité des systèmes éducatifs à permettre à leurs élèves d’atteindre de bonnes performances, à limiter la part d’élèves peu performants, et à maximiser la part d’élèves très performants.
  • l’équité, liée à la justice sociale, évalue dans quelle mesure un système éducatif réduit les disparités entre les plus forts et les plus faibles, entre les groupes favorisés et défavorisés.
  • l’efficience, s’attarde sur la nature et le volume des moyens mis en œuvre pour exécuter le programme d’éducation et donc pour atteindre ses résultats en mettant en relation les produits du système avec les ressources – qu’elles soient institutionnelles, humaines, matérielles, financières, spatiales, temporelles ou encore méthodologiques – qui ont été mises à sa disposition.
  • l’engagement des élèves, mesure la participation des élèves à la vie scolaire, leur motivation instrumentale et leur persévérance.
  • l’engagement des enseignants, mesure la participation des enseignants à la vie scolaire et leur engagement pédagogique vis-à-vis de leurs élèves.

Complexité

Ces cinq critères couvrent globalement ce qu’on entend par qualité d’un système éducatif au niveau international. De plus, les données disponibles permettent de les appréhender sans trop de difficultés, même s’il est toujours possible de discuter à propos des indicateurs qui les constituent.

Néanmoins, eu égard à l’indisponibilité de données fiables, ils ne prennent pas en compte des dimensions importantes pour refléter toute la complexité d’un système éducatif.

L’évaluation de ces dimensions n’est d’ailleurs pas sans difficulté méthodologique, ce qui explique en grande partie le fait qu’il existe peu de données comparables disponibles. Sans entrer dans le détail de leur évaluation, notamment les indicateurs qui la permettent, deux dimensions semblent particulièrement importantes (Gérard, 2011) :

  • l’efficacité externe, qui concerne les produits ou effets engendrés par le système de formation observés hors de ce système lui-même. L’évaluation de l’efficacité externe revient à se demander si les bénéfices attendus à la suite de la formation sont réalisés, non seulement eu égard à l’emploi, mais aussi en termes de citoyenneté responsable, d’épanouissement personnel, de communication sociale… L’efficacité externe est peu étudiée dans les enquêtes internationales, ce qui est relativement paradoxal dans la mesure où la question de l’employabilité est une des raisons principales de leur existence.

  • l’équilibre, qui porte sur la dimension pédagogique du système de formation. Celui-ci s’efforce de transmettre et de développer un certain « savoir » chez chaque individu. Il le fait de manière équilibrée lorsque toutes les dimensions de ce savoir sont effectivement promues auprès de l’apprenant, ce qui englobe, pour les systèmes éducatifs, les dimensions artistiques, culturelles, socioaffectives, psycho-sensori-motrices, technologiques… ainsi que les valeurs.

Indicateurs et méthodologies

Ce dernier critère – l’équilibre d’un système éducatif – permettrait encore mieux d’appréhender sa qualité en termes de processus, au-delà de ses seuls résultats.

Ses indicateurs (et les méthodologies pour recueillir les données) sont à développer, mais ils pourraient s’inspirer de ceux-ci : -le degré́ de prise en compte des différents domaines et activités de l’apprentissage dans les curriculums, dans les manuels scolaires, dans la formation des maîtres, etc. -le type d’activités d’apprentissage évaluées dans les épreuves d’évaluation de passage de classe ou de niveau, d’orientation ou de certification ; la répartition et le poids, dans l’horaire scolaire, des activités de type cognitif, psycho-sensori-moteur ou socio-affectif. -le degré́ d’intégration des activités d’apprentissage, évaluées essentiellement par le nombre d’apprentissages antérieurs et les relations entre ceux-ci sollicités dans des situations proches de la vie quotidienne, tant au moment des apprentissages qu’au moment des évaluations

Les travaux issus du Séminaire « École et République » ont permis d’élaborer un indice de qualité des systèmes éducatifs. Cet indice, qui permet de comparer les systèmes, prend en compte non seulement des critères classiques (efficacité interne, équité, efficience), mais aussi celui d’engagement, tant des enseignants que des élèves. Pour aller encore plus loin dans l’analyse, des réflexions sur la manière d’évaluer l’efficacité externe et l’équilibre des systèmes éducatifs sont non seulement bienvenues, mais aussi indispensables.


Ce texte est issu du colloque conclusif « Scénarios pour une nouvelle école » organisé le 23 juin 2016, suite à deux années de réflexion du séminaire « École et République » du Collège des Bernardins qui se proposait d’analyser la relation entre l’école et la République. Le colloque était organisé par Bernard Hugonnier et de Gemma Serrano, co directeurs du séminaire. Nous allons publier une série de huit articles sur le sujet.

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