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femme mesure son taux de glucose
Plusieurs articles scientifiques font maintenant état des résultats positifs et des conséquences à long terme d’une transplantation pancréatique pour guérir le diabète. (Shutterstock)

Greffe de pancréas : un pas de plus vers la guérison du diabète de type 1

Il y a 100 ans, le diabète de type 1 était synonyme de mort certaine. Malgré l’amélioration des soins de santé, l’espérance de vie des personnes qui en sont atteintes est raccourcie d’une douzaine d’année.

La découverte de l’insuline pour contrôler la maladie, en 1921, a changé la vie de millions de personnes. Mais une mauvaise administration de ce médicament peut encore causer des ravages, comme le démontre le drame vécu par le chanteur Karim Ouellet, décédé en novembre dernier.

Les chercheurs se tournent désormais vers la greffe de pancréas pour guérir le diabète. Et les résultats sont très prometteurs.

En tant que doctorante en biologie moléculaire et diabétique de type 1, j’ai un intérêt insatiable envers le partage de connaissances scientifiques liées au diabète.

Des îles productrices d’insuline

À quoi est dû le diabète de type 1 ? En quelques mots, il se développe lorsque le système immunitaire s’attaque à des amas de cellules, nommés îlots. Le pancréas compte près de trois millions d’îlots producteurs d’insuline. Cette hormone est produite lorsque la quantité de sucre dans le sang s’élève, ce qui se produit après avoir mangé des bonbons, par exemple. Afin de stabiliser la quantité de sucre qui circule dans le sang, l’insuline va transférer ce sucre aux organes pour leur fournir de l’énergie ! Sans insuline, les organes très demandant en énergie, comme le cerveau, ne peuvent pas être nourris et donc ne peuvent pas fonctionner correctement.

Au contraire, dans le cas du diabète de type 2, le pancréas s’épuise à force de produire trop souvent de l’insuline, qui devient défectueuse. Le sucre peut alors s’accumuler en grande quantité dans le sang, peu importe le type de diabète. À long terme, cela peut provoquer des dommages aux organes (reins, foie, os, yeux), aux vaisseaux sanguins et aux nerfs, ce qui entraîne de graves problèmes de santé.

À gauche, un pancréas en santé qui produit beaucoup d’insuline. À droite, un pancréas détruit chez une personne atteinte de diabète de type 1 qui ne produit presque plus d’insuline. Chez une personne atteinte de diabète de type 2, le pancréas s’épuise et produit de l’insuline défectueuse. (Maria Galipeau), Fourni par l’auteure

Bien que l’insuline soit couramment utilisée afin de contrôler le diabète, elle a des effets secondaires indésirables à ne pas négliger dont la prise de poids, une diminution de l’espérance de vie et le coma diabétique.

Il arrive même qu’une personne atteinte de diabète ait des taux de sucre très bas ou très élevés potentiellement mortels, comme en a été victime Karim Ouellet. L’injection d’insuline est ainsi limitée comme traitement à long terme pour contrôler le diabète. La greffe de pancréas offre l’espoir d’une vie sans multiples injections d’insuline quotidiennes.

L’approche consiste à isoler un pancréas sain chez une personne récemment décédée, ou une partie du pancréas d’une personne vivante, et le greffer dans le foie d’une personne atteinte de diabète.

Des greffes qui ne datent pas d’hier

Le 17 décembre 1966, les chirurgiens américains Dr Lillehei et Dr Kelly ont réalisé la toute première greffe de pancréas chez l’humain. À l’époque, les patients devaient recommencer à s’injecter de l’insuline dès six jours après la greffe. Quelques problèmes de santé survenaient également à la suite de la chirurgie, allant de l’inflammation du pancréas jusqu’à la mort des patients.

À gauche, Dr William Kelly avec le premier receveur d’une greffe. À droite, Dr Richard Lillehei. Image tirée de la revue « CIRUGÍA ESPAÑOLA »

C’est dans l’objectif de perfectionner et de simplifier les méthodes de greffe de pancréas que le protocole d’Edmonton a vu le jour, en mars 1999. Le docteur James Shapiro, professeur de chirurgie et d’oncologie à l’Université d’Alberta, dirige l’équipe qui a mis au point cette procédure révolutionnaire pour traiter les personnes atteintes de diabète de type 1. Les résultats de leur plus grande étude jamais réalisée sur la greffe de pancréas est parue en mai 2022.

La greffe de pancréas consiste à isoler les îlots du donneur sain et de les greffer dans le foie du patient atteint de diabète de type 1. (Maria Galipeau), Fourni par l’auteure

Cette étude d’envergure, réalisée à l’hôpital de l’Université d’Alberta, décrit les résultats à long terme (1999-2019) chez 255 patients atteints de diabète de type 1 âgés de plus de 18 ans. Les chercheurs ont innové en ajoutant deux médicaments immunosuppresseurs pendant les deux semaines suivant la greffe. Les immunosuppresseurs empêchent la destruction de l’organe greffé en bloquant le système immunitaire du receveur de greffe. Pour certaines personnes, de trois à cinq greffes de pancréas additionnelles sont nécessaires afin d’assurer la survie du nouvel organe chez les patients.

Une lueur d’espoir pour les patients

Malgré que les pancréas greffés semblent bien se porter un an après la première greffe, la survie du nouveau pancréas diminue après cinq ans et baisse considérablement après 20 ans. Certains patients ont dû reprendre de très faibles doses d’insuline après la greffe. Mais bonne nouvelle : après deux greffes de pancréas, quatre patients sur cinq peuvent complètement arrêter les injections d’insuline après un an.

Bien que ces résultats soient très prometteurs, les patients doivent prendre des immunosuppresseurs durant toute leur vie à la suite de la greffe, ce qui peut entraîner des cas de cancers de la peau, des infections et des retards de croissance chez l’enfant. Voilà pourquoi la greffe de pancréas n’a pas été réalisée à ce jour chez les enfants et les adolescents diabétiques.

Or, les nouveaux immunosuppresseurs utilisés dans le protocole d’Edmonton sont sans stéroïdes, ce qui minimise l’impact sur la croissance et le développement des enfants. Chez l’adulte, ces nouveaux immunosuppresseurs diminuent les risques de maladies cardiovasculaires, de rejet et d’infections après la greffe de pancréas.

Bien que cette thérapie ne soit pas parfaite, elle permet d’améliorer la qualité de vie des patients. À l’heure actuelle, de nombreuses facettes de la greffe de pancréas font l’objet d’études dans l’optique de favoriser son succès : l’élargissement du bassin de donneurs de pancréas, l’optimisation du site de la greffe et le développement de thérapies à base de cellules souches. Ces dernières, lorsqu’elles sont dérivées du propre sang d’un patient, permettraient d’éliminer l’usage d’immunosuppresseurs durant toute la vie.

Grâce aux progrès rapportés par l’équipe du protocole d’Edmonton, les patients atteints de diabète de type 1 peuvent garder espoir qu’une thérapie plus durable verra le jour dans un futur rapproché.


Un grand merci à Étienne Aumont, qui a révisé cet article.

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