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La Covid-19 : une opportunité pour transformer les mobilités par l’urbanisme tactique

Un homme conduit un vélo à côté d'une ligne de tramway de la ville, le 24 janvier 2017, à Marseille.
Un homme conduit un vélo à côté d'une ligne de tramway de la ville, le 24 janvier 2017, à Marseille. Boris Horvat/Afp

La situation sanitaire que nous traversons avec l’épidémie de la Covid-19 a conduit à des prises de mesures d’urgence pour assurer la sécurité sanitaire et répondre aux attentes des habitants. Dans ce contexte, la transition des mobilités comme réponse immédiate à la crise présente un enjeu de résilience important pour nos territoires.

Mobilités urbaines

Se déplacer autrement, tel est le souhait manifesté par de nombreux citoyens suite au déconfinement notamment pour permettre le maintien des distanciations sociales. Pour répondre à ces attentes, des décideurs publics se sont saisis de l’urbanisme tactique, une opportunité renforcée par le vide laissé par la voiture. L’urbanisme tactique consiste, par des actions rapides et ponctuelles sur l’espace, à transformer les usages de la ville. Les « coronapistes » sont parmi ces actions qui relèvent de l’urbanisme tactique. Les près de 1 000 kilomètres de pistes cyclables temporaires mises en place pour le déconfinement sont une bonne illustration de l’engouement suscité par cette nouvelle manière de concevoir la ville.

Des cyclistes sur la place de la Bastille à Paris
Une photo prise à Paris, le 9 juillet 2020, montre des cyclistes sur la place de la Bastille à Paris. Thomas Samson/AFP

Une pratique qui s’est largement développée dans les villes intermédiaires correspondant à des aires urbaines de 200 000 à 500 000 habitants et exerçant des fonctions de centralité proches de celles des métropoles, mais avec un rayonnement régional. Ces dispositifs se sont présentés comme une occasion de « faire les preuves par le test » du besoin de multiplier les espaces consacrés aux mobilités actives.

Dans les [villes intermédiaires], le véhicule individuel est le moyen de transport majoritairement utilisé pour effectuer des déplacements, l’usage exclusif de la voiture et d’environ 40 % auxquels s’ajoute environ 10 % d’usage monomodal de la voiture. La pression exercée par les automobilistes pour conserver des voies d’accès rapide et des stationnements en tout point y est d’autant plus forte.

Par conséquent, les actions menées pour limiter la place de l’automobile ont souvent été moindres que dans les métropoles et de nombreuses villes intermédiaires ont accusé un relatif retard dans le déploiement de dispositifs en faveur des mobilités actives. Le déploiement d’actions d’urbanisme tactique post-confinement a permis de multiplier les expériences pour accompagner d’éventuels changements de pratiques de mobilité.

L’expérimentation par l’urbanisme tactique

L’expérimentation par l’urbanisme tactique, c’est-à-dire entreprendre des solutions à l’échelle de la rue et du quartier, peut s’avérer un outil pour une ville plus inclusive. Une ville qui permet la prise en compte de l’ensemble des besoins et des pratiques habitantes pour des espaces de mobilité partagés. En effet, l’urbanisme tactique par « petite touche » permet de repenser le rapport aux espaces publics.

Des premières initiatives d’urbanisme tactique ont été développées en ce sens au Canada dans les années 1990 avec les « marches urbaines exploratoires de femmes », avec pour objectifs une réappropriation des espaces de circulation et le renforcement de la liberté de circulation dans des espaces marginalisés. En mettant en avant la participation effective des habitants, l’urbanisme tactique peut favoriser l’appropriation des dispositifs, l’accessibilité d’espaces publics et renforcer l’accessibilité et la connectivité des espaces de mobilité sur le long terme.

Le traitement médiatique actuel de l’urbanisme tactique met principalement en lumière les actions menées en faveur du vélo. Pourtant, celles-ci ne se limitent pas aux déploiements de « coronapistes ». Elles comprennent également des dispositifs en faveur d’autres modes actifs tels que la marche. À Reims, la municipalité a entrepris, suite au déconfinement et en soutien aux commerçants, un élargissement des terrasses ainsi que la piétonnisation de plusieurs rues du centre-ville les week-ends du 5 juin au 31 août 2020, un dispositif qui s’est par ensuite pérennisé.

Le même type de dispositifs a été développé à Mulhouse durant la semaine européenne de la mobilité : un secteur entourant la zone piétonne a été fermé à la circulation automobile, de la rue Guillaume Tell jusqu’à l’avenue Kennedy. De nouveaux marquages au sol sur la voirie ont également vu le jour pour marquer le partage des usages entre piétons et cyclistes.

Les aménagements urbains à Mulhouse, le 5 août 2020. AMUP/IMM, Author provided

Par ces initiatives, les villes intermédiaires se saisissent de l’enjeu de transition des mobilités. Elles sont par ailleurs des espaces propices à l’idée du « de la ville du quart d’heure » qui consiste à avoir tout à disposition à 15 minutes de chez moi à pied ou à vélo. D’un point de vue global, les trois leviers d’action essentiels pour accompagner la pratique de la marche semblent activés : le développement des infrastructures (piétonnisation temporaire ou zone piétonne, continuité de cheminement, passage piéton, élargissement des trottoirs, etc.), le partage des usages (sécurisation des passages piétons, zone de rencontre, agir sur les cycles de feux, etc.) et l’expérimentation couplée à l’information.

La marche est identifiée comme le moyen de déplacement le plus efficace et le plus sûr pour les trajets jusqu’à 1 kilomètre. Les expérimentations menées en faveur de ce mode de déplacement participent à la volonté revendiquée des municipalités comme Reims et Mulhouse de s’inscrire dans le mouvement des villes apaisées, inclusives et accessibles.

Transformer les usages de la ville de demain

Les villes intermédiaires semblent s’être saisies de l’opportunité, de l’ouverture du cadre législatif suite à la crise, d’engager des changements conséquents, en matière de mobilité notamment par des aménagements sur la voirie. Les pouvoirs publics ont initié un ensemble d’actions en faveur des mobilités actives, à commencer par les pistes cyclables, la promotion de la marche ou encore des politiques en faveur de l’intermodalité.

Des aménagements qui ont été en partie pérennisés notamment par le biais d’aides de l’État telles que : le fonds national de 350 millions d’euros pour soutenir les projets de création d’axes cyclables et des subventions pour les collectivités territoriales pouvant aller jusqu’à 60 % du montant des travaux permettant le développement du vélo.

Circulation dense à Paris le 11 mai 2020. Thomas Coex/AFP

Cependant, la part modale du véhicule individuel carboné reste importante dans les villes intermédiaires. Cet effet pourrait être renforcé par la continuité de la crise de la Covid-19, qui a tendance à éloigner des usagers des transports collectifs. De plus, pensée à l’échelle de la ville et souvent peu à celle de l’agglomération, la capacité des dispositifs d’urbanisme tactique à apporter des réponses, en temps réel, à la problématique des mobilités urbaines dans leur ensemble reste à débattre.

L’ensemble de ces enjeux de mobilité urbaine tactique durant la période de confinement est l’objet du projet MUT’Action, sélectionné dans le cadre de l’appel à projet « Résilience Grand Est » porté par la Région Grand Est et l’Agence Nationale de la Recherche.

Il est évident que des changements de pratiques sont en cours et que l’urbanisme tactique participe à cette transformation des usages de la ville. La pérennisation de nombreux dispositifs laisse en effet entrevoir des évolutions des mobilités sur le long terme.

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