En Afrique, la pollution de l'air a causé 1,1 million de décès en 2019, dont près de 400 000 attribuables à la pollution de l'air ambiant, selon une étude publiée en 2021 par la revue Lancet Planet Health. À l’instar de beaucoup d’autres métropoles en croissance, les problèmes liés à la dégradation de la qualité de l’air à Dakar sont de plus en plus perceptibles. La vétusté du parc automobile, les rejets industriels, les combustibles à usage domestique, l’incinération des déchets au milieu des lieux d’habitation et l’intensité du trafic routier sont les principaux facteurs de pollution atmosphérique dans la capitale sénégalaise.
À cette pollution atmosphérique d’origine anthropique s’ajoute une pollution naturelle engendrée par les couches de poussière provenant du désert du Sahara. En effet, le désert du Sahara est considéré comme la plus grande source de poussières au monde. Il contribue à la moitié des émissions globales de poussières minérales dans l’atmosphère. Ces poussières sont émises dans l’atmosphère lors de tempêtes qui sont des vents forts peuvent soulever de grandes quantités de sable et de poussières. Elles sont ensuite transportées sur de longues distances par les vents jusqu’aux régions côtières d’Afrique de l’Ouest.
Ce texte se fonde sur mes recherches. Il met l'accent sur la problématique de la pollution de l'air à Dakar en identifiant les principales sources de pollution, en évaluant l'efficacité du dispositif de surveillance de la qualité de l'air et en explorant des solutions potentielles pour atténuer ce problème.
Les sources majeures de pollution de l’air à Dakar
Le secteur du transport routier
La croissance démographique rapide et l’urbanisation incontrôlée à Dakar ont exercé une pression considérable sur les besoins de mobilité, notamment sur la demande en transport. De 1976 à 2013, la population dakaroise est passée de 892 127 habitants à 3 137 196 habitants, soit une augmentation d'un facteur 3,5. Ce chiffre atteint aujourd'hui plus de 4 millions d’habitants. Dakar concentre plus de la moitié du parc automobile national. Ce parc, qui augmente rapidement, est surtout dominé par les véhicules intégrant les moteurs diesel. Étant donné la nature polluante des véhicules automobiles, l’accroissement du parc a forcément un impact négatif sur la qualité de l’air. Il entraîne une consommation accrue des produits pétroliers et donc des émissions de polluants.
De plus, le manque de rigueur dans le contrôle technique des véhicules automobiles, les congestions fréquentes de la circulation dans la capitale sénégalaise sont des facteurs aggravant les émissions de polluants. Les rejets d’oxydes d’azote issus du secteur des transports au Sénégal dans la période 2010-2015 représentaient ainsi environ 32 % des émissions anthropiques.
Le secteur industriel
Dakar regroupe 80 % du tissu industriel sénégalais, lequel se concentre majoritairement autour de la baie de Hann. Ces industries génèrent des déchets liquides et solides, des rejets atmosphériques et des nuisances sonores ou olfactives. Ne disposant pour la plupart d’aucun système de filtrage des polluants atmosphériques, elles les rejettent, après leurs activités, directement dans l’atmosphère.
Le secteur de l’énergie est ainsi responsable de 63 % des émissions de dioxyde de soufre et de 7 % des émissions d’oxyde d’azote.
L'incinération à l’air libre des déchets solides
La gestion des déchets municipaux pose un véritable problème à l’environnement en Afrique subsaharienne où le taux de collecte des déchets solides dans les villes n’excède pas 46 %. Le système de collecte des ordures reste défaillant. Ce qui pousse les populations à adopter des alternatives telles que l’utilisation des charrettes à traction animale ou le rejet des déchets dans des zones non habitées. Cela entraîne une prolifération des décharges sauvages. Ces dernières, qui se multiplient dans la capitale sénégalaise, ont d’énormes conséquences sur l’environnement, notamment sur la qualité de l’air. L'incinération à l’air libre des déchets solides par les ménages, mais aussi dans les décharges, est une pratique très fréquente et contribue clairement à la détérioration de la qualité de l’air.
