Peu après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, j’ai expliqué que les Ukrainiens et l’OTAN ne devaient pas rejeter précipitamment les conditions de paix proposées par Vladimir Poutine afin de mettre un terme à la guerre.
Poutine a suggéré que pour mettre fin aux combats, la Russie aurait besoin non seulement d’un engagement ukrainien à ne pas rejoindre l’OTAN à l’avenir, mais aussi de reconnaître la souveraineté russe sur la Crimée et l’« indépendance » des régions séparatistes de Donetsk et Luhansk. Ces objectifs semblent toujours être les principaux exprimés par la Russie.
Depuis le début du mois de mars, les forces russes se sont enlisées dans les combats à la périphérie des grandes villes ukrainiennes, telles que la capitale, Kyiv, et la deuxième plus grande ville du pays, Kharkiv. La ville de Marioupol, dans le sud, a été le théâtre de combats particulièrement intenses et de destructions, les forces russes ayant adopté une stratégie basée sur l’artillerie.
Récemment, les forces ukrainiennes ont repris du terrain lors de contre-attaques localisées près de Kyiv et il semble également que les troupes russes se retirent de leur propre gré dans la même région, bien que les États-Unis soient dubitatifs.
La Russie n’a pas encore perdu la guerre
Il serait facile de suggérer que la Russie perd la guerre, mais ce serait simpliste.
La guerre ne se déroule certainement pas aussi bien que Poutine l’avait initialement espéré. Néanmoins, les forces russes ont progressé lentement mais sûrement dans les régions de Donetsk et de Luhansk.
Les briefings du général de division Igor Konashenkov, du ministère russe de la Défense, ont eu tendance à se concentrer sur les progrès constants réalisés dans ces régions séparatistes, et non sur les combats qui se déroulent ailleurs.
Le gouvernement russe a maintenant réaffirmé que ses intérêts clés se situent dans l’est de l’Ukraine et affirmé que la poussée militaire vers Kiyv depuis le nord-est essentiellement terminée.
L’intensité des combats autour de Marioupol indique que la Russie cherche à obtenir — et à conserver — un corridor terrestre entre la Crimée et le territoire russe à l’est.
Il ne serait pas très logique que les forces russes se battent aussi durement qu’elles l’ont fait pour Marioupol pour ensuite abandonner ce corridor. Néanmoins, il pourrait faire l’objet de négociations si les troupes russes l’occupent.
OTAN et garanties de territoire
Si Poutine ne veut pas être perçu comme celui qui a perdu la guerre, il doit pouvoir revendiquer un succès — non seulement en obtenant l’engagement de l’Ukraine à ne pas rejoindre l’OTAN, mais aussi en termes de territoire.
Quelle est donc la probabilité que Poutine obtienne ce qu’il veut et ce dont il a besoin politiquement pour mettre fin à la guerre ?
À court terme, peu de chances, même si les négociations semblent maintenant porter sur la question épineuse du territoire.
Mais il y a peu de signes de pression américaine et britannique pour une intensification des négociations, loin de là. Je partage l’avis de certains commentateurs occidentaux, comme l’historien Niall Ferguson, selon lequel il est tout à fait possible que les États-Unis n’aient pas ou peu d’intérêt à ce que la guerre se termine bientôt, à moins d’une défaite très évidente de Poutine.
Pour les États-Unis, une guerre prolongée permettrait non seulement d’accroître la pression sur le régime de Poutine, mais aussi de donner un élan à l’unité de l’Occident et de l’OTAN et aux promesses d’augmentation des dépenses de défense au sein de l’alliance.
Le gouvernement canadien vient d’ailleurs d’annoncer qu’il poursuivra l’achat d’avions F-35 aux États-Unis. C’est le genre d’annonce, provoquée par la guerre actuelle et les craintes d’une agression russe, qui sera accueilli positivement à Washington.
Sanctions et armes
Les États-Unis souhaitent accroître les sanctions économiques contre la Russie et combattre les forces russes avec des armes occidentales fournies aux Ukrainiens.
La récente déclaration du président Joe Biden, lors d’un discours à Varsovie, selon laquelle « Poutine ne peut rester au pouvoir » révèle sans doute quelque chose sur les espoirs de son administration quant au sort du dirigeant russe.
Pour compliquer encore les choses, les suggestions selon lesquelles la guerre se déroule en faveur de l’Ukraine renforcent la pression politique sur Volodomyr Zelensky pour qu’il ne cède pas de terrain – au sens propre comme au sens figuré — dans les négociations.
À court terme, l’espoir d’un règlement négocié durable semble donc bien mince. Poutine et Zelensky ont tous deux trop investi pour reculer sur les questions clés de territoire à ce stade. Toutefois, à mesure que la guerre s’éternise, les choses pourraient changer.
Plus de guerre et d’effusion de sang en perspective
Les chances que Poutine puisse être destitué en Russie restent très faibles.
Les sanctions occidentales et l’isolement de la Russie par rapport à l’Occident peuvent en fait, à court terme, accroître le soutien des Russes à Poutine et à sa guerre. Ce soutien en Russie dépassait largement les 50 % dans un certain nombre de sondages au début du mois de mars.
Ce qui reste, selon toute vraisemblance, ce sont de nouvelles semaines de carnage et de dévastation dans l’est de l’Ukraine. Si Zelensky et les dirigeants occidentaux veulent que la guerre prenne fin, ils vont devoir commencer à parler sérieusement de territoire.
À long terme, l’abandon de territoires à l’est fera probablement de l’Ukraine un État beaucoup plus viable et lui permettra de renforcer et d’accélérer ses liens avec l’Occident.
S’ils ne sont pas résolus, les différends territoriaux en cours avec la Russie constitueront une pierre d’achoppement majeure pour l’Ukraine dans sa quête d’adhésion à l’Union européenne, en particulier compte tenu de la clause de défense mutuelle. Celle-ci stipule qu’en cas d’attaque contre un membre, les autres doivent « aider et assister » par tous les moyens possibles.
L’idée que l’Ukraine doive céder des territoires à la Russie peut sembler désagréable pour plusieurs. Il s’agit de réalités militaires et politiques brutales, mais somme toute réalistes.