L'impact des vents secs
L’harmattan est un vent de secteur nord-est, chaud et sec, qui souffle en provenance du Sahara. Au cours de son passage, il transporte d’importantes quantités de poussières du Sahara et des régions désertiques du Sahel. Des études ont montré que 60 % des flux de poussières du nord de l’Afrique se dirigent vers le Golfe de Guinée. En saison sèche, entre novembre et mars, la plupart des villes situées en zone sahélienne sont ainsi confrontées aux vents secs du Nord-Est, chargés de poussières minérales d’origine désertique.
Durant cette période, plusieurs villes de la région connaissent des niveaux de concentration en particules de poussières très élevés. A Dakar les niveaux de concentration en particules dépassent largement les seuils fixés par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS).
Les poussières en provenance du désert du Sahara viennent s’ajouter à la pollution atmosphérique d’origine anthropique que nous venons d'évoquer. Ces poussières désertiques peuvent avoir un impact sur l’environnement (réduction de l’intensité du rayonnement solaire, de la visibilité), sur les activités quotidiennes (suspension des vols) et sur la santé humaine. Par exemple, l'inhalation de particules de poussière peut aggraver les problèmes respiratoires existants, tels que l'asthme et les allergies.
Efficacité du dispositif de surveillance
La surveillance et la gestion de la qualité de l’air permettent de disposer de bons indicateurs en termes de risque sanitaire. Dakar fait partie des rares villes d’Afrique subsaharienne à bénéficier d’un réseau de surveillance de la qualité de l’air. Le réseau est constitué de 6 stations fixes (5 réparties dans la ville de Dakar et une autre à Guédiawaye, en banlieue).
En 2009, le gouvernement sénégalais a mis en place le Centre de gestion de la qualité de l’air (CGQA) pour évaluer la qualité de l’air à Dakar. La création du CGQA a été possible grâce à un financement du Fonds nordique de développement (NILU).
Les instruments de surveillance de la qualité de l’air sont très coûteux, ils nécessitent un personnel qualifié et une maintenance régulière. Par ailleurs, ces équipements sont installés le plus souvent loin des sources ponctuelles de pollution qui peuvent changer au fil du temps. Les concentrations des polluants atmosphériques peuvent en effet présenter une forte variabilité spatio-temporelle, difficile à mesurer par les stations de référence.
Les solutions possibles
La lutte contre les effets néfastes de la pollution constitue un véritable enjeu et une série de défis complexes pour les gouvernants. Nous allons énumérer quelques mesures possibles visant à atténuer les effets néfastes de la pollution de l’air comme :
le renouvellement du parc automobile avec des véhicules moins polluants;
la promotion des transports en collectifs tels que le TER (Train Express Régional) et le BRT (Bus Rapid Transit);
la mise en place d'un système d’alertes précoces qui permettra aux populations de prendre rapidement des mesures de protection appropriées.
Entre autres mesures individuelles, chaque personne à son niveau peut participer à la réduction des effets néfastes de la pollution de l'air en respectant les recommandations suivantes en périodes de pic de pollution :
se protéger en utilisant des masques faciaux appropriés;
limiter les déplacements et éviter une exposition longue à l’air ambiant;
réduire et reporter les activités physiques intenses en plein air;
consulter un médecin en cas de gêne inhabituelle.
Les politiques de lutte contre la pollution de l’air nécessitent des actions ambitieuses dans tous les secteurs d’activité, ainsi que des financements colossaux qui impactent le budget de l'Etat.
Nos résultats de recherche ont montré que la qualité de l’air dans la ville de Dakar est mauvaise et se détériore surtout pendant la saison sèche où les pics de pollution sont assez fréquents. Les particules en suspension sont les polluants les plus importants observés à Dakar et leurs concentrations dépassent les seuils annuels fixés par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Des efforts sont entrepris par le gouvernement pour contrôler et endiguer le phénomène mais sont encore insuffisants.